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Ségrégation et dynamiques multiculturelles à  Séville:le cas du quartier "El Cerezo"

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par Matthieu Bouchet-Wacogne
Université de Poitiers - Master 1 migrations internationales 2010
  

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c/ Les perceptions d'El Cerezo selon les habitants du quartier

A présent, nous allons nous intéresser aux perceptions qu'ont les habitants d'El Cerezo de leur quartier. En partant du fait que « l'urbanité est indissociable d'un devoir d'exposition qui exige des compétences sociales relatives à la présentation de soi en public et à la considération de l'autre en tant que personne humaine » (STEBE, 2010, p.109). Toute présence dans l'espace public donne lieu à des jugements, des représentations, parfois même à des interprétations pouvant mener aux stéréotypes.

Suite aux réponses au questionnaire30, certaines différences des descriptions faites d'El Cerezo apparaissent en fonction de l'origine des habitants du quartier. Bien qu'il soit impossible de faire des généralités au vu du nombre restreint de questionnaires réalisés auprès de la population (35), il apparaît que les Espagnols utilisent un vocabulaire majoritairement négatif : dangereux, mal, délinquance, sale, épineux, chômage, anciennement bien, conflictuel, éteint, etc. Bien que nombre d'entre eux ne manquent pas d'ajouter des adjectifs positifs parfois en opposition avec les premiers tels que : propre, familiale, joyeux, bien, beau, bien desservis, etc. Ce paradoxe est lié à différents éléments. Tout d'abord, ce quartier a gardé un caractère familiale où des habitudes perdurent entre les autochtones qui ont grandi ici, ensuite les changements de population ont déclenchés de nombreux stéréotypes que nous verrons plus loin (partie B/2/). C'est pourquoi, « la crainte de se retrouver en minorité face à un groupe étranger ou de ne pas se reconnaître dans ceux avec qui on cohabite, dans un même immeuble voire dans le même couloir, affecte de manière concrète et génère des tensions dans les relations sociales et dans les contacts au quotidien » (ESEVERRI MAYER, 2010, p.490). Cela peut se retrouver dans le vocabulaire utilisé.

Concernant les Latino-américains, ils utilisent des qualificatifs disparates : bruyant, désordonné, bien, sale, concurrence, interculturel, méfiance, problématique, racisme de la part des personnes âgées, tranquille, actif, bruyant, intéressant, tranquille, industriel. En conséquent, nous ne pouvons pas en tirer de conclusion exhaustive. Bien que cela indique un intérêt particulier pour ce quartier, ces personnes semblent attentives aussi bien aux aspects

30 Cf: Le questionnaire est disponible en annexe, p.114

positifs que négatifs. Cela peut montrer une volonté d'améliorer les conditions de vie dans cet espace en améliorant le "vivre ensemble".

Quant aux habitants d'origine Sub-saharienne interrogés, ils décrivent le quartier de manière enthousiaste : parfait, bonne ambiance, calme, multiculturel, harmonieux, bien, etc. tandis que les Maghrébins sont plus sceptiques : stressant, pauvre, quartier d'immigrés, populaire, conflictuel, instable. Les descriptions faites sont à mettre en relation avec la culture de chaque personnes interrogées, à l'année d'arrivée dans ce quartier mais également du fait qu'elles ont été questionnées dans le but d'aider un étudiant Français à réaliser sa recherche. Cela peut remettre en cause l'objectivité des réponses puisqu'elles ont pu être influencées par les différents éléments que nous venons de citer.

Néanmoins, l'utilisation de certains mots tels que : délinquance, bruyant, conflictuel ou encore racisme, nous permet de mettre en évidence qu'il existe des conflits entre les habitants du quartier. Ces termes agissent comme les révélateurs d'une certaine ambiance. "Dire qu'il n'y a pas de problème c'est nier l'évidence" (Andres, espagnol), "maintenant je suis devenu raciste" (Christina, espagnole), "les personnes âgées sont plus fermées à l'immigration surtout avec la race nègre" (Alain, camerounais). « La peur que suscite la différence ethnique, et surtout la méconnaissance de celle ci, est la véritable nouveauté (...) ce qui veut dire qu'aujourd'hui, au malaise que produisent les différents modes de vie, les us et coutumes, s'ajoutent la peur et la méfiance » (ESEVERRI MAYER, 2010, p.490).

Toutefois, nous ne pouvons pas désavouer l'aspect convivial d'El Cerezo dans les descriptions faites : actif, intéressant, harmonieux, etc. " C'est calme, on peut goûter et connaître de nouvelles choses" (Angelines, espagnole), "je n'ai pas de problème dans le quartier. Ici les espagnols se sont habitués aux immigrés même si certains sont un peu racistes" (Carlos, vénézuélien), "il y a une bonne ambiance" (Betty , équatorienne). Nous retrouvons donc des opinions qui divergent dans la qualification de cet espace urbain. Cela dépend du vécu et ressenti de chacun. L'expérience de vie des habitants dans le quartier d'El Cerezo est à mettre en relation avec les géosymboles31 qui donnent à chaque individu une dimension personnelle d'un espace en perpétuel mouvement. Les géosymboles peuvent permettre de s'identifier à un espace ainsi que de se l'approprier par des lieux de culte, des épiceries, des restaurants ou encore des tags.

31 "Un géosymbole peut se définir comme un lieu, un itinéraire, une étendue qui, pour des raisons religieuses, politiques ou culturelles prend aux yeux de certains peuples et groupes ethniques, une dimension symbolique qui les conforte dans leur identité" extrait du résumé de l'ouvrage Voyage autour du territoire de Bonnemaison, 1981.

C'est pourquoi, suite aux changements urbains du quartier, les lieux d'identification ont changé tels les commerces ou encore les lieux de regroupements, c'est en cela que les descriptions peuvent diverger. De plus, en fonction du ressenti des habitants, s'ils se sentent intégrer ou non et s'ils portent de l'intérêt pour d'autres cultures, leurs représentations peuvent changer et évoluer. Pour cela la médiation interculturelle menée par les associations citées auparavant est essentielle. Malgré tout, un communautarisme subsiste, c'est ce que nous allons voir maintenant.

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