II. L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET UNIVERSITAIRE EN
RDC.
Dans ce point, nous ferons un bref aperçu historique de
l'évolution de l'ESU en RDC, de ses différentes reformes et de la
politique de l'essaimage des ISU.
1. BREF APERCU HISTORIQUE DE L'EVOLUTION DE L'ESU EN
RDC
L'Enseignement Supérieur et Universitaire de la RDC a
commémoré en 2004 son cinquantième anniversaire et
à ce jour, il est entré dans sa 57ème
année d'existence.
Il sied de rappeler que la création de la
première université congolaise sous initiative des Pères
Jésuites, spécialement les Révérends Pères
Schumans et Smet ainsi que le Professeur Malengreau, l'Université
Lovanium et puis développée par Mgr Gillon et Mgr Plevoets.
De part ses imposantes infrastructures, l'excellence de ses
programmes, le niveau ainsi que l'envergure de ses activités de
recherche, elle fut la plus importante et la plus célèbre
institution d'enseignement universitaire en Afrique centrale voire dans toute
l'Afrique au Sud du Sahara.
La RDC s'est illustrée par une activité
scientifique intense menée par les Centres et Instituts de recherche
notamment l'Institut National pour l'Etude et la Recherche Agronomiques au
Congo (INEAC), l'Institut de Médecine Tropicale (IMT), l'Institut de
Recherche en Afrique Centrale (IRSAC).
Les résultats des recherches sur le palmier
élaïs menés à l'INERA (ex INEAC) ont contribué
sans nul doute à l'essor de l'agriculture des pays comme le
Nigéria, la Malaisie et la Cote d'Ivoire. Plusieurs recherches dont les
résultats ont impacté sur la vie nationale ont été
menés dans divers secteurs notamment en Médecine, en
Anthropologie...
A son accession à l'indépendance en 1960, la RDC
comptait une seule université complète, à savoir le
Lovanium, d'obédience catholique, qui avait été
fondée en 1954, avec le concours technique de l'Université
catholique de Louvain. Il s'agissait donc d'une université privée
et confessionnelle, subsidiée par l'Etat et dont la finalité
s'inscrivait dans la perspective de l'oeuvre évangélisatrice de
l'Eglise catholique.
Jouissant d'une large autonomie interne, son Conseil
d'administration fonctionnait sous l'autorité directe de l'Eglise, avec
une simple participation du ministère de l'Education qui y
déléguait un représentant. L'université pouvait
ainsi s'organiser comme une institution scientifique et académique
intégrée dans un milieu éducatif chrétien.
La seconde institution d'enseignement supérieur du
pays, l'Université Officielle du Congo, créée en 1956
à Lubumbashi, en tant qu'université d'Etat. Quoique relevant
directement de l'Etat comme pouvoir organisateur, l'Université
Officielle du Congo jouissait d'une certaine autonomie interne dans sa gestion
académique quotidienne.
La troisième université à voir le jour
dans le pays fut l'Université Libre du Congo, créée
à Kisangani en 1963. Elle fut organisée et fonctionna sur le
modèle de Lovanium. C'est l'actuel Université de Kisangani.
Calquées sur le modèle occidental, ces trois
universités firent, dans leurs premières années, appel
à la collaboration des professeurs européens compétents et
reconnus et ces trois premières créations constituent encore
aujourd'hui le socle du système universitaire national.
a. Poursuite de la création des instituts
supérieurs.
Cela permit, certes, de sauvegarder, jusqu'en 1971, un niveau
scientifique et académique correspondant, mutatis mutandis, aux
standards universitaires internationaux.
Dans ses efforts pour relever le défi de la
pénurie autant que du besoin urgent des cadres supérieurs
compétents, le Congo connut une période de grande
créativité en matière d'enseignement de 1960 à
1970, grâce à une large concertation entre ministères,
représentants des Eglises, professeurs et experts internationaux.
Entre 1960 et 1970, l'Eglise catholique, qui
bénéficiait de l'aide étrangère grâce
à la présence, encore significative, des missionnaires
européens, créa, pour chacune de ses six provinces
ecclésiastiques, un institut supérieur pédagogique pour
pouvoir doter les écoles secondaires du personnel enseignant
qualifié dont il avait besoin dans le cadre de l'option pour un
enseignement promotionnel plutôt que sélectif. L'Institut
supérieur pédagogique de Kinshasa-Gombe vit le jour en 1961,
tandis que ceux de Bunia et de Mbujimayi furent créés en 1968.
Le processus de création des instituts
supérieurs se poursuivit de sorte qu'en 1971, lors de la réforme
qui a regroupé tout l'enseignement supérieur sous le label UNAZA
(Université Nationale du Zaïre), on pouvait compter 37
établissements d'enseignement supérieur identifiés, selon
leurs affinités et leurs filières de formation en
université, et des instituts pédagogiques et instituts
techniques, inégalement répartis sur le territoire national avec
une forte concentration à Kinshasa où l'on pouvait compter
jusqu'à 12 établissements d'enseignement supérieur au
moment du regroupement.
