Partie II : Limites à la liberté du
contenu de la publicité
La publicité n'a nullement pour objectif de transmettre
des idées, mais plutôt de faire vendre des produits. Concernant
les produits et services, la publicité ne peut naturellement pas vanter
les qualités de ceux dont la vente est interdite.
En outre, pour certains biens dont la vente est
autorisé, le développement d'un message publicitaire autour d'eux
sera prohibé. Tel est le cas du tabac dont le préjudice sur les
organismes humains est prouvé.
Le message publicitaire quant a lui sera
considéré comme franc, s'il exprime la vérité sur
le bien ou le service qu'il entend promouvoir, qu'il s'agisse de son existence,
de ses qualités substantielles ou de son prix.
Le message publicitaire, peut s'ouvrir a la fantaisie, mais il
doit respecter la vérité, en n'induisant pas les consommateurs en
erreur 1. Le législateur tunisien a, en
effet interdit la publicité trompeuse dans la loi n° 98-40 du 2
juin 1998 relative aux techniques de vente et a la publicité commerciale
ainsi que la loi n° 92-117 du 7 décembre 1992 relative a la
protection du consommateur (chapitre I).
Pareillement, le message publicitaire, ne doit pas nuire aux
concurrents par son contenu déloyal, en essayant de détourner
leur clientele (chapitre I).
Chapitre I / La publicité trompeuse
La publicité, par définition, insiste sur les
qualités supposées d'un produit sans en souligner les
défauts. Elle passe surtout sous silence les conditions de production
des produits qu'elle cherche a faire vendre.
1 MAYER Daniel, Droit Pénal de
la Publicité : Coll.Droit pénal des Affaires, paris, 1979.
Elle « mystifie les consciences en mythifiant les
marchandises pour leur donner une aura sans laquelle elles apparaTtraient
telles quelles, ternes et industrielles» 1.
Une publicité mensongère est en langage courant,
comme son nom le laisse supposer, une publicité contenant des
éléments faux, ou conçus pour induire en erreur. Elle
consiste pour un annonceur (soit le fournisseur soit l'agent de la
publicité) a diffuser des informations inexactes visant a tromper le
public sur les produits ou les services qu'il vante, sur les engagements qu'il
prend a l'égard de la clientèle ou sur les qualités qu'il
possède 2. Tel est le cas la marque
l'Oréal qui a été accusé de publicité
mensongère au Royaume-Uni le 26/07/2011
3.
En effet, la publicité est qualifiée de
"mensongère" lorsqu'elle contient des éléments faux, que
ce soit dans sa présentation, ses indications ou ses allégations,
ou bien quand elle est de nature a induire en erreur le consommateur suite a
des présentations ambigues, utilisation de termes trompeurs, omission
d'une indication, inscription illisible.
Donc la publicité serait mensongère lorsqu'elle
contient une information fausse, alors qu'une publicité de nature a
induire en erreur, même si elle ne comporte pas forcément de
fausses informations, se révélera trompeuse pour le consommateur,
par l'interaction ou l'omission de certains éléments dans le
message.
1 Groupe Marcuse, De la misère humaine en
milieu publicitaire, Edition la découverte, 2004, p. 87.
2 Michel Pédamon, droit commercial,
Dalloz, 2ème éd., n 676.
3 Deux campagnes publicitaires de
L'Oréal destinées a être diffusées dans des
magazines outreManche. Dans la première, l'actrice américaine
Julia Roberts vante les mérites du fond de teint de LancOme, une filiale
du groupe, qui est censé «recréer l'aura d'une peau
parfaite». La deuxième campagne met en scène la top model
Christy Turlington, dont le visage est partiellement recouvert d'un fond de
teint anti-age de la marque Maybelline, une filiale américaine du
géant des cosmétiques français. Jugeant les photos des
deux campagnes trop retouchées et <<non représentatives des
résultats que les produits sont en mesure de fournir», Jo Swinson a
porté plainte auprès de l'Advertising Strandards Authority (ASA)
et a obtenu gain de cause. Les deux campagnes ont été interdites
le 26/07/2011 dans la presse; site officiel de Advertising Strandards Authority
(ASA).
Un message fonctionnant toujours a sens unique, émanant
de l'annonceur, ayant comme cible le consommateur pour stimuler sa demande et
l'inciter a la consommation soit de produit ou de service qu'il vante, c'est un
message libre.
Mais cette liberté ne doit pas être total et
abus, puisqu'elle risque de servir les intérêts antisocial de
l'annonceur au détriment de consommateur.
Dans une relation entre un annonceur et un consommateur, ce
dernier est la partie la plus faible et qui pourrait être victime d'un
vice de consentement, car l'annonceur est un professionnel par
définition, qui maltrise parfaitement ce qu'il fait en raison de
l'expérience acquise dans l'exercice de son métier, ainsi
l'annonceur ne va pas être victime ni d'une erreur, ni d'un dol.
En matière de preuve de l'erreur, le juge a un pouvoir
d'appréciation pour analyser la psychologie de la victime en fonction de
l'age, du sexe, la condition des personnes et les circonstances de la cause,
selon l'article 48 du C.O.C1; cette
appréciation subjective peut porter atteinte au intérêts de
la partie qui est en état d'infériorité technique
2.
Concernant le dol, l'article 56 du C.O.C prévoit qu'il
peut résulter d'une réticence qui consiste en une omission
volontaire par une personne d'un fait qu'elle a obligation de
révéler 3. Ainsi il apparalt que la
réticence dolosive sanctionne un manque d'information suite un silence
fautif et une omission volontaire d'une chose que le professionnel devrait
dire.
