La réforme des entreprises publiques congolaises: reengineering ou simple mutation juridique. Cas de la Société Congolaise des Postes et Télécommunications (SCPT )( Télécharger le fichier original )par Walter- Wally NKUY KIMBUNGU Université de Kinshasa - Licence 2011 |
III.4. Un nouveau modèle d'entrepriseLes entreprises congolaises paraissent avoir été construites sur le modèle de l'entreprise soviétique. Elles ont été conçues comme le prolongement d'un vaste réseau d'organismes formés au niveau national. Fait essentiel, il s'agit d'organismes économiques et administratifs, mais aussi politiques, sociaux et autres.31(*) Aussi, la gestion de l'entreprise d'Etat se confond souvent à celle du parti dirigeant. Ainsi, la gestion de l'entreprise entretient une relation de subordination avec l'organisme dont il est le prolongement. Nous pouvons donc dire que, d'un point de vue organisationnel, l'entreprise est un ensemble flou, mal délimité et relativement éclaté ; bref, toutes ces failles l'ont empêché d'être réellement une entité. Ce phénomène se confirme si l'on étudie, non pas seulement la dimension organisationnel de l'entreprise, également ses pratiques de gestion. Le système économique est planifié. Un plan général de ses activités lui est fourni par sa tutelle. Ce style ne facilitait pas une bonne communication entre différents acteurs. L'entreprise est clairement un maillon de base de l'économie nationale. Elle n'est pas une entité à part entière dont les activités sont gérées par une direction : la plupart des décisions en matière de gestion se font en effet en dehors d'elle. Raison pour laquelle, recourir à une expertise indépendante relève d'une nécessité impérieuse. La forte présence des firmes multinationales performantes sur terrain offre à l'Etat l'opportunité de revoir son portefeuille, de l'assouplir pour ne pas se voir devant un fait accompli qui bousculerait et mettrait à mal, toute transformation. La réforme de l'OCPT est porteuse d'un tout autre modèle d'entreprise. Elle a ainsi pour objectif de réintégrer dans l'entreprise les activités de commercialisations, c'est-à-dire faire des bénéfices. Plusieurs règlements (promulgués en 2004, 2008, 2009 et 2010) visent à protéger, au moyen de la loi, le droit des entreprises en matière d'autonomie vis-à-vis de leur autorité de tutelle. L'objectif principal de cette réforme est de réaliser ``la séparation du Gouvernement des entreprises'' autrement dit de réaliser ``la séparation des droits de propriété et des droits d'exploitation'', ces derniers étant laissés à la direction de l'entreprise. Ceci permettrait une communication fluide entre différents acteurs de cette entreprise et le monde extérieur. Cette communication assurerait une meilleure dynamique dans le fonctionnement, l'émergence et la survie de l'OCPT. A ceci s'ajoute la remise à niveau des capacités du personnel et l'informatisation des services. Les dispositions contenues dans « le décret n°09/12 du 24/04/2009 établissant la liste des entreprises publiques transformées en sociétés commerciales, établissements publiques et services publiques »32(*) définissent les nouveaux documents comptables, qui seront désormais un bilan, un compte de résultat et un tableau de financement, et les nouveaux concepts qui seront utilisés en comptabilité : l'actif et le passif, les capitaux propres, un produit, une charge, etc. l'entreprise n'est donc plus un simple élément de système économique national et du budget de l'Etat, elle est une entité à part entière, une entité patrimoniale. En tant qu'entité patrimoniale, l'entreprise doit être ``responsable de ses profits et de ses pertes'', et donc forcement rentable, c'est-à-dire couvrant au minimum ses coûts. En effet, d'une manière générale, cette réforme a visé à introduire dans les pratiques de gestion de l'entreprise une communication fluide, gage de la logique de l'économie de marché avec ses deux aspects de concurrence et de rentabilité et, d'autre part, dans cette logique de rentabilité et de maximisation de profit, à externaliser les coûts de production de la force de travail (logement, scolarisation, soins médicaux, retraites). Le système des économies de marchés repose essentiellement sur l'initiative individuelle. Chaque agent économique (Consommateur, Producteur, Détenteur de ressources) est censé décider souverainement ce qu'il va consommer, produire ou utiliser et comment, où et quand il le fera : Ø Les consommateurs acquièrent les biens et services qu'ils désirent, selon leurs préférences subjectives, et dans les limites des moyens dont ils disposent ; Ø Les producteurs fournissent les biens et services qu'ils jugent souhaitables de produire, et le font en utilisant les facteurs de production qu'ils jugent les plus appropriés, compte tenu des nécessités techniques ; Ø Enfin, les détenteurs de ressources décident librement de les consacrer aux emplois qu'ils jugent les meilleurs à leur point de vue. Ø Donc, en principe, personne n'impose rien à personne.
Officiellement, le personnel devrait désormais être embauché sur contrat de travail et non sous `` le système d'emploi à vie'', et payé en fonction des résultats économiques de l'entreprise. La direction et le département du personnel peuvent embaucher, licencier, promouvoir et rétrograder les employés et les cadres33(*). Les individus sont ainsi mis en concurrence et soumis à une certaine obligation des résultats. Ce qui a fait apparaitre dans les discours officiels et la presse la question des sureffectifs des entreprises d'Etat. Elle est de plus en plus massivement considérée comme un problème à résoudre qui entrave la rentabilité des entreprises. Nous voyons finalement, à travers ces différents éléments, que dans cette réforme, l'OCPT n'est plus du tout conçu ni comme un ensemble flou, ni comme un simple maillon de l'économie nationale, mais comme une institution à part entière et une entité essentiellement économique. Cela devient possible par la modernisation du cadre juridique. * 31 LOWIT T et alii, « L'entreprise captive en Europe de l'Est » in R. SAINSAULIEU (dir), L'Entreprise, une affaire de société, Paris, Presse de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990, p. 269. * 32 Décret n°09/12 du 24 avril 2009 * 33 CORINE, E., L'entreprise d'Etat chinoise : de « l'institution-sociale totale » vers l'entité économique ? Thèse de sociologie, Université de Provence, l'Harmattan, 1997, p. 120. |
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