Au cours de ces premières années de
l'indépendance, la RDC essaya de revoir et de réorienter
l'idéologie qui avait présidé à la conception et
à l'organisation de l'enseignement dans le pays. Elle visa à
réviser, d'une part, l'extraversion qui affectait, comme une tare de
fabrication, le type d'homme que formaient l'enseignement congolais, en
général, et l'enseignement universitaire, en particulier, et
d'autre part, le caractère fort sélectif du système
éducatif.
L'université congolaise d'alors était tributaire
de la vision léopoldienne de l'oeuvre coloniale ayant comme objectif la
civilisation, le salut des indigènes et l'implantation de l'Eglise en
Afrique. Les étudiants de Lovanium furent les premiers à
dénoncer cet état de fait, lié à l'idéologie
même de la création de l'Université au Congo en 1963.
b. L'africanisation de l'enseignement.
En juillet 1963, un groupe d'étudiants de
l'Université Lovanium qui prétendaient représenter
l'ensemble des facultés, remettaient au Conseil d'administration un
mémorandum dénonçant le caractère à la fois
colonialiste et belge de l'Université, un simple dédoublement de
Louvain, absolument indépendante des autorités congolaises aussi
bien civiles qu'ecclésiastiques. Les étudiants réclamaient
l'africanisation des programmes d'enseignement et la promotion
accélérée des Congolais parmi les membres du corps
professoral.
Mais la pression populaire et l'urgence de mettre en place des
cadres politico-administratifs congolais firent que l'on confondit vitesse et
précipitation. Par ailleurs, l'africanisation de l'enseignement fut
principalement l'oeuvre des experts étrangers parmi lesquels figuraient
des anciens coloniaux. La quasi-totalité des premiers instituts
supérieurs et des universités furent dirigés jusque vers
les années 1970 par des Européens.
Enfin, l'incapacité des dirigeants congolais qui
n'avaient pas été préparés à gérer un
Etat moderne, produisit, dès les premières années de
l'indépendance, l'instabilité politique, la guerre civile (la
rébellion muléliste) et la dégradation ainsi que le
dysfonctionnement de l'appareil administratif de l'Etat dans son ensemble. Tous
ces facteurs combinés affectèrent négativement tous les
secteurs sociaux de la vie nationale, y compris l'éducation nationale
dont le budget commença à subir des restrictions dommageables sur
le plan social et académique.
c. Vers la création de l'UNAZA.
Les revendications des étudiants vers la fin de la
décennie 1960-1970 étaient surdéterminées par la
dégradation de leurs conditions de vie et de travail sur le site
universitaire. Le mouvement de l'africanisation entrepris au cours de la
décennie commença à sortir ses effets négatifs
visibles à la fin de celle-ci. Il se caractérisa par une
dégradation progressive du système éducatif.
Au coeur de cette dérive, se trouvait
l'idéologie de l'organisation de l'enseignement supérieur et
universitaire en RDC. Cela débordait le cadre restreint de la seule
université Lovanium. Mgr Gillon, qui fut le recteur fondateur de
Lovanium de 1954 à 1967, essaya d'y apporter une solution, en proposant,
en 1967, la création d'une Université Nationale, qui serait un
établissement chargé de la programmation générale,
de la coordination, du développement et de la haute gestion de
l'enseignement supérieur, dans le respect de la légitime
autonomie de gestion quotidienne de chacune des universités.
Le processus de l'africanisation de l'université
faisait craindre que le remplacement des cadres universitaires européens
par les Africains ne sonne le glas de l'excellence et de la rigueur
administrative, académique et scientifique qui doivent
caractériser toute institution de ce genre et de ce niveau.
En effet, à l'instar de la politique et de
l'économie, la gestion moderne et rationnelle suppose et requiert une
culture et une mentalité ne correspondant pas à la tradition et
aux moeurs jusque-là alors en vigueur en Afrique. N'ayant jamais
conçu une quelconque politique d'émancipation et d'autogestion
des Congolais, les Belges n'avaient pas préparé la relève
des agents de cadre de l'administration et des services publics, si bien
qu'à l'indépendance tout se fit dans la précipitation, le
tâtonnement, à coup d'essais et d'erreurs.
Le secteur de l'Enseignement Supérieur et Universitaire
présente aujourd'hui le tableau d'une croissance quantitative
incontrôlée et déséquilibrée s'accompagnant
d'une détérioration rapide de la qualité. Il est
passé d'un système privé très fortement aidé
par des fonds publics à l'époque de l'indépendance
à un système mixte, public et privé, qui est presque
entièrement financé sur fonds privés.
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