6.4 Vésicules isolées.
D'entrée de jeu, nous rappelons que la forme
d'équilibre des vésicules peut être
déterminée en utilisant les techniques de la
Géométrie Différentielles.
Une vésicule est formée par deux
monocouches adjacentes (interne et externe). A leur tour, ces feuillets sont
formés de molécules amphiphiles. Naturellement, celles-ci
diffusent en permanence avec les molécules du milieu aqueux entourant la
membrane. Une telle diffusion provoque des variations thermiques (ondulations)
de la membrane. Cela veut dire que le dernière subit des variations
autour d'une configuration
hapitre 5 : Mécanique Statistique des
membranes confinées .. 136
F = 2 f
(2C)2 dA +
êG f KdA
+ fãdA + p
f dV . (5.48)
d'équilibre.
Considérons une biomembrane à topologie
arbitraire. Un point de cette membrane (surface) peut être décrit
par deux coordonnées locaux
(u1, u2).
A chaque point de la surface, il existe deux courbures particulières
(minimale et maximale), appelé courbures principales à la
surface [9], notées C1 =
1/R1 et C2 =
1/R2. Les quantités
R1 et R2 sont les rayons de
courbure principaux. Avec ces courbures principales, l'on construit deux
invariants, qui sont la courbure moyenne
1
C = 2 (C1 +
C2) , (5.46)
et la courbure Gaussienne
K =
C1C2 .
(5.47)
L'on a besoin d'un bon modèle, qui permet de
comprendre les propriétés géométriques et physiques
des biomembranes. Le modèle largement accepté est ce lui du
fluide mosaïque, proposé par Singer et Nicholson, en
1972 [10]. Ce modèle consiste à
considérer la membrane de la cellule comme une bicouche lipidique,
où les molécules de lipide peuvent diffuser librement sur la
surface de la membrane fluide, alors que les protéines et autres
molécules amphiphiles sont enfoncées dans les deux feuillets de
la bicouche lipidique. Nous rappelons que les propriétés
élastiques des biomem-branes en bicouche ont été
étudiées, pour la première fois, par Helfrich, en
1973 [8]. L'auteur proposa l'énergie libre de courbure
(sans impuretés) suivante
hapitre 5 : Mécanique Statistique des
membranes confinées .. 137
Ici, dA désigne
l'élément de surface sur la membrane, et V est le volume
délimité par la bicouche lipidique. Dans la définition
précédente, ê est la constante de rigidité
de courbure, qui contrôle l'amplitude des fluctuations thermiques de la
membrane, du fait qu'elle contient tous les détails microscopiques de la
bicouche, à savoir la rigidité et la longueur des chaînes
carbonées hydrophobes, la nature des interactions entre têtes
polaires, etc. D'ailleurs, les valeurs typiques de ce module varient de
quelques kBT, pour les membranes les plus souples, à
quelques dizaines de kBT, pour les membranes les plus
rigides. La valeur de ê dépend naturellement de la nature
des molécules de lipide formant la bicouche. Dans la définition
(5.48), êG est le
module élastique de Gauss, -y est la tension de surface, et
p est la différence de pressions entre les faces
extérieure et intérieure de la vésicule. Un calcul
variationnel, de premier ordre, donne l'équation de forme
d'équilibre des vésicules [11]
p - 2-yC +
4êC (C2
- K) + êV2
(2C) = 0 ,
(5.49)
avec l'opérateur de Laplace-Bertlami (de
surface)
V2 = 1
N/g
|
a ~N/ggij a ~ ,
(5.49a)
aui auj
|
où gij est le tenseur
métrique sur la surface, et g = det
(gij) est son déterminant.
Pour des vésicules ouvertes ou fermées avec une ligne de tension,
l'équation différentielle locale
(5.49) doit être
complétée par des conditions aux limites additionnelles que nous
n'écrivons pas [12]. L'équation
précédente a trois solutions analytiques, qui correspondent
à une sphère [11], au tore-N/2
[13 - 16], et au disque biconcave
[17].
hapitre 5 : Mécanique Statistique des
membranes confinées .. 138
~F ? F #177; kBT öCdA .
