Chapitre III: Interactions entre investissements
directs étrangers et croissance économique en zone UEMOA
Introduction
Dans la représentation contemporaine de
l'économie mondiale, les firmes multinationales ne porteraient pas
seulement atteinte à l'identité des ensembles économiques
nationaux, elles seraient devenues les principaux vecteurs de l'organisation du
système mondial (Jacquemont, 1990). En effet, les activités des
firmes multinationales ont une grande influence sur les économies des
nations partenaires. De ce fait, les différents Etats ont entrepris soit
des politiques de promotion, soit des politiques de suspicion ou de restriction
des investissements directs étrangers selon leur perception de la nature
des retombées résultant de l'implantation des multinationales. A
cet effet, Mainguy (2004) indique que, suivant un mouvement de balancier, les
positions critiques à l'égard des firmes multinationales,
dominantes dans les années 1960 et 1970, ont ainsi peu à peu
laissé la place à des analyses qui reposent sur l'idée
sous-jacente que les investissements étrangers favorisent le
développement.
Les pays de l'UEMOA face aux déficits structurels de
l'épargne intérieure et à la rareté des ressources
de la dette, établirent des politiques de promotion aussi bien au niveau
régional que national pour attirer les investissements directs
étrangers. Dans un tel contexte, l'appréciation des interactions
entre investissements directs étrangers et croissance économique
des pays hôtes, s'avère nécessaire en vue de mieux
réorienter les différentes politiques d'attraction, en
identifiant les facteurs explicatifs des entrées d'IDE et pour plus
d'influence sur la croissance économique des pays de l'Union.
Cette partie est structurée en quatre sections. La
première section présente brièvement les
déterminants empiriques et les résultats de quelques
études d'impact, et des interactions entre investissements directs et
croissance économique des pays d'accueil. Elle est suivie d'une
description de l'approche économétrique et de la
méthodologie d'estimation, tandis que la dernière section donne
une évaluation empirique de l'impact des investissements directs
étrangers sur la croissance économique en zone UEMOA, ayant
contrôlé les déterminants usuels, et en retour l'effet de
la croissance économique sur les investissements directs
étrangers.
I. Développements empiriques sur les
déterminants des IDE et leurs impacts sur les
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Cette section vise à présenter quelques
études pratiques sur les interactions entre investissements directs
étrangers et croissance économique. L'accent sera mis d'abord sur
les déterminants empiriques des IDE, puis sur les analyses d'impact et
en termes d'effets réciproques
I.1. Développements empiriques sur les
déterminants des IDE
Les déterminants des IDE dans les pays en
développement ont fait l'objet de plusieurs études. Ainsi les
travaux de Morisset (2001), Dupuch (2004), et surtout Asiedu (2002, 2003, 2004
et 2006) y ont largement contribué. Toutefois, en dépit de
l'importance croissante prise par les investissements internationaux dans les
économies, et les différentes approches adoptées selon les
écoles de pensée, il n'existe aucun cadre théorique
unifié permettant de comprendre et d'identifier les déterminants
des IDE. La littérature existante combine des aspects institutionnels
(politique fiscale ou commerciale, risque pays), industriels (coûts de
transport, coûts d'implantation, coüts salariaux, avantages
technologiques, agglomérations d'activités) et des
caractéristiques propres aux pays.
Au-delà des développements théoriques,
différentes études empiriques sur les investissements directs
étrangers, ont véritablement contribué à
l'identification de leurs déterminants. Ainsi, les déterminants
des IDE peuvent être regroupés en trois grandes catégories.
D'abord les « pré requis >> ou conditions initiales (Beyer,
2002) qui ont trait à l'environnement macroéconomique et
institutionnel, le risque pays et le cadre juridique des investissements (Bevan
et Estrin, 2004). Campos et Kinoshita (2002) étudiant les
déterminants des IDE dans les économies en transition, montrent
qu'en plus des réformes financières et des privatisations, les
investisseurs étrangers sont attirés vers les pays ayant plus
d'environnement macroéconomique stable, des niveaux plus
élevés de développement économique et
d'infrastructures. Prasad et Rajan (2008) soutiennent que la capacité
d'absorption mesurée par le développement financier du pays
d'accueil est une condition préalable aux entrées de capitaux
étrangers pour une croissance plus élevée. Ensuite, la
seconde catégorie regroupe les critères des firmes
multinationales en termes de facteurs de demande (taille du marché,
croissance, solvabilité de la demande), de facteurs de production
(ressources naturelles, qualification et coüt de la main
d'oeuvre, les infrastructures), Asiedu (2006) et Morisset (2001). Enfin, la
dernière catégorie s'intéresse aux facteurs incitatifs
(avantages fiscaux, aides publiques à l'implantation, les programmes de
privatisation), Asiedu (2003), aux facteurs d'agglomération
(externalités) et aux effets de mimétisme ou niche
d'investisseurs (présence d'autres firmes), Dje (2007).
