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La décroissance, panacée ou illusion face aux grands problèmes contemporains ?

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par Aymeric Guittet
Université Paris Sud-XI - Master 1 environnement, parcours économie 2012
  

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PARTIE III : Critique de la décroissance

Le mouvement de la décroissance se targue d'être une véritable alternative au modèle dominant de la décroissance. Toutefois, afin de ne pas se laisser berner par d'éventuelles illusions et de voir en la décroissance le remède, unique et indispensable, aux maux de notre temps, il est apparu nécessaire d'en opérer la critique. Dans le même temps, opérer cette démarche critique permettra de réfléchir aux apports indéniables de la décroissance, la « substantifique moelle » en somme.

La critique s'est voulu constructive, en ce sens qu'elle prend en compte les failles de la croissance et les idées des partisans de la décroissance au lieu de les ignorer ; elle laisse donc de côté les arguments des modèles de croissance (Rostow, théorie de la croissance endogène...) eu égard aux problèmes indiscutables qu'ils entraînent et que nous avons déjà envisagés.

1) L'absence de vision macro-économique

Cette idée peut paraître surprenante : les décroissants ne rejettent-ils pas eux-mêmes l'existence d'une vision économique (ou plus précisément, « économiste ») globale ? Certes, mais on peut leur rétorquer que concevoir la discipline, l'outil de réflexion qu'est la macroéconomie comme le simple vecteur d'une pensée productiviste est singulièrement réducteur et quelque peu paranoïaque. Au contraire, la macroéconomie permet de comprendre les dynamiques et relations unissant l'ensemble des agents du système économique et de trouver une solution aux problèmes se posant. Or, les différentes propositions des mouvements et auteurs favorables à la décroissance éludent rapidement cette question. Comment réagir, si la baisse de la consommation entraîne une baisse de la production, et donc chômage et potentiellement pauvreté forcée pour des milliers de personnes ?

De même, certaines des solutions avancées pour réduire l'empreinte écologique (prendre peu sa voiture, acheter « bio ») ne sont-elles pas inenvisageables, en raison du surcoût qu'elles entraînent, pour les ménages les moins aisés ? Penser global permet ainsi de toucher des problématiques très concrètes qu'oublient de résoudre les décroissants, à force de dédaigner les

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instruments économiques courants.

Plus fondamentalement, en remettant en cause la croissance « démesurée » et le « productivisme à tout crin », les décroissants ne songent pas que ce profil de croissance est lui-même inscrit dans un modèle plus général de capitalisme libéral, caractérisé par la primauté donnée aux marchés, l'ouverture aux échanges extérieurs et à la propriété privée : remettre vraiment en cause la croissance reviendrait à remettre en cause tout cela. Or, quel modèle global proposent-ils ? Souvent, leurs propositions gardent le cadre et ne modifient que des portions, ce qui souligne selon Jean-Marie Harribey « l'incapacité à penser simultanément la critique du productivisme et celle du capitalisme : seule la première est menée, mais sans qu'elle soit rattachée à celle des rapports sociaux dominants »53.

S'agissant de la préservation des ressources naturelles, les objecteurs de croissance ont le mérite de rappeler la loi de l'Entropie qui fait prendre conscience de la finitude inéluctable des ressources naturelles. Mais là est également leur faiblesse : les mouvements et auteurs ne s'accordent pas sur le moyen de pallier à cette consommation inéluctable, pas plus qu'ils ne proposent un objectif clair de décroissance économique. L'association ATTAC54 se saisit d'ailleurs de ce point et critique vertement le flou qui entoure la question de la décroissance ou non de la production et ironise : il faudrait « sortir d'une économie de croissance qui n'est pas une décroissance de la production dans une société de décroissance ». Le problème, plus large encore du « développement » des pays du Sud, qui provoque d'intenses débats au sein de la mouvance, n'est pas non plus résolu : les pays du Sud sont-ils victimes d'une vision occidentale ethnocentriste ou doivent-ils se développer ? Si oui, comment : par la croissance, le développement durable ? Sinon, par quel autre moyen ? Latouche55 avoue lui-même, malgré les années qu'il a passées en Afrique, ne pas avoir de réponse à cette question. En relation étroite avec cette interrogation, résiste le doute, non éludé, sur le point de savoir si la décroissance des pays du Nord n'entraînerait pas, par ricochet, celle des pays du Sud ?56

La décroissance sélective, vraie bonne idée, est également insuffisamment creusée : quels secteurs choisir ? A partir de quelle année de référence ? Au lieu d'approfondir ces questions, les auteurs ont tendance à se réfugier derrière des mots vagues et passe-partout, comme les concepts de « viabilité écologique » et « justice sociale » de Serge Latouche57 censés se substituer à la

53HARRIBEY (J-M), op.cit. 54ATTAC, op.cit.

55 « De Marx à la décroissance », Entretien avec Serge Latouche, Professeur émérite d'économie de l'Université de Paris-Sud, 25 janvier 2006.

56Notamment en ce qui concerne les exportations de produits primaires.

57LATOUCHE (S.), Petit traité de la décroissance sereine, éd. Mille et Une Nuits, 2007, 171 p.

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croissance. La critique du développement durable pour une « vraie » soutenabilité possède également des accents irréalistes : transformer une économie basée sur des infrastructures polluantes et des énergies fossiles en une économie utilisant des énergies renouvelables, un nouvel urbanisme et de nouveaux transports demande du temps et des investissements. Or, cette prise de relais est ignorée par les partisans de la décroissance, mettant là encore en exergue leur peine à réfléchir concrètement.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon