SECTION 2 - Les atteintes aux droits d'auteur sur le plan
du droit communautaire et international
Nous précisions en introduction que le Ministre de la
Culture en place pendant l'hiver 2005/2006, où l'air s'était
beaucoup réchauffé avec les débats sur la licence globale,
a suivi le Gouvernement d'alors pour empêcher toute émergence de
la licence globale en droit français, principalement au motif qu'elle
serait contraire aux engagements supranationaux conclus par la France en
matière de protection des droits d'auteur vis-à-vis de la
société de l'information.
37 Cass. crim., 5 mai 1981, RIDA, janv. 1982, p.
179
Ce sont justement ces législations communautaires
(I) et internationales (II) qu'il convient
dès à présent d'étudier pour vérifier les
craintes très prononcées du pouvoir exécutif de
l'époque.
I/ Les atteintes de la licence globale à la
législation communautaire
Rappelons que le projet de loi DADVSI de 2003, débattu
en 2005 et 2006 et aboutissant sur la loi n° 2006-961 du 1er
août 2006, publiée le 3 août 2006 au Journal
Officiel, relative au Droit d'Auteur et aux Droits Voisins dans la
Société de l'Information est à la base issu de
l'obligation pour le législateur de transposer en droit français
la Directive communautaire 2001/29/CE du Parlement européen et du
Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit
d'auteur et des droits voisins dans la société de
l'information.
Cette directive réaffirme clairement le principe d'un
droit exclusif de l'auteur en reprenant les prérogatives du droit de
reproduction à la française dans son article 2 (<<
[l'auteur peut] autoriser ou interdire la reproduction directe ou
indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme
que ce soit, en tout ou partie... ») ainsi que celles du droit de
représentation dans l'article 3.1 (<< [l'auteur a un] droit
exclusif d'autoriser ou d'interdire toute communication au public de leurs
oeuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à disposition du public
de leurs oeuvres de telle manière que chacun puisse y avoir accès
de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement »). La mise
à disposition d'une oeuvre au public par le biais des nouvelles
technologies offertes sur Internet constitue sans doute une forme de <<
communication au public ».
La numérisation d'une oeuvre, définie par les
juges en France comme << la technique consistant à traduire le
signal analogique [...] en un monde numérique qui
représentera l'information à deux valeurs 0 et
138 », c'est-à-dire enregistrer sous forme digitale
ou numérique une oeuvre existant sous forme analogique, implique
à la fois un acte de fixation et
38 TGI Paris, référé, 5 mai 1997,
Queneau c/ Leroy
un acte de reproduction. En réalité, la fixation
correspond la << première fixation >> de l'enregistrement
initial, qui peut ensuite faire l'objet de reproductions39.
Très clairement, cet acte de fixation ne pourra
être réalisé qu'avec l'accord exprès et
unilatéral de l'auteur et de l'ensemble des ayants droit sur une oeuvre.
Tout comme pour le droit de reproduction tel que défini dans le Code, la
licence globale viole stricto sensu les acceptations classiques du
droit d'auteur si l'accord n'est pas expressément conféré
par lesdites personnes.
De la même façon, le droit de
représentation définie au niveau communautaire par l'article 3 de
la directive impose de reconnaître un droit exclusif pour la
communication et la mise à disposition au public. Or, au moment des
débats sur la licence globale, l' << Alliance Public-Artistes,
plusieurs organisations d'artistes déjà citées ainsi que
l'UFC - Que Choisir entendaient << remplacer le droit exclusif par
une licence légale40 >>. Ainsi le cadre juridique
s'oppose à l'introduction directe d'un droit à
rémunération, rendant très logiquement la licence globale
impossible à appliquer car sa raison d'être est justement ce
principe de rémunération forfaitaire.
Deux autres articles inclus de moindre importance dans la
directive sont à noter. Premièrement, pour l'article 4 concernant
la distribution au public et prévoyant que << les États
membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d'autoriser ou
d'interdire toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement,
de l'original de leurs oeuvres ou de copies de celles-ci >>, nous
reprendrons les mêmes considérations que celles exposées
pour le droit de respect de l'oeuvre dans la première section.
Deuxièmement, l'article 7 concernant l'information sur
les droits d'auteur << rend illégal la modification et/ou la
suppression d'information indiquant qu'une oeuvre est protégée
par le droit d'auteur. De même, il rend illégale la distribution
d'une oeuvre sans ses informations sur sa nature d'oeuvre
protégée. >>.
39 André Lucas, Droit d'auteur et
numérique, Litec, 1998, p. 33 §62
40 Alain Strowel (avec la collaboration de Pierre-Yves
Thoumsin), << Le P2P : un problème pressent en attente d'une
réponse législative ? >>, Propriétés
Intellectuelles, n° 17, octobre 2005, p. 433
Toutefois, le législateur communautaire a aussi
prévu toute une série d' << exceptions et limitations
aux droits de reproduction, de communication, et de distribution au public
d'une oeuvre [...] que les États membres peuvent choisir ou non
d'incorpore/transposer dans leur droit national ». Parmi elles, la
reproduction est le fruit du déroulement d'un processus technique
automatisé non commercial visant à transmettre ou utiliser
l'oeuvre, les usages par les personnes handicapées, les revues de
presse, de citation, de parodie, les copies effectuées par des
bibliothèques, des établissements d'enseignement, des
musées ou par des archives, et plus particulièrement la copie
privée.
Il n'est plus utile de rappeler à ce stade de
l'étude que si la licence globale avait été incluse dans
les exceptions de copie privée telles qu'énumérées
par le Code à l'article L. 122-5, elle aurait alors été
considérée comme ne portant atteinte à la directive
communautaire du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001.
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