(5.52)
Pour le cas cylindrique (vésicules tubulaires),
l'une des deux courbures principales est nulle, et l'on a
1
C = - K = 0 ,
(5.50) R
où R est le rayon du cylindre. Si nous ignorons
la condition aux frontières (supposition valable pour les très
longs tubes), la solution constante de l'équation
(5.49) est
4ê\
1/3
H = 2( I
p
(5.51)
où H est le diamètre à
l'équilibre. Nous avons négligé la tension de surface et
la contribution provenant de la courbure spontanée, pour avoir une
expression simplifiée du diamètre à
l'équilibre.
La relation précédente a de sens tant
que la différence de pressions est plus petite qu'une valeur critique
pc, donnée par [54] : pc
~
ê/R3. Cette
dernière est de 1 à 2Pa. La
signification de la pression critique est qu'au-delà de
pc, la vésicule est instable. Cela implique que le
diamètre à l'équilibre doit être plus grand qu'une
valeur critique Hc = 2
(4ê/pc)1/3.
Maintenant, nous supposons que la vésicule
fermée est immergée dans un milieu aqueux trouble,
c'est-à-dire renfermant des impuretés attractives ou
répulsives. Habituellement, on prend en considération la
présence des impuretés, par l'ajout d'un terme en couplant leur
fraction volumique, ö, et la courbure moyenne C de la membrane, à
l'énergie libre précédente F,
c'est-à-dire
hapitre 5 : Mécanique Statistique des
membranes confinées .. 139
Le signe positif est pour des impuretés
attractives, et le signe négatif pour les répulsives. La nouvelle
énergie libre est alors
F = 2 f (2C +
2Co)2 dA
+ êG fKdA +
f "-ãdA +
p f dV , (5.53)
avec la notation
Co = kBT ö
(5.54)
4ê , "-ã =
ã - 2êC2
o .
Alors, les impuretés produisent une courbure
spontanée.. Cela veut dire que celles-ci donnent lieu à une
asymétrie de la vésicule, quand sa membrane est traversée.
De plus, ces impuretés renormalisent additivement le coefficient de
tension interfaciale. La minimisation de la nouvelle énergie libre
donne
p - 2"-ãC +
ê (2C + Co)
(2C2 #177;
CoC - 2K) +
êv2 (2C) = 0
. (5.55)
Pour une vésicule sphérique, nous trouvons
que la solution est
2
ö2
R = 2
(2ã2 +
(kBT)2
16r~1 +
2kBTöp + 2ã +
(kBT)2
16ê . (5.56)
p /
Pour une fraction volumique très faible,
c'est-à-dire ö << 1, nous trouvons, au
premier ordre, que
R Ro
= 1 +
pgB2 ö +
C) (ö2) (5.57)
ã
hapitre 5 : Mécanique Statistique des
membranes confinées .. 140
ou encore
~~~~
|
R - Ro
|
~~~~
|
? pkB2 0 . (5.58)
8'y
|
Ro
|
membrane immergée dans un milieu aqueux, qui est
imprégné par de petites impu-
Les signes + et - sont pour
impuretés attractives et répulsives, respectivement. Ici
Ro = 2'y/p désigne le rayon à
l'équilibre d'une vésicule en l'absence d'impuretés. Les
résultats ci-dessus appellent les remarques suivantes.
En premier lieu, comme il se doit, le rayon
d'équilibre de la vésicule augmente avec la fraction volumique
d'impuretés, lorsqu'elles sont attractives. Cela signifie que la
vésicule est gonflée, mais son rayon reste proche du rayon non
perturbé Ro, tant que la fraction volumique
d'impuretés est très faible. Pour les impuretés
répulsives, toutefois, l'on assiste à l'effondrement de la
vésicule.
En second lieu, la formule
(5.57) n'a de sens que lorsque la
fraction volumique 0 est inférieure à un certain seuil
0* =
8'y2/kBTp. Celle-ci doit
être naturellement faible devant l'unité. Cela implique que la
tension de surface ne doit pas dépasser !une certaine valeur
typique 'y* =
kBTp/8.
Enfin, à une fraction de volume fixée
0 < 0*, la formule
(5.58) peut être
utilisée pour estimer la valeur expérimentale du rapport
p/'y2, par une simple mesure des rayons
d'équilibre R (avec impuretés) et Ro
(sans impuretés).
Le paragraphe suivant sera consacré à
l'étude des phases lamellaires, constituées de deux bicouches
lipidiques parallèles.
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