b/ Le quartier : un espace d'appropriation
Toute personne possède son propre espace de vie qu'elle
se constitue en fonction de ses pratiques sociales. La territorialité,
"est ce qui relie des lieux éventuellement éloignés les
uns des autres et parfois de soi, pour former nos parcours individuels et
collectifs (...) en nouant des liens avec les lieux, quelqu'en soient
d'ailleurs les modalités" (ROZENHOLC, 2005, p.32). Habiter un lieu et
effectuer des déplacements est une forme de fabrication de son propre
territoire. Les liens créés dans son quartier vont permettre une
identification au lieu.
D'après le géographe Armand Frémont,
cette identification au lieu ferait partie de "l'espace vécu" qui serait
la zone que s'approprie chaque habitant, influencé par la
société dans laquelle il se trouve. Ce serait donc l'espace dans
lequel se déplace, vit et se reconnait chaque individu, cela peut
être un appartement, des rues, une place, un parc ou encore le lieu de
travail. Il est donc subjectif puisqu'il découle des
représentations de tout individu dans un
28 Cf: chapitre I, partie A/ 3/ b/
"espace perçu" qui dépend de la manière
personnelle de chacun de voir et vivre dans un espace. Sa terminologie "rompt
avec la primauté spatiale accordée par la géographie
vidalienne. Elle insiste sur les rapports 'intimes' que les hommes tissent avec
leur espace de vie" (HEROUARD, 2007, p.161). La notion d'espace vécu
s'intéresse à l'homme, à ses pratiques, à ses
perceptions et non plus seulement à la description de son espace de vie.
"L'homme n'est pas un objet neutre (...). Il perçoit inégalement
l'espace qui l'entoure, il porte des jugements sur les lieux, il est retenu ou
attiré, consciemment ou inconsciemment" (FREMONT, 1976). Dans son
ouvrage29, il parle de l'espace vécu en prenant comme espace
la région : "la région, si elle existe, est un espace
vécu. Vue, perçue, ressentie, aimée ou rejetée,
modelée par les hommes et projetant sur eux les images qui les
modèlent". Dans notre recherche, et en reprenant ses propos, nous
pouvons dire la même chose d'un quartier, et c'est entre autre, avec
l'expérience des habitants que nous pouvons décrypter comment cet
espace existe au sein de la ville. "L'espace vécu, dans toute son
épaisseur et sa complexité, apparaît ainsi comme le
révélateur des réalités" (FREMONT, 1976). Dans
l'espace vécu, se "réalise une maximisation des interactions
sociales et qui est un espace défini «du dedans» par ses
habitants" (LELIEVRE, 2005, p.1). Il peut se refléter
dans des dessins suite à une enquête oüle sujet
doit dessiner par exemple, son quartier et à partir duquel il est
possible de connaître
"l'espace vécu" de l'enquêté à une
échelle restreinte. Il est donc important de situer
l'enquêté en fonction de son "espace actuel (...) défini
par le lieu de résidence, d'activité actuelle, de
résidence actuelle de ses parents, de ses enfants, de ses frères
et soeurs et des parents de son conjoint, ses résidences secondaires
actuelles, ainsi que les autres lieux cités qu'il/elle fréquente
au moment de l'enquête. Le lieu de résidence de l'individu est
alors un point central de cet espace de vie, le lieu de départ et de
retour de la majorité de ses déplacements" (LELIEVRE, 2005, p.9)
qui serait d'après Poulain (cité dans LELIEVRE, 2005, p.9) "le
centre de gravité de l'espace de vie de l'individu".
Ainsi le lieu de vie au sein d'un quartier prend toute son
importance. En effet, c'est dans cet espace que se passent de nombreuses
interactions entre habitants. L'échelle du quartier peut faciliter la
compréhension des changements urbains mais peut aussi aider à
connaître le rôle des acteurs ou encore à saisir les
perceptions des habitants.
De plus, pour reprendre les termes de la chercheuse Caroline
Rozenholc dans sa thèse sur le quartier de Florentin situé
à Tel Aviv en Israël : "c'est ce mélange d'individus
différents,
29 Une partie de son ouvrage La région, espace
vécu, de 1976 est repris dans un article de
l'encyclopédie
électronique: Hypergeo (voir bibliographie).
de modes de vie et de pratiques spatiales, qui fait
l'irréductibilité de ce lieu à d'autres lieux.(...)
L'atmosphère du lieu peut constituer ce qui en fait son
authenticité, à travers une perception habitante" (p.33). Les
habitants participent ainsi à "l'atmosphère" et l'ambiance d'un
quartier.
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