CHAPITRE 1 : LE PROBLEME DE RECHERCHE, OBJECTIFS ET
HYPOTHESES, CADRE CONCEPTUEL ET EMPIRIQUE DE L`ETUDE
Le présent chapitre organise l'étude dans son
contenu conceptuel et fait le point des recherches antérieures. Il
présente successivement le problème de recherche et sa
justification, les objectifs et hypothèses de recherche, les
clarifications conceptuelles et enfin le cadre empirique.
1.1. PROBLEMATIQUE ET JUSTIFICATION
L'économie béninoise est essentiellement
agricole. La vision du Bénin pour le secteur agricole s'énonce
comme suit : «...la réhabilitation du secteur agricole qui doit
reposer sur la professionnalisation des acteurs du secteur et une bonne
maîtrise technique et organisationnelle de la production agricole,
animale et halieutique, reste la meilleure chance de redressement de
l'économie».
A l'horizon 2015, deux des trois défis majeurs pour
l'agriculture béninoise sont :
assurer l'accroissement des revenus des producteurs agricoles
pour la satisfaction des besoins non alimentaires (soins de santé,
éducation et autres), et l'amélioration des conditions d'emploi
et d'existence en milieu rural et
jouer un rôle de vecteur de croissance économique
pour atteindre un niveau satisfaisant en matière de contribution du
secteur agricole à l'économie nationale (PSRSA, 2006).
Selon la référence supra, ces défis
devront être relevés dans un contexte marqué par deux types
d'enjeux que sont : la compétitivité et la diversification des
exportations. Les exportations béninoises - après la gloire du
coton durant la campagne 2004-2005 avec le record de 427.000 tonnes - se
trouvent en interrogation devant les dysfonctionnements au sein des structures
issues de la réforme de la filière coton, la dégradation
de l'environnement et les fluctuations des cours mondiaux avec des incidences
fâcheuses sur les revenus ruraux et sur l'économie du pays. Face
à de tels facteurs, d'autres cultures pouvant rapporter des devises sont
promues par les projets de diversification de l'agriculture au Bénin.
L'ananas en 2004-2005 a atteint 110.000 tonnes avant les déboires dus
aux insuffisances de l'organisation du secteur. L'Anacarde, en 2005, a
été exportée pour plus de 40.000 tonnes de noix (PSRSA,
2006). Les estimations de surface couverte par cette culture donnent environ 60
à 70.000 hectares répartis sur six (06) des douze (12)
départements du pays (PADSE, 2002) et placent ainsi le pays au rang du
dixième produ cteur mondial avec 2% de la production (FAO, 2002). En
2004, les exportations de noix brutes ont atteint 50.000 tonnes alors qu'elles
n'étaient en 1996 que de l'ordre de 10.000 tonnes, soit une
multiplication par 5 en 8 ans. La noix d'anacarde, qui a atteint le rang du
deuxième produit d'exportation après le coton, continue de
façon progressive de prendre de l'importance dans les exploitations
agricoles depuis plus d'une décennie (PADSE, 2001 et PSRSA,
2006) . Ainsi, le Bénin a connu au cours du quinquennat
1997- 2001 un taux de croissance annuelle des exportations de noix de 33% en
valeur et 40% en volume (Trade Map CCI Genève, 2001). Cette situation,
fortement favorable doit être placée dans le contexte africain et
surtout mondial où, d'une part le Bénin compte des concurrents de
taille et, d'autre part les enjeux de commercialisation des noix sont les plus
intéressants.
En Tanzanie, les petits ménages producteurs de noix
d'anacarde sont estimés à 280.000 évoluant sur environ
400.000 ha aussi bien en monoculture, et plus généralement, qu'en
polyculture de production (Shomari, 1990et Topper et al., 1998). Dans
ce pays, cette spéculation agricole a généré pour
l'économie nationale près de 124 millions de dollars US au cours
de la campagne 1999-2000 (CBT, 2001).
Selon la FAO (2002), la production mondiale de noix d'anacarde
commercialisée est estimée à 1.870.284 tonnes
métriques. Cette production a doublé depuis 1994 avec
l'entrée de nouveaux pays, comme le Vietnam, dans le rang des gros
producteurs et place ainsi l'anacardier au rang de la première culture
des noix au monde. Les plantations d'anacardiers occupent environ 7,5 millions
d'hectares et sont réparties dans 32 pays.
De plus, le commerce mondial des noix comestibles a connu une
relative croissance moyenne de 2,7% depuis 1970 pour une augmentation en valeur
de $1,94 en 1980 à $2,84 milliards US en 1990 (annuaire des Nations
Unies pour le Commerce International).
Avec de si grands espoirs dus à la tendance attractive
des cours du produit, la non astringence environnementale de production et de
monoculture que cette filière offre, elle mérite une attention
des interventions qui s'emploient au développement et l'assise d'une
économie créatrice de richesses et capable de réduire
notablement la pauvreté. L'anacarde est un produit d'exportation par
excellence et peu transformé, en attendant les efforts latents de
transformation de qualité et de compétitivité sur les
marchés local et régional, marchés infimes par rapport aux
grands marchés américain et européen (les USA avec plus de
50% des importations mondiales sont les plus grands importateurs de noix
grillées). Les autres débouchés sont les Pays-bas (10%),
l'Allemagne (7%), le Japon (5%) et le Royaume-Uni (5%). Les nouveaux
marchés sont au Moyen-orient, en Asie du sud-est et en Australie (ITC,
1990et O'Farrell, Blaikie and Chacko, 1998). Il est instructif de signaler que
le Bénin devrait accroître ses interventions dans la
commercialisation des noix brutes pour lesquelles il a aujourd'hui un avantage
comparatif et une certaine compétitivité (Adégbola et
al, 2005).
