II. EVITER A TOUT PRIX DE SE DEVELOPPER PAR «
MIMETI SME » : UN INTERET MAJEUR PORTEUR D'UNE REVOLUTION.
La part de l'irréel dans la contraignante
vérité historique du développement mérite
une attention particulière. En effet, l'idéologie du
développement est dangereuse jusque meme dans sa constitution en ce
sens qu'elle se veut porteuse de certaines dimensions qui vont a l' encontre de
certaines vertus constitutives des communautés humaines dont les
aspirations respectives dépendent des référents
identitaires de chaque « site symbolique d'appartenance ».
C'est dans cette perspective que Hassan ZAOUAL, dans son article
intitulé « Le paradigme relationnel des organisations
économiques africaines »5 , considere que la grande
différence qu'il y a entre la rationalité économique
africaine et la rationalité individualiste du modèle occidental,
est que la premiere accroit la sécurité des membres du groupe en
réduisant les aléas et les risques ; tandis que la seconde
fragilise les individus et peut, a tout moment, les précipiter dans la
pauvreté absolue.
Ainsi, le vrai problème chez les pays du Sud est
d'être assez conscients pour pouvoir rejeter cette idéologie qui
met en ceuvre un modèle de développement qui, par ces
contradictions internes, provoque la méfiance des sociétés
qui ne sont pas pretes a payer leur progres matériel par la perte de
leur ame et de leur imaginaire. En effet, ce que l'on observe depuis plus d'un
demi-siècle de « développement » n'est autre
chose que la farouche volonté d'inculquer aux sociétés
africaines l'esprit
d' « une culture de mort » pour laquelle
les inégalités socio-économiques sont le moteur
indispensable de la croissance et du développement. Autrement
dit, l'acces au bien-etre d'une minorité ne peut se concevoir que par
l'aggravation de la misere d'une majorité.
Donc, pour amorcer le véritable débat qui
s'impose, il faut refuser, des le départ, de penser l'avenir des pays du
Sud a partir du passé des autres pour la bonne et simple raison que,
selon Augustin COURNOT: « En général, il arrive qu'
après que la nature des choses aitfourni le type d' abstraction, l'
idée abstraite ainsiformée suggère a son tour des
abstractions ultérieures, des généralisations
systématiques qui ne sont plus que des fictions de l' esprit
».6 C'est la une preuve tangible que ce que nous montre
l'idéologie du développement n'est pas la
vérité, lion s'en faut, et que c'est parce que nous avons
séjourné dans la « conscience» de l'Occident
que nous ne pourrons que tenir ceci pour vrai.
5 ZAOUAL, Hassan, « Le paradigme relationnel
des organisations économiques africaines », in Organisations
Economiques et Cultures africaines : De l'Homo ceconomicus a l'Homo situs, ed.
l' Harmattan, 1996, pp. 37-45.
6 COURNOT A., Essai sur les fondements de nos
connaissances.
II. 1. LES EXIGENCES DE FERMETE PAR RAPPORT AUX
PARADIGME DOMINANTS ET AU MOUVEMENT ALTER-MONDIALI STE :
En tant que discours dominant, la mondialisation englobe des
termes voisins tels que l'« internationalisation » ou la
« multinationalisation ». Par son caractère
globalisant, la mondialisation est l'incarnation théorique de ce profond
« processus d'intensification » des flux de personnes, de
marchandises, de services, de capitaux, de technologies et simultanément
de ces flux a travers toute la planète. C'est la le fondement même
d'un faux débat qui laisse entendre que ce concept qui n'en est pas un
et chargé d'idéologie est une parfaite incarnation d'un brassage
entre les peuples, entre les cultures qui n'a jamais e xisté auparavant.
Cette acception de ce concept « vide » de sens est plus une
aberration qu'elle n'est un leurre dans la mesure ou une lecture attentive de
cette proposition d'échange laisse, a bien des égards, planer un
doute. En effet, le fait de vouloir amener tous les peuples du monde a accepter
qu'il est insensé de se demander s'il faut ou non intégrer la
mondialisation est un faux débat reste la preuve palpable que ces
derniers subissent une oppression telle qu'ils sont obligés de penser a
tout sauf a rejeter cette nouvelle donne qu'est la mondialisation. C'est
d'ailleurs ce qui soulève d'autres inquiétudes du genre : quel
qu'un qui tient coilte que coilte # échanger peut faire dire a son
attitude deux choses au minimum ; soit il est lion d'être satisfait de ce
dont il dispose, soit il est animé d'une mauvaise foi et compte profiter
de la légitimité de l'échange afin de parvenir a semer
légalement son « partenaire ».
Cependant, cette nouvelle donne n' est pas sans renfermer des
malversations quoique diffuses mais réelles dont notamment la
marginalisation des pays pauvres dans l'économie mondiale
particulièrement en Afrique (02%), l'avancée de la
pauvreté, la constante détérioration des termes de
l'échange et de l'exportation des produits de base, le poids de plus en
plus lourd du service de la dette supportée par de nombreux pays en voie
de développement et les systèmes commerciaux et de
gestions financières sont apparus défavorables et jugées
inacceptables.
