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La licence globale : réexamen d'une solution française abandonnées en droit français

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par Guillaume Lhuillier
Université Paris I Panthéon / La Sorbonne - Master 2 "Droit de l'Internet public" 2010
  

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I/ Une approche novatrice du droit d'auteur français : l'exemple du projet Jean Zay

Le projet de Jean Zay tranche essentiellement avec nos conceptions traditionnelles du droit d'auteur sur deux points : premièrement, il dépasse la critique de la notion de propriété appliquée au droit d'auteur, bien que présumée inattaquable par sa consécration dans le bloc de constitutionnalité, en y intégrant le concept novateur de « travailleur intellectuel » substitué

49 Ephémère Ministre de l'Education et des Beaux-arts du Front populaire, il sera assassiné par la milice française le 20 juin 1944, soit quelques semaines avant la Libération.

à celui d'auteur ; deuxièmement, il défend corps et âmes l'idée d'une licence légale généralisée (un << domaine public payant >>) dix ans après la mort de l'auteur.

Quels sont alors les apports d'une telle << idéologie >> vis-à-vis de la licence globale ?

L'invention du << travailleur intellectuel >> se serait accompagnée par la possibilité d'instituer des accords collectifs entre auteurs et éditeurs, la dernière catégorie pouvant être étendue pour faire plus actuel aux producteurs et sociétés de gestion collective. Ces accords collectifs ont d'autant plus de poids qu'ils fonctionnent de manière pleinement effective pour les droits voisins du droit d'auteur - et tout particulièrement pour les artistes-interprètes - ceux-là même au coeur de toutes les attentions pendant les débats du projet de loi DADVSI précédemment cité. Du reste, bon nombre d'observateurs prodiguaient la nécessaire clarification des relations entre auteurs et éditeurs/producteurs pour que la licence globale puisse vivre et, au-delà, s'articuler de manière optimale.

Le second aspect du projet est de loin le plus intéressant et, sans conteste, le plus audacieux. De ce fait, la reproduction quasi-intégrale du troisième alinéa de l'article 21 du projet est nécessaire : << A l'expiration du délai de dix ans [...] et jusqu'à l'expiration d'une durée de cinquante ans calculée à dater de la mort de l'auteur [...], l'exploitation des oeuvres de l'auteur est libre, à charge pour l'exploitation de payer une redevance équitable aux personnes à qui appartenait la jouissance du droit pécuniaire de l'auteur [...]. Cette redevance ne pourra être inférieure à 10% du produit brut de l'exploitation. >>.

Il s'agit véritablement ici de la question de la licence légale, largement commentée pendant toute la seconde moitié du XXe siècle, que le législateur a réglé en 198550, et par extension le sujet si épineux de la licence globale. Le projet prenait donc le parti de mettre en place un mécanisme spécial de licence prévoyant une rémunération équitable des auteurs et un autre type d'exercice des droit exclusifs sur leurs oeuvres ; avec un peu de chance, et si celui-ci était accepté par toutes les parties, le mécanisme d'une licence, globale ou autre (peu importe sa qualification), ne craindrait pas alors de s'attirer les foudres de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, notamment sur le plan du << triple test >> (cf. supra).

50 Loi n°85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle

Fort de cette réflexion, et bien que la licence globale imaginée au cours des débats sur la loi DADVSI51 viole matériellement les quatre droits moraux, on reconnaît que les dissensions se sont cristallisées bizarrement plus pour des raisons économiques et lobbyistes que pour des raisons purement juridiques ; tout au plus, et puisqu'il fallait donner une assise juridique à la fronde anti-licence globale, les juristes chevronnés ont mis en exergue l'argument du << triple test >> de l'article 10 des accords internationaux sur la protection des droits intellectuels52 (ADPIC), imparable selon eux, qu'est venue nuancer l'étude précitée de << faisabilité sur un système de compensation pour l'échange des oeuvres sur Internet >>. Et même si l'on donnait à cet argument une toute puissance certaine, aucun tribunal solennel n'est venu à ce jour trancher officiellement la question.

De fait, le titre du communiqué de presse des principaux ayants droit53 du 22 décembre 2005, baptisé << La licence globale : un missile contre les droits d'auteur >>, reste donc, de manière assez remarquable, plus une bombe linguistique que juridique puisqu'aucun magistrat n'est venu point par point user de son syllogisme juridique pour confronter la licence globale à la réalité du droit positif.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry