De l'apport du dialogue intercongolais à la mise en place des institutions politiques actuelles en RDC( Télécharger le fichier original )par Junior Mwaka Makilita Université de Kinshasa - Licence 2008 |
2.2. Institutions politiques de la deuxième RépubliqueQuand Joseph-Désiré MOBUTU a accédé au pouvoir d'Etat, il a justifié son coup d'Etat comme un « coup d'arrêt à un climat d'anarchie ». Il a défini ce coup de force comme « une défense de l'unité, de la souveraineté, de la démocratie », menacées par les cinq ans de chaos. Il s'agissait d'une « révolution-comparaison » dans la mesure où MOBUTU avait établi une comparaison entre la première moitié des années soixante, qui a été caractérisée par les sécessions, les rébellions, etc., d'une part, l'unité, l'ordre et la démocratie qu'il avait voulu instaurer dans le pays, d'autre part.(21(*)) Contrairement à ses nombreux discours, le Président Joseph-Désiré MOBUTU a plutôt mis en place un Gouvernement dictatorial. Les partis politiques ont été interdits de fonctionner pendant une période de cinq ans au cours de laquelle il était supposé faire revenir la paix, l'unité nationale et la démocratie. Contrairement aux institutions politiques démocratiquement mises en place pendant la première République, la deuxième République a été régentée par des institutions politiques dont l'objectif ultime était la personnification du pouvoir d'Etat. A l'époque du Parti-Etat, l'adhésion au MPR était l'affaire de tous les Zaïrois, quel que soit leu âge. L'article 33 de la Constitution révisée en 1988 stipulait que : « Tout Zaïrois est membre du Mouvement Populaire de la Révolution ». Dans un « meeting populaire », le Chef de l'Etat précisait : « Olinga olinga te, ozali kaka na MPR. ». La traduction littérale est : « Que tu le veuilles ou non, tu es membre du MPR. » Il était également affirmé dans le discours du pouvoir que « le Zaïrois est membre du MPR depuis le sein maternel. »(22(*)) L'institutionnalisation du MPR a consacré l'omnipotence de son Président, MOBUTU. Elle s'est matérialisée par la promulgation d'une nouvelle Constitution, intervenue le 15 août 1974, qui n'était qu'une refonte en un texte homogène des diverses modifications introduites depuis la Constitution du 24 juin 1967. Le caractère novateur de la Constitution du 15 août 1974 concernait un certain nombre des dispositions de fond qui définissent la dualité entre le parti et l'Etat. Au sein de chaque entité, le chef suprême occupait une place prépondérante réaffirmée par la Constitution. Il y a d'abord le fait que le MPR a été revêtu d'un caractère d'inviolabilité qu'il n'avait pas jusqu'alors. Il y a ensuite le fait que cette Constitution est une refonte en un texte unique des statuts d'un parti politique, le MPR, avec la Constitution ou loi fondamentale qui régit l'Etat zaïrois. Il y a encore le caractère d'exclusivité que la Constitution reconnaît au MPR par rapport à toute autre forme d'institution existante. Se confondant à la nation, le MPR devient l'unique institution du pays. Cette proclamation est faite dès la première phrase du préambule. Elle est confirmée par l'article 28 qui énonce cette idée : « En République du Zaïre, il n'existe qu'une seule institution, le Mouvement Populaire de la Révolution... » L'article 29 précise : « Le Mouvement Populaire de la Révolution est la nation zaïroise organisée politiquement. » Enfin, conformément à son article 43, la Constitution de 1974 structure le MPR en cinq organes qui sont : le Bureau politique, le Congrès, le Conseil Législatif (Parlement), le Conseil Exécutif (Gouvernement), et le Conseil Judicaire (Cours et Tribunaux). La réflexion sur une telle structuration fait dégager trois types d'enseignements. Le premier, c'est que le Président du MPR n'est pas encore érigé en organe comme cela se fera dans la Constitution de 1978.