Compte tenu de l'absence d'un cadre théorique
unifié, les différentes études sur les déterminants
des IDE aussi bien du point de vue des pays d'origine que des pays hôtes,
retiennent principalement deux types d'approches : la théorie dite de
« pull factors » en référence aux facteurs
spécifiques aux pays d'accueil, et la théorie dite de «
push factors » pour tenir compte des caractéristiques
macroéconomiques des pays d'origine des capitaux. En effet, les «
pull factors » sont des facteurs attractifs des IDE et
reflètent les différentes opportunités qu'offrent une
économie et les risques encourus par les investisseurs. Ils sont
spécifiques à l'économie d'accueil et déterminent
la structure géographique des investissements étrangers, (Bouklia
et Zatla, 2001). Quant aux « push factors », ce sont des
variantes se rapportant aux facteurs spécifiques aux pays d'origine et
déterminent l'offre des IDE. Ils représentent le coût
d'opportunité des IDE en direction des pays hôtes et
décrivent l'environnement macroéconomique de l'investisseur. Du
point de vue des économies d'accueil, ce sont des facteurs dissuasifs,
décourageant les investisseurs étrangers.
La littérature sur les déterminants des
investissements directs dans les pays en développement est
également abondante. Ainsi, Asiedu (2002), explorant les facteurs
explicatifs des IDE dans les pays d'Afrique subsaharienne, indique qu'un
meilleur retour sur investissement, l'ouverture au commerce international et de
bonnes infrastructures ont un impact positif sur les investissements directs.
Toutefois, elle souligne que dans le cas de l'Afrique subsaharienne, le
bénéfice marginal de l'ouverture accrue est moindre sur les
IDE.
Dans le cadre des pays développés, Dupuch et
Milan (2005) indiquent que les investisseurs ne semblent pas seulement
être attirés par la faiblesse du coüt de la main d'oeuvre,
mais également par son niveau de qualification. Ils soutiennent aussi
que les écarts de rémunération entre les pays de l'Est ne
sont pas déterminants dans le choix de localisation des firmes mais le
différentiel de coüts salariaux existant entre les Pays d'Europe
Centrale et Orientale (PECO) et ceux de l'Union Européenne (UE). Dupuch
(2004), analysant les IDE dans les nouveaux pays
adhérents20 à l'UE sur la
période 1993-2001, montre que les perspectives d'intégration
à l'UE ont favorisé la taille des marchés, la
proximité géographique et l'intensité technologique des
pays d'origine comme principaux déterminants des flux Ouest-Est.
Dans l'espace UEMOA, deux études majeures ont
contribué à l'identification des déterminants des IDE en
direction de l'Union. En effet, Kinda (2006), à partir d'une analyse sur
données de panel sur la période 1970-2003, montre que les
déterminants significatifs des investissements directs sont : les
infrastructures, l'ouverture et l'instabilité politique.
Parallèlement, Dje (2007), partant d'une étude
économétrique sur données de panel, couvrant les
années 1980-2002, démontre que certains facteurs traditionnels,
à l'instar de l'ouverture de l'économie aux échanges
internationaux, du taux d'investissement, notamment le taux d'investissement
public, le capital humain, sont essentiels dans l'analyse des flux d'IDE
à destination de l'UEMOA.
Asiedu et Gyimah (2007), en analysant l'effet des politiques
de libéralisation de l'investissement sur l'emploi et l'investissement
des FMNs en Afrique, portant sur 33 pays durant la période 1984-2003,
montrent que la libéralisation a un effet positif considérable
sur l'investissement. De même, elle stimule les investissements des
firmes multinationales, qui en créant des emplois, contribuent à
la réduction de la pauvreté.
Quant aux « push factors » relatifs aux pays
d'accueil, Asiedu (2003), partant d'une étude sur données de
panel pour 22 pays d'Afrique subsaharienne sur la période 1984-2000,
examine l'impact du risque politique, le cadre institutionnel et la politique
gouvernementale sur les flux d'IDE. Elle suggère que
l'instabilité macroéconomique, les restrictions d'investissement,
la corruption et l'instabilité politique ont un impact négatif
sur les IDE en direction de l'Afrique, tandis que la stabilité
macroéconomique, des institutions efficaces, la stabilité
politique et un bon cadre réglementaire ont un impact positif sur l'IDE.
Contrairement à Morisset (2001), elle souligne que, les IDE à
destination de l'Afrique ne sont pas uniquement motivés par les
dotations en ressources naturelles, (IDE primaire).
20 République Tchèque, Estonie,
Slovénie, Hongrie, Slovaquie, Pologne, Lettonie, Lituanie, Bulgarie,
Roumanie
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