Pour illustration, le commerce international des noix cajou
par les Indiens remonte à l'après première guerre
mondiale. Ce commerce s'étendit rapidement en 1920 avec l'introduction
des emballages améliorés pour le long courrier (Jaffee et Morton,
1995). Par ailleurs, l'Inde est le premier pays ayant construit l'industrie de
transformation, mais la production est vite devenue insuffisante pour les
débouchés de ces centaines de petites et moyennes industries. De
plus, elle a été pendant longtemps
le plus grand fournisseur mondial de noix grillées en
qualité et prix, établissant ainsi les normes industrielles. En
Europe, le fournisseur indien est préféré aux autres avec
des relations commerciales durables fondées sur la confiance quant
à la qualité, le prix, la régularité et la
rapidité des livraisons. Selon les mêmes auteurs, l'Inde compte
plus de 150 expéditeurs de noix grillées qui disposent de
magasins en Europe et aux USA. La capacité de transformation s'est
accrue plus vite que la production, ce qui accrut les importations de noix
brutes qui ont atteint 203.000 tonnes en 1996 (41% de la Tanzanie et 13% du
Mozambique).
Face à ces enjeux économiques, vite
renforcés par l'entrée sur le marché du Brésil qui
est le 2è producteur (31%) après l'Inde et qui profite de la
proximité des USA, et la naissance du consommateur galbraithien, les
questions de normes résonnent comme la cloche de l'accès au
marché international. Ainsi, dans l'objectif de garantir la
qualité les producteurs et les exportateurs ont introduit les normes de
qualité. La norme ISO 6477 a été introduite en 1988 pour
harmoniser les classifications indiennes et brésiliennes et fournir le
schéma de contrôle de qualité (FAO, 2002). D'un autre
côté, les noix brutes de cajou ont fait l'objet d'une norme
conjointe entre les Etats membres de la CEE (Communauté Economique
Européenne) et ceux de l'ONU (Organisation des Nations Unies). Il s'agit
de la norme CEE/ONU qui fixe les conditions minimales qu'une noix doit remplir
pour être vendue sur le marché international.
Devant cette exigence, la plupart des pays africains
producteurs de l'anacarde sont marginalisés et ne font que subir. Ils
s'allient difficilement aux «caprices» du consommateur qui veut de
mieux en mieux des noix de qualité. Et les efforts s'accumulent au
niveau du secteur de la transformation et récemment de création
de normes nationales ou sous-régionales, amputant de facto le bon bout
de la filière, c'est-à-dire la production qui détermine
à elle seule la plupart des autres exigences liées aussi bien
à l'amande qu'à la noix grillée. La liaison est tellement
évidente qu'on ne saurait imaginer une amande de qualité si la
noix brute ne l'est. Par exemple, la détermination du KOR ou le
rendement au décorticage1. Par ailleurs, les recherches sur
l'anacardier au Bénin se sont essentiellement penchées sur
l'aspect agroforestier de la plante, l'amélioration
génétique, commercialisation (Tandjiékpon, 2004 et 2005 ;
Yabi, 2005 et 2006; INRAB, 2005).
Le Bénin, bien que la noix produite et exportée
soit appréciée classée au 2 ème
et rang de qualité après
la Guinée-bissau en Afrique, devra faire plus pour
assurer une meilleure rémunération aux producteurs et tirer
avantage de ce label. Dans le processus de commercialisation de la noix brute,
des critères de qualité déterminent le prix qui sera
payé par les exportateurs. Les principaux critères,
énumérés dans un contrat commercial, sont les suivants :
humidité (maximum 10%) et Matières étrangères
(sable, végétaux) et défectuosités (
tachetées, immatures, avariées moisissures, atrophiées,
mitées, brûlées, vides) et gradage (nombre de noix dans 1
kg) et critères phytosanitaires et
1 Le KOR signifie `Kernel Outcome Results'. Le KOR est une mesure
qui est prise sur les noix brutes, au moment de l'achat par les gros acheteurs
et les exportateurs.
homogeneite et constance de la qualite (les lots doivent
être homogènes pour chaque livraison et/ou pour l'ensemble des
livraisons et ne comporter que des noix de même origine, de même
qualite et calibre). La question fondamentale que pose cet ensemble de normes
de qualite est la suivante : «Comment traduire les exigences en normes de
qualite dans la conduite de la production des noix cajou tout en rendant les
messages techniques accessibles aux producteurs ?».
La question centrale ainsi evoquee permet d'aborder les deux
questions specifiques suivantes :
1. Quelle repartition ou classement des producteurs et de leurs
exploitations peut-on faire si l'on considère comme paramètre
essentiel la question des normes ?
2. Quelle evaluation pourrait-on anticiper de la pratique des
normes de qualite chez les producteurs beninois ?
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