4.2. L'évolution du cadre légal en
Suisse
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En Suisse, toutes les politiques actuelles de l'eau reposent sur
la Loi fédérale sur la protection
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des eaux (RS, 814.20) du 24 janvier 1991, (LEaux), qui a
remplacé deux autres lois : la Loi sur la protection des eaux contre la
pollution (LPEP) de 1955 et celle de 1971.
La structure fédérale de la Suisse influence
toutes ses politiques, notamment celles de l'eau. La
Confédération a une souveraineté sur toutes les eaux et
jouent le rôle de surveillant quant à la mise en oeuvre des
politiques publiques fédérales liées à l'eau. Par
contre, les cantons et les communes gardent toute leur autonomie par rapport
à la Confédération, surtout en matière de
propriété des eaux et d'approvisionnement en eau potable. Cette
autonomie fait que l'application de la politique fédérale varie
d'un canton à l'autre et est fonction des conditions locales. Les
communes ont la possibilité de se regrouper pour assurer certains
services comme les stations de potabilisation (cas de Lausanne par exemple) et
l'assainissement (cas de Genève par exemple).
Le Code civil de 1912 en ses articles 664 et 704 distingue les
eaux publiques des eaux privées respectivement. Les eaux publiques
englobent les eaux de surface (lacs et cours d'eau), les glaciers et les
névés ; « l'Etat en règle alors les droits de
disposition et d'usage par l'octroi d'autorisations (manifestations sportives)
de patentes (pêche) ou de concessions (droit exclusif d'usage de la
ressource contre paiement d'une redevance) » (Reynard et al. 2000 :
39).
Les eaux privées quant à elles regroupent les
sources et les eaux souterraines ; ces dernières font partie
intégrante des fonds sous lesquels elles sont situées et leur
propriété est acquise avec l'acquisition des sols.
Toutefois, il existe des exceptions comme dans le canton de
Glaris où les eaux de surface sont considérées comme des
eaux privées ; de même, dans le canton du Valais, le cours d'eau
de la Raspille est en propriété privée. Toutes les eaux de
source, non plus, ne sont pas considérées comme des eaux
privées ; on peut citer entre autres : les sources de tête de
cours d'eau, les sources jaillissant d'un glacier ou d'un terrain impropre
à la culture, les grandes sources ou nappes souterraines
d'intérêt général. Avec la limitation des droits
d'usage sur les eaux, le transfert progressif des processus décisionnels
relatifs aux eaux privées de la sphère privée vers la
sphère publique et l'intérêt général primant,
« aujourd'hui, les eaux souterraines sont généralement
considérées comme des eaux publiques » ( Reynard et al.
2000 : 43).
Selon Reynard et al. (2000), entre 1870 et 2000, le
système régulatif sur l'eau peut être résumé
en trois étapes comme suit :
- 1874-1912 : souveraineté de la
Confédération sur les eaux publiques ; les principaux acteurs en
cette étape sont l'Etat (Confédération et
cantons), les propriétaires (cantons, communes
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et propriétaires privés), appropriateurs
(consortages, aménagistes, hydroélectriciens),
usagers finaux (populations riveraines, industries, services
industriels, consommateurs d'eau potable et d'électricité).
- 1912-1953 : adoption du code civil et distinction entre eaux
publiques et privées, puis transfert progressif des droits de
disposition dans la sphère publique ; ici, on retrouve à peu de
chose près les mêmes acteurs que précédemment.
- 1953-2000 : limitation progressive des droits d'usage pour
préserver les eaux sur les plans qualitatif et quantitatif ; à
cette étape un nouveau groupe d'acteurs apparaît : ce sont les
groupes de pression limités à la communauté scientifique,
les environnementalistes et protecteurs du patrimoine qui ont à coeur la
protection du paysage et qui réussissent à s'opposer à des
projets hydrauliques néfastes à l'environnement.
Pour conclure, nous pouvons dire qu'en Suisse, il n'existe pas
de loi unifiée qui régule la gestion de l'eau à
l'échelle des bassins hydrographiques comme c'est le cas pour la France.
Ici, les cantons sont l'échelon de base de gestion de l'eau.
En France, on note une multiplicité d'acteurs
intervenant à quatre niveaux d'échelle différents, ce qui
crée des problèmes de coordination dans la mise en oeuvre des
politiques de gestion de l'eau.
Pour ce qui est de l'approvisionnement en eau potable et
assainissement, l'unité spatiale de gestion est la commune dans les deux
cas. La législation suisse laisse une certaine autonomie aux
autorités locales qui peuvent opter pour un système de gestion
selon les conditions locales ; cette gestion est moins dirigiste en Suisse
où on parle du rôle de la Confédération en termes de
« surveillance » alors qu'en France, on parle du rôle de l'Etat
en termes de « contrôle et de sanction via la police des eaux
». L'intercommunalité est présente et encouragée dans
les deux cas d'étude.
Par contre, le mode de gestion varie fortement : en Suisse la
gestion publique municipale en régie est le mode exclusif alors qu'en
France, la gestion par délégation domine.
Le prix de l'eau varie grandement entre ces deux pays ainsi
que le taux de renouvellement des infrastructures. Ce prix est plus bas en
Suisse. La Suisse renouvelle plus rapidement son réseau par rapport
à la France.
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