Chapitre 1
Introduction générale.
Les méthodes utilisées pour
l'étude des propriétés mecoscopiques de la matière
molle (cristaux liquides, films amphiphiles, membranes biologiques,
polymères, colloïdes, milieux granulaires....), dont les bases ont
été jetées par le Professeur Pierre-Gilles de Gennes (Prix
Nobel de Physique, 1991), ont contribué, d'une
manière déterminante, au nouvel essor de la biologie cellulaire
et au développement de nouvelles méthodes thérapeutiques.
Dans l'espace de quelques dizaines d'années, grâce à ces
techniques empruntées à la matière, l'on a plus saisir les
structures, la manipulation de molécules individuelles, les moteurs
biologiques, et la motilité et l'adhésion cellulaires.
Actuellement, l'intérêt accordé à ce domaine prend
plus d'ampleur.
Ces dernières années, les
matériaux biologiques (biomembranes, ADN, ARN, etc.) ont attiré
l'attention des Physiciens, mais aussi des Chimistes et Biologistes. En
particulier, les physiciens ont mis à la disposition des ces
matériaux tout un arsenal d'outils théoriques adaptés aux
phénomènes faisant intervenir un grand nombre de
molécules, à savoir la Mécanique Statistique, la
Théorie de Champ et la Simu-
Résumé. 15
lation (essentiellement, les méthodes Monte
Carlo et Dynamique Moléculaire). En parallèle, la visualisation
en temps réel, facilitée par les énormes progrès
des moyens optiques, s'est révélée un outil puissant
[1]. Ces techniques de visualisation a permis le
contrôle de la présence ou l'absence d'effets indésirables,
et aussi de présenter le système sous différents aspects
(zoom, angles d'observation, éclairement, marquages fluorescents,...).
Les techniques de diffusion (rayons-X, lumière et neutrons) ont
été déterminantes pour explorer les matériaux
biologiques, à toutes les échelles.
Des expériences ont montré que les
membranes biologiques peuvent incorporer de grosses molécules
(inclusions), telles que des protéines, des particules
colloïdales ou d'autres macromolécules [2]. En
plus des interactions directes entre ces diverses inclusions, les fluctuations
thermiques des membranes engendrent des interactions effectives entre elles
[3 - 9]. Notons que ces fluctuations
thermiques ont pour origine les chocs incessants de la part des
molécules et ions formant le liquide hôte. Donc, une
membrane biologique est un système capable de passer par une
infinité de configurations. L'apparition des ondulations thermiques ont
reçu leur confirmation expérimentale, même sous des
conditions physiologiques.
Les matériaux biologiques présentent un
grand intérêt, en raison de leurs nombreuses applications dans
divers secteurs [10, 11]. Sur le plan
conceptuel, leurs principales caractéristiques découlent de leur
structure bidimensionnelle et de la richesse de leur comportement
thermodynamique.
Aujourd'hui, la structure en bicouche diffuse des
membranes biologiques est largement admise par la communauté
scientifique. Le dénominateur commun de ces bicouches est qu'elles sont
formées de molécules amphiphiles. La majorité des
molécules de lipide sont les phospholipides. Une molécule
amphiphile est composée d'une
Résumé. 16
tête polaire hydrophile (qui aime l'eau) et
d'une queue hydrophobe [12]. Cette queue qui n'aime pas, est
naturellement repoussée par le milieu aqueux. Cette double
affinité fait que les molécules s'assemblent de façon
à exposer leur tête et protéger leur
extrémité lipidique. En plus de ces molécules lipidiques,
une membrane cellulaire comporte des protéines transmembranaires et
périphériques, des glycoprotéines, des glycolipides, et
dans certains cas, du cholestérol et des lipoprotéines
[13]. Signalons qu'il existe des membranes biologiques, qui
sont dépourvues de cholestérol. C'est le cas des
bactéries, par exemple.
Les phospholipides sont loin d'être immobiles,
car ils peuvent diffuser librement sur la surface de la membrane. Aussi, ils
subissent de rotations autour de leur axe principal [13]. De
plus, l'épaisseur de la couche lipidique est de l'ordre de 100
Angströms, qui est naturellement plus faible que son extension
latérale. De ce fait, une membrane biologique peut être
considérée comme un liquide bidimensionnel. En langage de
Géométrie Différentielle, une membrane est une surface
fluctuante plongée dans l'espace euclidien à trois dimensions
[14 - 16].
