SECTION 2 - La recherche juridique d'une
interopérabilité effective des supports pour tout accès
généralisé à la culture
Une « licence globale de l'offre légale »
telle que nous l'imaginons implique mathématiquement une
interopérabilité absolue entre tous les supports et dans tous les
formats pour intéresser massivement le consommateur à opter pour
un tel abonnement.
Cette interopérabilité passe
nécessairement par un abandon progressif mais rapide des mesures
techniques de protection et particulièrement celles empêchant la
reproduction sur d'autres plateformes. Mais ce souhait est difficile à
mettre en oeuvre car ces mesures sont protégées juridiquement.
Il convient dans un premier temps d'analyser le contenu de
cette protection juridique des Digital Right Maganements
(I) et de réfléchir dans un deuxième
temps à une suppression de ces DRM sans enfreindre la loi
(II).
I/ Le cadre juridique des Digital Right Managements
empêchant l'interopérabilité
Les mesures techniques de protection constituent le principal
rempart contre l'effritement des droits d'auteurs mais elles cristallisent
également toutes les principales agressions aux libertés
individuelles et aux droits des consommateurs.
A côté des techniques de
métadonnées et d'immatriculation des oeuvres, satisfaisant
surtout le respect au droit moral, existent des mesures de protection qui
présentent une atteinte plus prononcée aux droits individuels :
les Digital Right Managements, largement cités dans cette
étude, ou Gestion des Droits Numériques en français,
servant principalement à restreindre l'utilisation des oeuvres en
modulant par exemple le nombre de reproductions sur d'autres supports.
Ainsi l'une des premières méthodes
imaginées consistait à encoder les fichiers musicaux au format
Windows Media Audio (WMA), véritable système anti-copie limitant
les actes de reproduction à deux gravures sur CD et dix transferts via
le réseau.
D'un point de vue juridique, la licéité de l'usage
des mesures techniques de protection occupe une place primordiale au niveau
international, communautaire mais aussi interne.
Cadre juridique international et communautaire :
l'article 11 du Traité de l'OMPI87 précité sur
les droits d'auteur consacre la protection juridique contre le contournement de
toute mesure technique efficace, tandis que l'article 6 de la directive du 22
mai 200188 précitée impose aux Etats-membres de
prendre des mesures pour lutter contre toute activité destinée
à neutraliser les dispositifs de protection des oeuvres.
87 L'article 11 du Traité de l'OMPI
adopté à Genève le 20 décembre 1996 est ainsi
rédigé : << Les Parties contractantes doivent
prévoir une protection juridique appropriée et des sanctions
juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques efficaces
qui sont mises en oeuvre par les auteurs dans le cadre de l'exercice de leurs
droits en vertu du présent traité ou de la Convention de Berne et
qui restreignent l'accomplissement, à l'égard de leurs oeuvres,
d'actes qui ne sont pas autorisés par les auteurs concernés ou
permis par la loi. ».
88 L'article 6 de la directive du 22 mai 2001 est
ainsi rédigé : << En l'absence d'harmonisation à
l'échelle communautaire, les processus législatifs au niveau
national, dans lesquels plusieurs États membres se sont
déjà engagés pour répondre aux défis
technologiques, pourraient entraîner des disparités sensibles en
matière de protection et, partant, des restrictions à la libre
circulation des services et des marchandises qui comportent des
éléments relevant de la propriété intellectuelle ou
se fondent sur de tels éléments, ce qui provoquerait une nouvelle
fragmentation du marché intérieur et des incohérences
d'ordre législatif. L'incidence de ces disparités
législatives et de cette insécurité juridique se fera plus
sensible avec le développement de la société de
l'information, qui a déjà considérablement renforcé
l'exploitation transfrontalière de la propriété
intellectuelle. Ce développement est appelé à se
poursuivre. Des disparités et une insécurité juridiques
importantes en matière de protection sont susceptibles d'entraver la
réalisation d'économies d'échelle pour les nouveaux
produits et services protégés par le droit d'auteur et les droits
voisins. »
Cadre juridique national : la loi n°2006-961 du
1er août 2006, relative au droit d'auteur et aux droits
voisins dans la société de l'information (DADVSI), transposant la
directive de 2001, encadre logiquement la mise en place des mesures techniques
de protection afin d'empêcher ou de limiter les utilisations
illégales d'une oeuvre : la copie sur un CD, un DVD, l'extraction et la
compression des contenus en format MP3, DivX ou autres, etc.
En limitant ou en contrôlant ainsi ces utilisations, la
mesure technique apposée à l'oeuvre renforce la protection des
droits de représentation ou de reproduction de l'auteur sur celle-ci.
Le législateur français a durci les dispositifs
de protection juridique des mesures techniques de protection : les articles L.
335-3-1 et L. 335-3-2 du Code définissent des types de délits
spécifiques : par exemple, des individus qui fournissent les moyens de
porter atteinte à des mesures techniques ou aux informations sont le
plus sévèrement sanctionnés (6 mois d'emprisonnement et
30,000 euros d'amende). A l'inverse, ceux qui neutralisent la mesure technique
ou l'information ne risquent pas la prison mais sont tout de même
condamnés à une peine de 3,750 euros d'amende.
Les textes internationaux, repris en droit français,
indiquaient que les mesures techniques de protection devaient répondre
à des critères d'efficacité et de fonctionnalité
afin d'être protégées. Plus précisément,
concernant le critère de l'efficacité, seules les mesures
techniques efficaces peuvent bénéficier de la protection
instituée par la loi. Le législateur n'entend pas ainsi
protéger les mesures techniques trop facilement contournables ou celles
placées sur les oeuvres dans le seul but de bénéficier de
la protection légale.
Rappelons que le second alinéa de l'article L. 331-5 du
Code de la Propriété Intellectuelle posant la définition
des mesures de protection considère ces dernières efficaces
« lorsqu'une utilisation est contrôlée par les titulaires
de droits ».
Par conséquent, l'efficacité de la mesure
dépend du contrôle des titulaires de droits et non de la
viabilité ou du fonctionnement en tant que tel de la mesure
technique.
Par rapport au critère de fonctionnalité, les
mesures doivent avoir pour fonction de protéger tout type d'oeuvre sur
laquelle une personne dispose du droit d'auteur ou de droits voisins. Ainsi,
une mesure dont le rôle serait de protéger une oeuvre
contrefaisant ou portant atteinte aux droits d'auteur serait exclue de la
protection instituée par la loi.
Par ailleurs, les mesures techniques sont soumises à
certaines exceptions, définies par les dispositions du Code, qui sont
exonérées de responsabilité pénale.
Plusieurs plateformes légales comme la << Fnac
>> ou << Universal >> ont abandonné les DRM tandis que
d'autres ont décidé de les conserver dans leurs offres en ligne ;
<< VirginMega >> dispense ainsi ce service dans ses conditions
générales de vente : << pour le service de
téléchargement définitif d'enregistrements musicaux, les
fichiers numériques téléchargés sont gravables au
moins 7 fois sur CD et transférables au moins 5 fois vers des baladeurs
numériques89 >>.
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