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Ségrégation et dynamiques multiculturelles à  Séville:le cas du quartier "El Cerezo"

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par Matthieu Bouchet-Wacogne
Université de Poitiers - Master 1 migrations internationales 2010
  

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b/Les immigrés stigmatisés

Les médias sont "les lieux autorisés de diffusion des interrogations ou des doutes propres à la majorité. Les lignes ouvertes, les forums de discussion, les blogs, les commentaires se multiplient et une tendance à la stigmatisation de l'Autre apparaît : celui-ci est tenu responsable de la destruction des fondements de la culture", ici espagnole (C. Agbobli dans PERRATON, 2009, p.126).

-Les journaux accusés de discriminations

Dans les journaux, les conflits dans le quartier El Cerezo apparaissent de façon simplifiés en comparaison avec la réalité. En effet, les articles opposent radicalement les immigrés aux autochtones en positionnant les Espagnols comme victimes de l'arrivée de populations d'origine étrangère. Cela peut se lire notamment grâce aux titres de journaux de certains articles principalement issus du journal ABC, ce dernier se positionnant dans ses articles comme étant tourné vers le parti politique de droite : le Parti Populaire (PP).

Planche photo 5 : Titres d'articles de journaux faisant référence au quartier El Cerezo

Source: photographies personnelles, montage effectué sous Picasa, 2011. (c) Bouchet-Wacogne Matthieu

Dans les journaux, nous pouvons remarquer l'utilisation de stéréotypes et de généralisations pour parler des immigrés (ex : "Tour de Babel", "bruyant", "se battent entre eux"). Le titre de l'article du journal ABC de Séville du 11/07/07 s'intitulait : " les voisins dénoncent l'impunité des botellons d'immigrants dans El Cerezo". Il relatait ainsi qu'il y aurait deux groupes opposés, celui des « voisins » qui seraient les autochtones victimes du groupe des « immigrés » qui représenteraient par conséquence, la source de conflits. "La stigmatisation d'El Cerezo est conditionnée par l'existence de stéréotypes sur l'immigration (...) et l'idée d'une différence irréductible entre endo et exo-groupes" (TORRES, 2011, p.167). Dans ces articles, les immigrés d'El Cerezo ne sont pas considérés comme des habitants du quartier mais comme des personnes à part qui ne seraient pas réellement membres de cet espace bien qu'y habitant, cela pose la question de citoyenneté, à savoir à quel moment un nouvel arrivant est-il considéré comme citoyen d'une ville ?

Le problème des médias serait qu'ils informent "de manière négative et quasiment jamais positive de l'immigration" (SANCHEZ ELIAS, 2005, p.97). Nous pouvons donc parler de discrimination sous forme écrite qui participe aux discours des habitants et à l'image globale du quartier.

Par ailleurs, en règle générale, les articles évoquant le quartier proposent seulement la vision des autochtones et très rarement celle des immigrés, ce qui ne permet pas de tirer des conclusions exhaustives sur les auteurs des conflits existants.

-L'imagerie: déformation de la réalité

L'imagerie est d'après Yves Chalas, professeur et chercheur sur les Politiques Publiques Action Politique et Territoires (PACTE) : "l'ensemble des préjugés, des idées toutes faites, des lieux communs et des clichés qui sont dans l'air du temps et qui ne manquent jamais de resurgir en tout premier lieu dans une conversation". (2000, p.10) Il ne faut pas la confondre avec l'image qui "est une présence sémantique des rapports vécus" alors que l'imagerie appartient au "registre du non-vécu (...) et de la représentation" (2000, p.24). Ainsi, l'imagerie semble proche de la caricature et de la rumeur qui sont toutes dans le champ de la représentation et du stéréotype.

De plus, le chanteur sénégalais Bibalo, en venant rendre visite à son oncle qui vit dans le quartier San Jeronimo au Nord de la Macarena, a écrit une chanson sur l'immigration qui a pour titre "Inmigrantes"40. Le refrain de cette chanson est en espagnol, il traite des problèmes

40 Cf: documentaire Nuevos vecinos en la plaza, 2011

que peuvent rencontrer les étrangers sans papier avec la police : "je n'ai pas de papier, je suis illégal, je sors dans la rue, ils me jettent en prison". Les paroles sont le reflet de ce que ce chanteur a pu voir, entendre, percevoir dans le district de la Macarena, elles traduisent la représentation qu'il s'est fait de cet espace. Cela revient à dire que ces paroles font parties de l'imagerie du chanteur. Sa chanson illustre des problèmes que rencontrent certains étrangers et montre l'importance de l'immigration dans cette zone.