Le grand nombre de molécules impliquées
et la géométrie locale souvent complexe [14 -
16] rendent difficile le traitement des membranes biologiques,
à partir d'interactions microscopiques réalistes. C'est la raison
pour laquelle l'on a vu se développer, progressivement, des
théories phénoménologiques ignorant les détails
microscopiques, mais permettant de prédire la majorité des
comportements généraux. Les membranes sont
considérées comme des surfaces fluctuantes continues,
décrites par une énergie effective qui dépend de la forme
locale de la membrane, de son élasticité, de sa topologie, et
éventuellement des degrés de liberté
supplémentaires en relation les spécificités des diverses
espèces chimiques présentes [17,
18].
Résumé. 17
Mais, très souvent, une biomembrane est en
présence de petites entités baignant dans le milieu aqueux
(macromolécules ou autres). Bien évidemment, celles-ci influent
sur le comportement de cette membrane (spectre de fluctuations,
séparation de phase, etc.). Pour mener des études quantitatives
des effets de ces corps étrangers, l'on peut les assimiler à des
particules colloïdales de forme sphérique (nanoparti-cules). Cette
hypothèse n'est valable que si la taille des particules est bien
inférieure à la taille caractéristique de la membrane, qui
est sa rugosité moyenne.
Cette thèse s'inscrit précisément
dans le cadre de la Physique Statistique des biomembranes confinées,
pour diverses situations.
La première contribution est le calcul
de la force de Casimir entre deux plaques interactives parallèles
délimitant un liquide comptant une biomembrane immergée
[19]. Cette force répulsive provient des ondulations
thermiques de la membrane. Nous avons traité aussi bien l'aspect
statique que l'aspect dynamique.
La deuxième contribution se rapporte
à une solution colloïdale au contact d'une biomembrane, qui est
confinée dans une fente [20]. L'épaisseur de
cette fente est supposée beaucoup plus petite que la rugosité en
volume, afin d'assurer le confinement de la membrane. Le but étant
l'étude de la dynamique Brownienne de ces particules, sous la variation
d'un paramètre adéquat, tel que la température, par
exemple. L'objet de base est la densité locale des particules. Nous
avons déterminé exactement cette densité, qui est fonction
de la distance et du temps. L'outil pour cela est l'équation de
Smoluckowski.
La troisième contribution est une
étude détaillée des effets d'impuretés sur les
propriétés statistiques des membranes fluides
[21]. Celles peuvent être attractives ou
répulsives. En premier lieu, nous avons déterminé la
rugosité moyenne de la
Résumé. 18
membrane, en combinant la technique des
répliques avec la méthode variationnelle. Le résultat
s'exprime en fonction de la concentration des impuretés et l'amplitude
de leur interaction avec la membrane. En second lieu, nous avons
évalué la taille d'une vésicule isolée, en fonction
de ces mêmes paramètres. Enfin, l'étude est étendue
à l'adhésion membranaire.
La quatrième contribution est une
étude conformationnelle d'un polymère isolé, qui est
confiné entre deux membranes lipidiques parallèles ou dans une
vésicule tubulaire [22]. Pour rester plus
général, nous avons supposé que le polymère est de
topologie arbitraire, qu'on appelle D-manifold, où
D est la dimension spectrale (par exemple, D =
1, pour les polymères linéaires, et D =
4/3, pour les polymères
branchés). En fait, D est le nombre de coordonnées
locales permettant de caractériser géométriquement le
polymère.
La dernière contribution est une
investigation de la séparation de phase entre les phospholipides et des
polymères greffés sur une membrane fluide [23].
L'étude a été menée, pour diverses situations,
à savoir la qualité du solvant et la polydispersité des
chaînes de polymère. Nous avons montré que ces deux
facteurs induisent des changements drastiques du comportement de
phase.
Le mémoire suit l'organisation
suivante.
Les deux premiers chapitres sont à
caractère bibliographique, où nous rappelons les
éléments nécessaires à la présente
étude.
Les résultats trouvés sont
décrits aux chapitres 3 à
7.
Enfin, nous retraçons nos conclusions et
présentons certains détails techniques (Appendices A et
B) à la fin de ce mémoire.
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