2/ Des changements urbains visibles
Depuis les années 2000, période d'arrivée
de nombreux immigrés dans le district de la Macarena et
particulièrement dans le quartier El Cerezo, des transformations
urbaines visibles ont eu lieu. A titre d'exemple, en 2008, dans le quartier El
Cerezo, l'ancien stade de football qui était en face de l'école
de langues, avenue Doctor Fedriani, est devenu un parc pour enfants. En effet
"il y a trois ans c'était un stade de foot mais les voisins se
plaignaient du bruit" (Gabi, équatorien, volontaire Acoge).
L'ancien stade, à en écouter les habitants, servait de lieu de
regroupement à des jeunes qui y consommaient de l'alcool et
dérangeaient le voisinage, maintenant ils iraient dans des quartiers
plus au Nord du district tel San Jeronimo. Ceci est l'un des changements
urbains qu'on peut observer dans ce quartier, nous allons en évoquer
d'autres ayant également des répercussions dans les espaces
publics.
a/ L'évolution des espaces publics en espaces
« fermés »
Au début des années 2000, différents
plans de réaménagement des espaces publics ont eu lieu dans
différents quartiers de la Macarena comme celui d'El Cerezo.
Les bancs publics ont été retirés dans de
nombreux quartiers de la Macarena sous prétexte d'«
éviter que les alcooliques et toxicomanes qui se faisaient soigner
à l'hôpital de la Macarena viennent dès leur sortie s'y
asseoir" (Aziz, marocain, médiateur ACCEM). Actuellement, il n'est
possible de s'asseoir que dans deux des trois parcs pour enfants d'El Cerezo.
Par ailleurs, dans les espaces dits "ouverts" du quartier il n'y a pas de banc.
En effet, les seuls endroits pour s'asseoir restent les chaises en terrasses
des bars et restaurants, qui sont des zones en principe réservées
aux consommateurs.
Nous pouvons y voir, de ce fait, une forme de lutte contre les
rassemblements dans l'espace public (ex: botellon26) ce qui peut
engendrer un manque à gagner de même qu'une déconcentration
urbaine vers de nouveaux espaces comme c'est le cas en direction des quartiers
du district Macarena Norte.
En ce qui concerne les grillages qui encerclent les places
publiques, ils auraient été mis en place pour que "les jeunes
de ces quartiers ne dégradent pas ces espaces, on peut parler de
ségrégation générationnelle mais pas
ethnique". Ces deux mesures "résultent d'un certain refus de
l'autre" dans des justifications "détournées" de la
réalité (Aziz). Le montage photos ci-dessous illustre ce constat
dans les trois espaces de jeux pour enfants du quartier. Ces structures sont
généralement très utilisées, en partie grâce
au climat ensoleillé du sud de l'Espagne. Par conséquent, il
apparaît normal de mettre un système de protection pour
éviter que les enfants sortent seuls du parc et ne risquent ainsi un
accident. Mais ce qui est étonnant, c'est la hauteur de ces
barrières d'environ deux mètres, au lieu d'un mètre
habituellement, qui bloquent l'accès à toutes personnes. Elles
sont donc un moyen de contrôle ne permettant le passage des usagers que
par les portes d'entrées et de sorties.
Les photos qui sont en haut à gauche et en haut
à droite montrent les aménagements qui ont été
faits pour limiter l'accès à certains espaces. Le grillage de
forme rectangulaire le long du trottoir de l'avenue du Doctor Fedriani
empêche les personnes de traverser la rue à n'importe quel niveau
et ne permet pas de s'asseoir le long du mur. Le grillage installé en
bas des escaliers qui donnent accès à la place de Punta Umbria,
quant à lui, limite les possibilités de regroupement à cet
endroit. Le peu d'espaces disponibles qui n'aient pas la fonction de
"trottoirs"(lieux de passage) dans El Cerezo sont délimités par
des obstacles, laissant peu de possibilité pour se réunir.
"Mettre des barrières ressemble à une prison, c'est plus
triste, c'est un espace public mais au final non." (Rober, bolivien).
Cette réaction témoigne du ressenti que peuvent avoir certains
habitants de ces quartiers. Les espaces publics leur semblent «
verrouillés », ce qui montre l'aspect négatif des
barrières.
26 Botellons : rassemblements de personnes pour
consommer des boissons alcoolisées dans des espaces publics.
Planche photo 1: El Cerezo, un espace aux nombreuses
barrières
Source: photographies personnelles, montage effectué sous
Picasa, 2011. (c) Bouchet-Wacogne Matthieu
"Ainsi, l'espace public a perdu sa qualité de
socialisation, il a vieilli et il est l'objet d'une plus grande vigilance
policière : le retrait des bancs, la délimitation de certains
espaces publics et la gestion de certains par les associations de voisins
majoritairement autochtones" ont transféré "les problèmes
d'usage de l'espace public dans d'autres zones qui se doivent d'absorber ce que
le district de la Macarena ne peut plus offrir" (SALINAS, 2008, p.7). Par
conséquent, ces espaces publics deviennent des espaces fermés
voire "surveillés" créant ainsi un manque de zone "libre"
où il serait possible de se réunir dans le respect de chacun. De
plus, les problèmes qui étaient présents dans ce district
avant ces aménagements se retrouvent dans le district Macarena Norte ce
qui n'a fait que les déplacer au lieu de les résoudre.
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