I.2/- Analyse du cas du Cameroun
Au Cameroun, le problème d'électrification
rurale se pose avec beaucoup de vigueur et nécessite une attention tout
à fait particulière dans le contexte de la mondialisation et de
lutte contre la pauvreté. Par exemple, dans la seule province du Centre,
sur les 1321 villages qu'elle compte, plus d'un millier ne sont pas
électrifiés (TAGUTCHOU, 2000). Pourtant, ici et
là, les besoins sont énormes ; les populations manifestent les
besoins d'éclairage, de confort, de motorisation, etc. Cette situation
se rencontre dans la plupart des zones du pays.
De façon globale, sur le plan de l'approvisionnement en
énergie, on peut faire la différence entre les zones urbaines et
les zones rurales.
Les grandes villes comme Douala et Yaoundé sont
entièrement couvertes par le réseau hydroélectrique (ici,
plus de 85% des ménages ont accès à
l'électricité).
En moyenne, dans les zones rurales moins de 10% des
ménages ont accès à l'électricité
(hydroélectricité), mais on peut distinguer 3 types de zones
rurales (TANAWA et al., 1998):
i) Les zones rurales pouvant être connectées au
réseau ; ce sont des zones non électrifiées mais qui
sont très proches (situées à moins de 7 km) du
réseau hydroélectrique, donc qui peuvent être
électrifiées à moindres coûts.
ii) Les zones rurales isolées situées entre 10
km et 50 km du réseau conventionnel ; elles sont à accès
difficile et le coût du transport de l'énergie
hydroélectrique pour y arriver est prohibitif. Pour ces zones, il est
plus réaliste d'envisager des solutions alternatives (groupes
électrogène, énergie solaire, éolienne,
biomasse,...).
iii) Les zones rurales spécifiques (ZRS) qui, quoique
étant isolées, sont situées à proximité des
grosses unités industrielles productrices de biomasse où il y a
suffisamment de déchets tels que la bagasse, ou à
proximité des industries forestières produisant de grosses
quantités de biomasse.
Dans notre travail, il est particulièrement question de
nous intéresser aux zones rurales isolées et aux ZRS. Les
premières ont un réel problème d'électrification et
les secondes ont d'énormes capacités d'auto - production
d'énergie électrique et peuvent même générer
des surplus d'énergie pour alimenter d'autres zones voisines.
Au Cameroun comme partout ailleurs, pour
l'électrification rurale, en dehors du problème de production de
l'électricité, un autre problème crucial réside au
niveau du transport, de la distribution et de la gestion de l'énergie
produite auprès des consommateurs. L'ERD se heurte ainsi plus ou moins
à certaines difficultés :
> Potentialités hydroélectriques non
exploitées.
Le potentiel hydroélectrique du Cameroun est
évalué à 55,2 GW pour un potentiel productible de 294
TWh/an. Mais dans ce potentiel, 19,6 GW soit 35.5% seulement, est techniquement
exploitable pour une capacité de 115 TWh/an1, ce qui place le
Cameroun 18eme rang mondial et en 2nd rang en Afrique
après le Congo Démocratique (MINEFI, 1998). En
plus des grands ouvrages de production, le pays dispose d'équipements de
production autonome d'une puissance installée estimée à 74
MW, appartenant à des particuliers et à des industries. La
production autonome est de 326 GWh par an, contre 2557 GWh par an pour la
Société Nationale d'Electricité (SONEL), concessionnaire
de distribution et de gestion de l'électricité du pays. Dans la
production totale de la SONEL, 61 GWh sont produits à partir des
centrales thermiques (centrale thermique de Bertoua) et 2496 GWh, soit 97,6%
à partir des centrales hydroélectriques pour une puissance
installée de 80 MW et 757 MW respectivement (MINEFI,
1998). Ces chiffres représentent moins de 2% des
potentialités hydrauliques du pays2. La production actuelle
ne parvient pas à satisfaire tous les besoins urbains. La demande
urbaine étant loin d'être satisfaite, les zones rurales se
trouvent délaissées. Ceci constitue un énorme
problème pour le Gouvernement Camerounais qui, durant les trois
dernières années a pris plusieurs mesures face à cette
situation, dont les suivantes:
- privatisation de la SONEL pour permettre une
amélioration de la production et optimiser la distribution et la
gestion.
- Création de l'Agence de l'Electrification Rurale
à travers la loi n°98/022/ du 24 décembre 1998 suivi du
décret n° 99/193 du 08 septembre 1999 portant organisation de cette
structure qui devra trouver des solutions alternatives pour
l'électrification des centres isolés.
- Institution de l'Agence de Régulation du Secteur de
l'Electricité par la loi n°98/022/ du 24 décembre 1998
régissant le secteur de l'électricité ; elle est
chargée d'assurer un contrôle systématique de la gestion et
la distribution de l'énergie électrique.
> Coût d'investissement élevé en
matière de transport de l'énergie
Le coût d'investissement des lignes haute tension (HT),
moyenne tension (MT) et basse tension (BT) est prohibitif en zone rurale et ce
d'autant plus que l'habitat y est très dispersé. Selon les
prévisions du Ministère Camerounais des Mines, de l'Eau et de
l'Energie en 2000, la répartition des coûts de transport des
différentes lignes est la suivante: 6 millions de FCFA/km pour les BT
monophasées, 8 millions de FCFA/km pour les BT triphasées et plus
de 45 millions de FCFA/km pour les HT. Avec ces coûts
élevés, le concessionnaire des
1 1 TWh = 1 milliard de kWh
2 Source: Atlas du potentiel
hydroélectrique du Cameroun
réseaux ne trouve pas d'intérêt
économique à investir. La solution décentralisée
d'électrification rurale reste donc la seule efficace et ce avec des
alternatives d'approvisionnement judicieuses pour les populations qui sont
restées en dehors des réseaux.. > Problème d'habitat
dispersé et d'accessibilité des zones isolées
Les zones rurales présentent généralement
une très faible densité de population (moins de 10 habitants au
km2 pour la province du Centre au Cameroun). Dans les villages, les
maisons sont alignées le long des axes routiers: la distribution de
l'énergie électrique nécessite donc de longues lignes, ce
qui appelle des linéaires de réseau encore plus importants.
De plus, dans la plupart des villages de la zone
d'étude, les infrastructures routières sont insuffisantes et
particulièrement en mauvais état notamment en saison de pluies.
Ceci constitue un problème car les installations doivent être
transportées, suivies et entretenues par des techniciens qui ne
résident pas forcement dans lesdites localités.
Toutes ces difficultés montrent comment il est
irréaliste de penser à une électrification rurale au
Cameroun par le seul réseau interconnecté. Les options faisables
sont donc celles qui favorisent la production locale de l'énergie
électrique, d'où le concept d'Electrification Rurale
Décentralisée. Il est donc judicieux de penser aux techniques de
production de l'énergie électrique par des sources locales en
fonction de leurs disponibilités respectives et des contraintes
environnementales. Dans le cas spécifique de la province du Centre au
Cameroun, la disponibilité de la biomasse fait beaucoup penser à
sa valorisation dans la production de l'électricité et la
motorisation pour satisfaire les besoins des ménages villageois.
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