Le second, c'est qu'un organe délibératif restreint, en l'occurrence le Bureau Politique, est hiérarchiquement supérieur à l'organe consultatif élargi, le Congrès. La Constitution de 1978 corrigera également une telle situation. Le troisième enseignement, c'est qu'en fait, les structures de l'Etat sont réduites à être des organes d'un parti politique. Les trois fonctions législative, exécutive et judicaire exercées habituellement respectivement par le Parlement, le Gouvernement et les Cours et Tribunaux sont détenues par les mêmes institutions qui deviennent des simples structures partisanes. Les appellations des membres de l'Assemblée Nationale et du Gouvernement ayant changé, les détenteurs deviennent des « simples » Commissaires du Peuple et d'Etat. Comme l'exercice de la plénitude du pouvoir revient au Chef du parti et de l'Etat. Le stade de la suprématie du parti sur l'Etat est intervenu lorsque le MPR est devenu Parti-Etat. Au stade d'institutionnalisation du MPR et de construction de l'omnipotence de son Président et Fondateur, succède en 1978 celui de la phagocytose du MPR sur l'Etat qui confirme en outre le statut privilégié et particulier du Président-Fondateur du MPR. Le régime MOBUTU a été combattu par les Congolais. A titre illustratif revenons sur la lutte menée dans le cadre de la société civile (étudiants, églises, etc.) ; de l'opposition armée (Parti de la révolution populaire, PRP de Laurent-Désiré KABILA et le Front de libération nationale congolaise, FLNC de MBUMB Nathanaël) ; ainsi que de l'opposition politique. Signalons que cette énumération n'est pas exhaustive. S'agissant de la lutte menée par la Société civile, il y a lieu d'épingler la lutte menée par les étudiants congolais réunis au sein de l'Union Générale des Etudiants Congolais (UGEC). Ceci explique les affrontements entre le régime MOBUTU et les étudiants en 1969 comme en 1971. Signalons aussi les grèves ouvrières, celles des enseignants, le duel entre MOBUTU et l'Eglise Catholique patronnée par le Cardinal MALULA.(23(*))
Quant à l'opposition armée, Cosma WILUNGULA signale que le Parti de la Révolution Populaire (PRP) de Laurent-Désiré KABILA a évolué dans les montagnes de FIZI-BARAKA dans la Province du Sud-Kivu, à l'Est du pays, de 1967 à 1986. Entre novembre et décembre 1984, il a combattu le régime MOBUTU en attaquant le territoire de MOBA dans la province du Katanga.(24(*))
Outre le PRP, il y a eu aussi le Front de Libération Nationale Congolaise (FLNC) de MBUMB Nathanaël. Le FLNC a essayé de renverser le Président MOBUTU en attaquant à deux reprises à partir de la province du Katanga. Ces deux attaques se sont déroulées du mois de mars au mois de mai 1977 pour la première, et en mai 1978, pour la seconde. D'aucuns parleront de Shaba I et Shaba II.(25(*)) Quant à l'opposition politique enfin, nous devons noter que les treize Parlementaires qui avaient fini par adresser une lettre ouverte à MOBUTU ont fini par mettre en place l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS).(26(*)) Ces institutions politiques de la deuxième République ne seront changées qu'avec l'avènement de la transition politique amorcée depuis le 24 avril 1990. * 21 MOBUTU SESE SEKO, cité par KABUYA LUMUNA, La conquête des libertés en Afrique, Noraf, Kinshasa, 1995, p. 349. * 22 KIRONGOZI LIMBAYA, B., L'Etat « Patriarchique » en Afrique Noire. Prémisses, idéologie, structures, fonctionnement et évolution d'un Etat hybride, Thèse de doctorat en Science Politique, Université de Nancy 2, 1994, p. 193. * 23 Lire à ce sujet, KABUYA LUMUNA, Idéologies zaïroises ..., Op. Cit., p. 278 * 24 WILUNGULA Cosma, Fizi 1967-1986. Le maquis KABILA, L'Harmattan, Paris, 1997, pp. 51-75. * 25 KABUYA LUMUNA, Idéologies zaïroises ...., Op. Cit., pp. 363-364. * 26 KABUYA LUMUNA, La conquête des libertés, Op. Cit., pp. 404-405 |
|