II.2. PRISE DE CONSCIENCE PAR RAPPORT A L'URGENCE D'UNE
REACTION CONTRE L'IDEOLOGIE DU « DEVELOPPEMENT ».
Comme l'a pertinemment montré René THOM :
« Toute experience est une reponse a une question, et si la question
est stupide, ily a peu de chance que la reponse le soit moins
»9 p. 17. Cette affirmation est d'une grande portée dans
la mesure ou l'encombrante idéologie du développement
nous pousse indirectement a nous poser des questions qui ne font que nous
enfoncer davantage dans sa mouvance. Pour preuve, aucune des questions qu'il
nous amène a nous poser n'est pas sans être imbibée de
«jugements de valeur ». Face a cet état de fait,
n'est-il pas temps de se demander la différence qu'il peut y avoir entre
la « mission civilisatrice » d'antan et la «
mondialisation » d'aujourd'hui ? Y a-t-il réellement rupture
ou continuité ? Mieux même, ces deux phénomènes ne
peuvent-ils pas être appréhendés comme étant les
deux faces d'une même médaille ?
Par conséquent donc, les interprétations
tenues pour v~rit~s universelles méritent d'être soumises a
une analyse de fond afin de montrer que des coincidences qui se
répètent exigent d'elles-mêmes que d'autres appellations
leurs soient trouvées. Ces coincidences qui s'opèrent a
l'intérieure de la pensée occidentale et qui sont trahies par les
marques indélébiles laissées par le mal engendré
par la colonisation doivent inciter une rébellion de la part des
sociétés du Sud. C' est parce que la diversité des
écrans imaginaires des sociétés est un barrage de taille
que Paulin HOUNTONDJI, en se prononcant sur le rapport Culture et
développement, abordera la situation dans son ouvrage
intitulé « Culture, Mondialisation, Resistance et Alternative
» en ces termes : « Si l'Afrique d'hier était
confrontée aux dangers du nationalisme et du particularisme,
aujourd'hui, elle est menacée par la dispersion dans l'universel a cause
de sa d~pendance linguistique, ethnologique, technologique et scientifique
vis-a-vis des centres de decision occidentaux ».
C'est ce constat qui amènera l'auteur a se poser quatre
questions de taille du type : Que deviendra l'identité culturelle ? Quel
sort sera réservé a l'auto affirmation collective ?
Qu'adviendra-til a propos du sentiment d'appartenance a une seule et même
histoire ? Et enfin, qu'arrivera-t-il a la culture dans une économie
globale ?
En outre, a travers le défi de
l'opérationnalisation de la culture, on s'apercoit aussi que les
non-dits liés a la mondialisation interpellent d'autres aspects qui en
font un débat de culture. Par
e xemple, en Afrique, le développement
réellement e xistant comme l'écrit Serge LATOUCHE dans son
article intitulé « En finir, une fois pour toute, avec le
développement », n'est rien d'autre que : «
L'occidentalisation du monde et l'uniformisation planétaire, c'est enfin
la destruction de toutes les cultures différentes
»10. A partir de cet instant, il devient clair que les
autres cultures ne sont percues que comme des obstacles dont il faut a tout
prix se débarrasser de peur qu'un jour leurs peuples soient
appelés # une prise de conscience et s'en prennent a les faire
revivre.
Quant a Gilbert RIST, il va pousser la réfle xion plus
loin car suspectant même une possibilité manipulation de la
culture lorsqu' il considère que : « la culture devrait alors
titre comprise comme le (re)vétement du « développement
», chargé de lui donner une « couleur locale » et de le
rendre acceptable a l'ensemble des sociétés. Ce qui
présuppose que le « développement » soit libre de toute
attache culturelle et suffisamment malléable pour s'adapter a des
traditions culturelles multiples ; par dela cette double condition, cela
revient donc d proposer son universalisation de fait. Ainsi, l'intér~t
porté a la culture masque celui, plus fondamental, que l'on accorde au
« développement » considéré comme souhaitable et
nécessaire »11.
De telles analyses pointent du doigt l'ensemble des
incohérences que laissent entrevoir les paradigmes fondamentaux
occidentaux dont les objectifs d' hier et d'aujourd'hui sont identiques de par
leur contenu, mais aussi de par le caractère non fondé des
discours qu' ils tiennent.
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