Chapitre III : Représentations et pratiques
liées à
l'immigration dans le quartier d'El Cerezo
En connaissance du poids de l'immigration dans le quartier El
Cerezo et des acteurs locaux qui interviennent sur le plan de la
multiculturalité dans cette zone, nous allons pouvoir nous
intéresser aux pratiques des habitants dans leur quartier ainsi
qu'à leur représentations. Ceci devrait nous permettre de savoir
si les immigrés sont victimes ou non de mise à l'écart et
dans quelle mesure. Il sera donc possible de déterminer s'il s'agit
d'une vraie multiculturalité ou de ségrégation sans
interaction entre communauté ethnique. De plus nous devrions être
amené à savoir si les conflits s'estompent ou non avec la
connaissance de "l'autre".
A/ Effets de la multiculturalité pour El
Cerezo
La majorité des magasins du quartier sont fermés
l'après midi entre 14h30 et 17-18h comme le veut la coutume espagnole
à l'heure de la sieste. Durant ce laps de temps, les rues du quartier
sont "désertes" tout comme le sont les rues commerçantes du
centre ville. C'est le moment où ceux qui ne font pas la sieste ont
davantage de temps pour discuter, ce fût donc un temps adapté pour
effectuer quelques entrevues ainsi que pour proposer aux habitants et
employés des quelques commerces restés ouverts, de remplir un
questionnaire.
1/ Le point de vue des habitants dans leur choix et leur
représentation du quartier El Cerezo
Choisir un espace de vie se fait en fonction de
critères variés (économiques, familiaux, etc.). Ensuite,
connaître son quartier et le décrire, dépend de
l'utilisation que chaque individu en fait. "Une formulation unanime de
l'habiter n'existe pas pour les différentes disciplines qui abordent la
notion : philosophie, géographie, sociologie, anthropologie,
psychosociologie, psychologie environnementale, architecture. Chacun en fait
usage à son gré, l'entendant selon ses méthodes et ses
objets" (HEROUARD, 2007, p.159). Ainsi, l'espace de vie des habitants d'un
quartier va se construire en lien avec leur manière de l'habiter,
c'est-à-dire la façon dont ils vont utiliser cet endroit, les
interactions qu'ils auront ou encore les déplacements qu'ils
réaliseront dans cette zone. Tout cela va permettre de se forger une
opinion personnelle d'El Cerezo et de leur propre espace de vie.
a/ Les raisons de la venue des habitants dans le
quartier
Venir vivre dans un quartier n'est pas neutre, les raisons
sont variées. L'une d'elles serait le profil économique de ces
espaces, quartiers anciennement ouvriers de classe moyenne. De plus, "beaucoup
d'anciens résidents ont opté pour un meilleur logement mettant
leur ancienne résidence en location" (HUETE, 2011, p.22) ce qui a
libéré des logements les rendant ainsi disponibles. Depuis
plusieurs années, dans divers quartiers du district de la Macarena, "les
propriétaires essayent de louer ces logements à des
étudiants, situation qui ne les oblige pas à réaliser des
rénovations trop importantes(...) au détriment de la
qualité de ces immeubles". La dégradation des logements aurait
généré une baisse "de l'offre résidentielle
étudiante (...) en favorisant l'ouverture de ce marché pour un
autre secteur demandeur : les immigrés"(HUETE, 2011, p.23). Les
étudiants recherchent des appartements convenables, c'est-à-dire
conforment à leurs attentes en matière d'hygiène et de
propreté. Les propriétaires refusant de faire des travaux de
rénovation dans des habitations où cela semble nécessaire,
ils doivent à présent trouver des locataires moins exigeants
comme peuvent l'être certains immigrés.
Lors d'un diagnostic sur la population immigrée
résidant à Séville (HUETE, 2008), un questionnaire a
été complété par des habitants immigrés de
certains quartiers dont celui d'El Cerezo. Les résultats ont
révélé que les principaux motifs de la venue des
immigrés en Espagne et à Séville plus
particulièrement, sont d'ordre économique et socioculturel
(retrouver leurs famille ou amis) : 61% de ces immigrés se sont
installés dans tel ou tel quartier par rapport au coût immobilier
« accessible » et 73% d'entre eux expriment que leur choix a
été motivé par la présence d'un proche dans ce
quartier. "Pour établir domicile en un lieu, les citoyens prennent en
compte le réseau d'appui sur lequel ils vont pouvoir compter, qui dans
le cas des personnes immigrées pourrait être des personnes du
même pays d'origine" (HUETE, 2011, p.20).
Les résultats obtenus suite au questionnaire que nous
avons réalisé en mars 2011 auprès de personnes du quartier
El Cerezo27 sont similaires. Les réponses des autochtones
interrogés correspondent principalement à des choix
professionnels, familiaux et économiques (prix des logements et des
loyers). Par ailleurs, en ce qui concerne les immigrés, leurs raisons
sont analogues, bien que le nombre de commerces ethniques ainsi que le
phénomène de
27 Question 11 du questionnaire disponible en annexe p. 114 :
Pour quelles raisons avez-vous décidé de
vivre dans ce quartier?
mutation urbaine lié au développement
économique28 soient également à prendre en
considération. "La communauté étrangère montre, par
l'importance de sa présence dans cette zone, la nécessité
de maintenir un contact avec d'autres membres de son groupe ethnique. Cette
situation permet l'accès à l'information, le partage de
ressources et la possibilité ou la facilité de trouver un
emploi." (HUETE, 2011, p.23) Nous pouvons alors parler d'agrégation qui
comme nous l'avons vu dans le chapitre I, peut s'avérer être un
élément positif dans l'intégration de population dans un
nouvel espace urbain.
Par ailleurs, l'enquête de la chercheuse, Maria-Angeles
Huete, met également en évidence le fait que les immigrés
perçoivent l'Espagne comme une société d'accueil.
Malgré cela, ils disent se sentir discriminés lorsqu'il s'agit
d'obtenir un logement ou de trouver un emploi. Ces résultats
correspondent aux réponses obtenues lors de notre enquête. De
plus, la présence de nombreux commerces spécialisés dans
le quartier El Cerezo mais également dans le district de la Macarena est
également un argument pour venir vivre dans cette zone, bien qu'il soit
d'ordre secondaire. "J'aime le fait de vivre ici car je peux manger de la
nourriture de différents pays" (Angelines, espagnole). "Si je
n'ai pas le temps de manger je peux m'acheter un kebab, en centre ville il y en
a quasiment pas" (Zico, marocain). L'accès à certains types
de nourriture constitue ainsi un avantage pour les habitants leur permettant en
partis de s'approprier le quartier.
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