La réalité est telle que les pays du Sud doivent
faire face a de nombreux défis dont les plus importants sont politiques,
économiques, environnementaux, socioculturels, scientifiques et
techniques, etc. C'est fort de ce constat qu'il n'est plus permis de continuer
a vivre les mêmes cauchemars qui ont empoisonné l'e xistence toute
entière des générations précédentes qui
s'étaient inscrit dans la logique suicidaire de l'Occident
sauveur. Il est temps pour les pays du Sud d'être en mesure de
repérer les incohérences de l'histoire afin de
réécrire autrement la pensée internationale au lieu de
continuer a la relire comme telle.
Face a cet état de fait selon lequel le seul cogito
valable est : « Je vends, donc je suis », la pensée
révolutionnaire voudrait que les pays du Sud adoptent la perspective de
la terminologie utilisée par HAYEK et qui n'est rien d'autre que la
« catallaxie » qui désigne le sens caché
des
pratiques sociales. Mieux même, c'est une
subjectivité qui s'informe sur le milieu ambiant et qui réagit.
C'est aussi une volonté synonyme d'une liberté (celle des acteurs
face a un système qui croit clOturer le réel) dont les effets
sont incalculables et indéterminés. L'intérêt de
cette perspective est a chercher dans cette auto affirmation collective qui
appelle a un rejet catégorique de cette imposture
épistémologique qui dérange plus qu'elle n'arrange et qui
n'est qu'une diversion montée de toute pièce. C'est ce qu'a
essayé de monter Philippe d' IRIBRANE en ces termes : « En
aucun lieu, la modernité n'a interrompu le travail par lequel les
sociétés ont de tout temps interprété sans cesse
leurs traditions pour répondre aux exigences de l'heure. Elle a
simplement conduit a rendre ce travail invisible et honteux
».7 Ces propos mettent a nu toute l'adresse de la part du
développement a faire de la réalité ce qu'elle
voudrait qu'elle soit. En des termes simples, sa plus grande force est de
savoir qu'il a le pouvoir de légitimer ce qu'il veut qu'il le soit et
que ce qui a e xisté avant lui n'est pas reconnu comme tel. C'est la
l'une des contradictions que l'Humanité n'a jamais connue et ne devrait
plus connaitre dans l'avenir.
Par ailleurs, il est du devoir des pays du Sud d'observer une
rupture par rapport a cette « inquestionnabilité » de
l'anté-développement. Les effets d'une telle
attitude biaisent les contours et la pertinence du passé qui, compte
tenu du conte xte qui prévalait, était fécond et
reflétait l'image de marque des sociétés dont l'existence
a précédée l'avènement du concept de
développement. Il est temps donc d'interroger l'Histoire «
vécue » au lieu de se contenter de l'Histoire «
écrite », et partant, veiller consciencieusement a
sélectionner les questions pertinentes a poser, lesquelles questions
seront débarrassées de toutes les attaches fondatrices de
l'idéologie du développement. De ce fait, c'est parce
qu'il n'y a que des vérités construites qu'il serait pertinent de
se demander une toute innocente question : Pourquoi
l'anté-développement est percu a priori comme un
anti-développement et non comme un autre développement ? Est-ce
parce que, contrairement aux sociétés occidentales qui sont des
sociétés a écriture, celles africaines, par exemple, sont
des sociétés dans lesquelles l'oralité a toujours
prédominée ? Cette situation serait-elle liée au fait que
la plupart des historiens des pays du Sud ont été formé en
Occident et, par conséquent, finissent par être
débranchés par rapport a euxmêmes, c'est a dire par rapport
aux réalités du milieu ?
Ainsi, la question est loin d'être réglée
dans la mesure ou l'emprunt d'un passé ne justifie en rien l'acquisition
d'un futur. D' ailleurs, selon ISSIAKA PROSPER LALEYE : « La plus
spectaculaire des modifications ayant affecté les sociétés
africaines durant les trois a quatre décennies est, assurément le
rajeunissement »8 p. 147. Selon cet auteur, en l'espace
d'une génération a peine, plus de trois quart (3/4)
des africains actuellement en vie n'ont connu que l'Afrique des
indépendances. Il s'agit par conséquent d'individus a peine
agés de trente ans et dont l'horizon de référence dans les
multiples
7 IRIBRANE PH. D', 1989, La logique de l'honneur~
Gestion des entreprises et traditions nationales, Seuil, préface
pour l' édition de poche, Collection Points, Paris, 1993, pp. XXXI --
XXXII.
8 LALEYE I.P., 1996, « L'autorité en
Afrique, une réalité en mutation » pp. 147 - 156 in
Revue U.R.E.D (Université, Recherche et Développement) de
l'Université se Saint-Louis du Sénégal publié aux
éditions l' Harmattan.
aspects de la vie sociale se limite jusqu' entièrement
a la modernité. Voila un état de fait qui sous-tend un ensemble
de raisons pouvant justifier le sort déplorable des pays du Sud
vis-a-vis des paradigmes dominants et du mouvement alter mondialiste.
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