La licence globale : réexamen d'une solution française abandonnées en droit français( Télécharger le fichier original )par Guillaume Lhuillier Université Paris I Panthéon / La Sorbonne - Master 2 "Droit de l'Internet public" 2010 |
II/ Une suppression des DRM logique et inhérente à la société de l'informationLe législateur, ayant transposé la directive du 22 mai 2001 en droit français, a tout de même souhaité contrebalancer cette toute puissance accordée aux mesures techniques de protection en tentant de protéger les intérêts des utilisateurs et bénéficiaires d'exceptions dans les limites posées par les dispositions du texte européen. L'alinéa 4 de l'article L. 331-5 du Code de la Propriété Intellectuelle consacre ainsi le principe d'interopérabilité des mesures techniques de protection, celles-ci ne devant pas << avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur >>, dans une volonté de rendre légitimes les actes de contournement accomplis afin de permettre l'interopérabilité des dispositifs de protection. Cela signifie que les codes d'accès, cryptage et autres procédés mis en place par la mesure technique doivent êtres interopérables avec tout type de matériel ou logiciel qui puisse les décoder ou les décrypter efficacement. Pour assurer de manière effective cette interopérabilité, l'article L. 331-7 du Code vient défendre le principe par l'interaction d'une nouvelle Autorité de Régulation des Mesures Techniques (ARMT). En effet, selon ses dispositions, la documentation technique et les 89 Article 12 des Conditions générales de vente du site << VirginMega >> accessible à cette adresse : http://www.virginmega.fr/Sites/Cgv.aspx#12 interfaces de programmation nécessaires pour permettre à un dispositif technique d'accéder à une oeuvre ou à un objet protégé par une mesure technique ainsi qu'aux informations sous forme électronique, constituent des informations essentielles à l'interopérabilité, lesquelles peuvent avoir pour objet même le code source. La mise en place d'une interopérabilité effective est ainsi garantie par la communication de ces informations essentielles, contrôlée et mise en oeuvre par l'Autorité. Les fournisseurs des mesures techniques doivent ainsi permettre l'accès aux informations nécessaires pour favoriser l'interopérabilité à tout éditeur de logiciel, à tout fabricant de système technique et tout exploitant de service qui en fera la demande auprès de cette Autorité. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition au motif que l'absence d'une définition claire de la notion d'interopérabilité, base d'une cause d'exonération de responsabilité pénale, violait le principe de la légalité des délits et des peines90. Le rôle de l'Autorité de Régulation des Mesures Techniques, selon les dispositions du même article, est de « garantir l'interopérabilité des systèmes et des services existants, dans le respect des droits des parties, et d'obtenir du titulaire des droits sur la mesure technique les informations essentielles à cette interopérabilité ». Clairement, la logique du DRM est insoutenable pour les consommateurs qui se sentent floués la plupart du temps en achetant du contenu qu'ils ne pensaient pas protégés. En effet, un contentieux important est né aux Etats-Unis et en France sur la base d'une réappropriation de la théorie des vices cachés : des majors n'avaient fait état sur plusieurs oeuvres distribuées d'aucune réserve d'usage alors que ces contenus étaient illisibles sur certains lecteurs CD, autoradios et autres platines de DVD. La loi DADVSI de 2006 avait dümême ajouter un article L. 331-12 au Code de la Propriété Intellectuelle pour répondre à cet abus, nouvellement codifié à l'article L. 331-10 depuis la loi Hadopi : « les conditions d'accès à la lecture d'une oeuvre, d'un vidéogramme, d'un programme ou d'un phonogramme et les limitations susceptibles d'être apportées au bénéfice de l'exception pour copie privée par la mise en oeuvre d'une mesure technique de protection doivent être portées à la connaissance de l'utilisateur ». 90 Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information L'atteinte aux droits de l'utilisateur légitime n'est plus à démontrer, la jurisprudence étant venue à de nombreuses reprises protéger les consommateurs contre les multinationales : c'est ainsi que la société Warner Music France, qui avait installé un système de protection anti-copie sur un CD de l'artiste Phil Collins empêchant toute lecture et enregistrement sur le disque dur de l'ordinateur, avait porté atteinte à l'exception de copie privée91. Et les exemples ne manquent pas. En outre, les DRM ont la fâcheuse caractéristique de collecter des données personnelles à l'insu des intéressés du moment que ces derniers disposent d'une connexion Internet. Si un traçage des internautes, comme évoqué dans le chapitre premier, est inévitable dans le cadre d'un mécanisme originel de licence globale, il est en revanche premièrement inapproprié dans un contexte d'accès global aux catalogues des majors et des producteurs indépendants, et deuxièmement contreproductif en incitant directement les internautes à continuer de télécharger illégalement sur des plateformes où ils ne seront pas pistés, ou alors seulement dans un cadre répressif. De même, un manque d'interopérabilité bride tout transfert entre plateformes de sociétés ou constructeurs différents : le meilleur exemple est sans doute celui d'Apple qui ne cherche que la reconnaissance entre sa plateforme légale de téléchargement iTunes et son célébrissime baladeur MP3, l'iPod. Ainsi tout autre contenu provenant d'autres sites légaux ne sont souvent pas compatibles avec les baladeurs de la firme de Steve Jobs et les reproductions sur ses supports ne sont pas illimitées. Pour des raisons presque philosophiques, les mesures de protection sont aujourd'hui dépassées et ne permettent pas de toute façon de protéger de manière optimale les droits d'auteur. Tout au plus, elles détournent les consommateurs déçus de l'offre légale et les confortent dans l'idée que le piratage répondra mieux à leurs attentes et n'ira pas à l'encontre du droit au respect de leur vie privée. Il reste que la mise en place d'une << licence globale de l'offre légale » ne pourra être massivement suivie tant que les DRM n'auront pas été purement et simplement abandonnés. 91 Ariane Delvoie, << La fronde anti-DRM sonne-t-elle le glas de cette technologie », Gazette du Palais, 18 et 19 avril 2007, p. 25 Enfin, pour répondre à l'argument que les fichiers sans DRM pourraient une fois encore se démultiplier à l'infini malgré une acquisition à la base légale, nous ne pouvons que rappeler l'impossibilité d'un contrôle absolu sur la création, qu'elle soit sur support ou dématérialisée, car sa vocation même est d'être librement et largement diffusée. |
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