- El Cerezo : mise en avant des stéréotypes

Dans le quartier, en fonction de l'actualité, des références et de l'imagerie de chacun, des stéréotypes apparaissent renvoyant une image parfois dégradante pour certaines populations.

Pour Andrés Aranda, président de l'association des voisins d'El Cerezo, "le grand problème de l'immigration, se sont les «pisos patera»41" (cité dans Codenaf42, 2010). Il parle ainsi pour qualifier le regroupement en surnombre de plusieurs individus voire de différentes familles dans le même appartement par rapport à la capacité d'accueil du logement. D'après Andres, une personne qui a des papiers en règle loue un appartement et ensuite elle fait venir sa famille, ses amis et parfois des inconnus et des connaissances pour obtenir de l'argent (EURABIA, 2005)."Nous savons que davantage de personnes que celles habitant dans certains appartements utilisent les douches pour 3€, des lits sont loués pour 8€. L'objectif est de rentabiliser au maximum le privilège d'avoir un logement" (Andres). Ces propos concernent des cas particuliers mais il n'a nullement été démontré que ce phénomène apparaissait de façon significative dans le quartier pour en faire une généralité. Malgré tout, cela a suffi pour que le dessinateur, Rafael Calderon qui travaille pour le journal ABC, en fasse une caricature (cf. : document ci-dessous). Cette représentation peut être perçue comme étant de mauvais goût puisqu'en jouant sur les mots, elle renvoie à l'aventure mortelle dont sont victimes, chaque année, des étrangers prenant des embarcations souvent de mauvaises qualités, de plus en surnombre, au péril de leur vie afin d'effectuer un trajet Maroc-Espagne de manière illégale. Cela montre une convergence des regards portés sur l'immigration à El Cerezo.

41 Les "pisos patera" définissent les appartements où se regroupent plusieurs familles d'étrangers. Cette adaptation provient des bateaux de fortune (patera) où s'entassent les immigrés pour traverser la méditerranée et arriver en Espagne.

42 CODENAF: Association de Coopération et Développement avec les pays du Nord de l'Africain

Document 1: Des boat people aux appartements de fortune

Source: caricature du journal ABC, 11 juillet 2007

Ce quartier aurait une mauvaise image du fait de la focalisation d'acteurs tels l'association de voisins, les associations humanitaires, la presse, des politiciens et du fait que ce soit l'espace urbain où le nombre d'habitants immigrés est le plus élevé. "El Cerezo présente le plus fort taux de résidents étrangers, mais d'autres zones, comme le quartier Begoña, présentent aussi un taux important de population immigrée sans souffrir autant de stigmatisation. Par ailleurs, dans le quartier El Rocío, il n'y a pas autant de point d'attractions entre immigrés comme le sont les commerces ethniques, les associations "(TORRES, 2011, p.167) et il y a encore peu, les lieux de culte. La visibilité des immigrés dans El Cerezo est plus importante que dans les quartiers environnant du fait des lieux de regroupements et du nombre important de commerces ethniques qui contribuent à lui donner une image de référence pour parler d'immigration.

Habiter en surnombre dans un même appartement est souvent dû à un malaise social et à un manque de ressources. «Le malaise augmente dû aux conditions du logement dont souffrent les habitants. On en déduit que les différences culturelles seules n'expliquent pas les tensions vécues à l'heure actuelle, mais que les discours fondés sur l'ethnicité et la xénophobie, quand à eux peuvent influencer voire déchaîner des conflits sociaux axés autour de ces différences » (ESEVERRI MAYER, 2010, p.491). Si bien que, les tensions entre habitants peuvent parfois amener à des changements urbains.

Toutes ces déformations de la réalité donnent une image "faussée" de l'immigration. Liées à l'imagerie, elles peuvent générer tensions et conflits à l'intérieur d'un espace urbain comme c'est le cas pour El Cerezo. Pour cela les associations ont un rôle fondamental à jouer. Une des cibles les plus importantes qui semble pouvoir influencer toutes les générations confondues reste les jeunes.

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