1 L'article 48 du C.O.C
prévoit que: «Dans l'appréciation de l'erreur et de
l'ignorance soit de droit, soit de fait, les juges devront toujours avoir
égard a l'age, au sexe, a la condition des personnes et aux
circonstances de la cause.»
2 Guirat Monia, «La
protection du consommateur», mémoire D.E.A en sciences juridiques
fondamentales, Faculté des Sciences Juridiques, Politique et Sociales,
Tunis, 1995-1996, P.15.
3 L'article 56 du C.O.C stipule
que: <<Le dol donne ouverture a la rescision lorsque les manoeuvres ou
les réticences de l'une des parties, de celui qui la représente
ou qui est de complicité avec elle, sont de telle nature que, sans ces
manoeuvres ou ces réticences, l'autre partie n'aurait pas
contracté. Le dol pratiqué par un tiers a le même effet,
lorsque la partie qui en profite en avait connaissance.»
Si le vendeur a choisi de cacher l'information, dans une
intention frauduleuse, s'il connalt l'information et s'il connalt son
importance pour l'acheteur et en vertu de l'article 655 du C.O.C, ce dernier
aura droit aux dommages en cas des vices cachés.
En droit comparé 1, une
réaction législative s'est établie pour faire face a la
publicité trompeuse; elle se justifie, par le fait que la
publicité trompeuse risque d'avoir des conséquences
néfastes sur le plan économique et social.
Etant donné que son caractère trompeur peut
affecter le comportement économique des consommateurs en les trompant
par des fausses choix et des décisions d'achat sur la base de
motivations irrationnelles ainsi qu'elle nuit aux concurrent puisque vanter
mensongèrement un produit, constitue un moyen déloyal de
concurrence et elle cache son propre poison 2, la
loi n° 92-117 du 7 décembre 1992 relative a la protection du
consommateur 3 dans son article 13, a interdit expressément
la publicité trompeuse.
Il est a noter que les rédacteurs du texte tunisien ont
inspiré l'idée de l'article 44 de la loi française n°
73-1193 du 27 décembre 1973, loi d'orientation du commerce et de
l'artisanat 4.
1 En droit comparé, on
constate une réaction législative générale contre
la publicité trompeuse: En France la loi 2 Juillet 1963 modifié
par la loi n°2008-776 du 4 aoüt 2008 de modernisation de
l'économie(JORF du 5 aoüt 2008: article 83); Espagne la Loi
Générale de Publicité du 11 novembre 1988 (arts. 4 et 5);
Belgique la loi du 5 juin 2007 qui modifie la loi du 14 juillet 1971 sur les
pratiques du commerce, l'information et la protection du consommateur (la
`LPCC')
2 Najla Ben Arab,
«contribution a l'étude de la publicité commerciale en droit
tunisien», mémoire D.E.A en droit économique et des
affaires, Faculté des Sciences Juridiques, Politique et Sociales, Tunis,
1995-1996, P.139.
3 JORT n° 044 du 2 juin 1998;
P.1203
4 Article 44: «Est interdite
toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des
allégations, indications ou présentations fausses ou de nature a
induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des
éléments ci-après : existence, nature, composition,
qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce,
origine, quantité, mode et date de fabrication,
propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services qui
font l'objet de la publicité, conditions de leur utilisation,
résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou
procédés de la vente ou de la prestation de services,
portée des engagements pris par l'annonceur, identité,
qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou
des prestataires.»
La loi a adopté une définition large de la
publicité trompeuse (section I), elle a été
érigée en un délit méritant une sanction rigoureuse
(section II).
section I / une définition large de délit
de la publicité trompeuse
La loi n° 92-117 du 7 décembre 1992 relative a la
protection du consommateur constitue le premier texte qui interdit dans son
article 13 d'une manière explicite la publicité
mensongère: «Est interdite toute publicité pour des produits
comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations ou
indications fausses ou de nature a induire en erreur lorsque celles-ci portent
notamment sur un ou plusieurs des éléments ci-après :
- l'existence du produit, sa nature, sa composition, ses
qualités substantielles,
sa teneur en principes utiles, son espèce, ou son origine
ainsi que sa quantité, ou son mode et sa date de fabrication ;
- les propriétés, prix et conditions de vente des
produits objet de la publicité ;
- les conditions de leur utilisation et les résultats
attendus ;
- les modalités et procédés de vente du
produit ;
- l'identité, la qualité ou l'aptitude de
l'annonceur.
Cette interdiction s'applique dès l'instant ou la
publicité est diffusée en Tunisie et quelque soit le support
publicitaire».
Suivant cet article, les publicités qui trompent ou
peuvent tromper les personnes qui les recoivent sont interdites et leur
caractères trompeurs dépend d'une série de
critères.
C'est une définition large, qui illustre le souci du
législateur tunisien de ne rien laisser échapper aux organes
chargés de la répression de la fraude. En effet, pour
que le délit de la publicité mensongére
soit constitué, il faut établir que la publicité est
fausse ou qu'elle est de nature a induire le consommateur en erreur quel que
soit le support utilisé (paragraphe I), d'autre part l'article 13 pose
le probléme d'interprétation pour le caractére
intentionnel de publicité trompeuse (paragraphe II) .
Paragraphe I / Le délit de la publicité
trompeuse: une incrimination
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