1.2 - POSITION FORMULATION
ET DU PROBLEME
Les questions ci-dessus soulevées nous amène
à aborder la problématique des enjeux de la scolarisation de la
jeune fille au regard des perceptions sociales. Nous nous intéressons
ainsi à l'achèvement du cycle primaire par la jeune fille au
regard des stéréotypes sociaux. En effet, tout le monde
accrédite l'idée que la scolarisation est un droit autant pour
les garçons que pour les filles (Tchombe, 1993,2006 ; Matchinda,
2006, 2008 ; Mapto Kengne, 2006). L'amélioration de la
scolarisation des filles s'inscrit dans cette optique pour atteindre les
objectifs de l'éducation pour tous(EPT). Cette scolarisation est un pas
vers l'égalité, l'équité et la qualité entre
les sexes. Or ; les recherches actuelles sur le sujet (Matchinda
2006,2008) montrent qu'il existe encore des variables qui entravent de
façon significative l'achèvement du cycle primaire par les filles
(Rapport ZIP-UNICEF, 2008/2009).
Dans l'arrondissement de Mora par exemple, le Taux
d'Achèvement du Primaire (TAP) de la jeune fille contrairement au
garçon (50%) est de 27%. On peut observer que si dans l'ensemble les
garçons achèvent peu à peu le cycle primaire dans la
localité de Mora, ce n'est pas toujours le cas pour celui de la jeune
fille. Environ sept (07) filles sur dix (10) ne parviennent pas toujours
à terminer le cycle primaire dans cette localité (UNICEF
2008/2009).
L'éducation et la fréquentation sont les agents
clés pour changer les attitudes des femmes sur le mode de
perception par d'autres personnes et elles-mêmes. Nous devons comprendre
la nature de la fille et par conséquent de la femme. L'éducation
de la fille selon Tchombe (2006), est souvent traduite par le désir
pour l'égalité de sexe. La clameur pour l'égalité
de sexe semble être une hypothèse politique. Elle empêche
de penser comment les filles et les femmes, même les garçons
peuvent être dirigés. D'une manière générale,
elle donne une notion quantitative de l'éducation, tout de même la
fille doit avoir quelques valeurs intrinsèques. L'utilité de la
vie d'une fille vue seulement en relation a la vie d'un garçon, souligne
Tchombe (2006), perd sa valeur d'utilité.
L'école se présente ainsi comme un canal pour
assurer l'éducation et la formation des filles afin de leur permettre
d'atteindre la capacité d'insertion socioprofessionnelle.
L'éducation de la fille qui est focalisée sur les facultés
mentales l'aide à devenir un instrument pour la paix, la
solidarité, un directeur moral dans la famille, le voisinage et la
société (Tchombe, 2006). Ces propos de Tchombe (2006 :67)
semblent pertinents à cet effet : «l'accès
à l'éducation est un outil valable pour faire avancer le
processus de perception de soi ».
Cependant, force est de constater qu'à Mora, cette
école semble devenir souvent source d'échec pour les filles et
les éjecte de son système (Matchinda, 2006 ; Mapto Kengne,
2006). Elles font face à de nombreux obstacles sur le chemin de
l'école : mariages précoces, grossesses non
désirées, préjugés socioculturels, coutumes
rétrogrades, harcèlement sexuel, travaux domestiques, bref la
liste est loin d'être exhaustive. Ceci semble être dû au
fait qu'a priori, « l'école gâte les
femmes ». L'école est considérée par la
société traditionnelle comme un mécanisme de corruption
des individus pour le seul fait que l'école moderne développe des
standards de comportement en rendant ceux qui la fréquentent rebelles,
car elle confère à l'individu la capacité de
réflexion ; d'où l'autorité
cognitive dont parle Tchombe(2006). Pour corroborer cette
idée, Tchombe (2006 :53-54) pense qu' « en effet, le
pouvoir cognitif de la fille, de la femme doit être posé
très tôt afin de lui permettre de fonctionner dans une position
plus confortable et imposante ».
Dans la conscience collective des sociétés
humaines, la place de la femme est, en général réduite au
cadre domestique tournant autour de la maternité, de l'éducation
des enfants et de l'entretien du foyer (Fatou Maiga, 1993). Ceci montre que la
femme, dans sa constitution et sa création même, possède
des caractéristiques physiques (faiblesse physique, aptitude à la
maternité) et psychiques (tendresse, humeur changeante) qui lui
confère un statut particulier dans la société (Dr
Abdur-Razaq Ibn Abdul-Mouhsin Al Badr, 2006). D'après Fanta Diallo
Maiga (1993), quelques parents avec des attitudes morales et religieuses sont
des conservateurs vers l'éducation occidentale. Elle montre à cet
effet que certains parents envoient leurs filles à l'école parce
qu'ils veulent les protéger des corruptions de la société.
Ces parents expliquent que ce sont les femmes qui doivent préserver et
transmettre les valeurs culturelles et leur identité.
Le Saint Qur'an (Coran en arabe) dans la Sourate de
An-Nissâ au verset 12 dit ceci « les hommes ont
autorité sur les femmes en raisons des faveurs qu'Allah
(BSLD) accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi
à cause des dépenses qu'ils font de leurs bien ».
D'après cette Sourate, l'autorité de l'homme sur la femme
compte parmi les faveurs qu'Allah (BSLD) lui a
accordées. En font également partie, la plénitude de sa
raison, sa sagesse, sa patience, sa vigueur, son endurance et enfin sa force
physique bien supérieure à la femme. C'est pour cette raison
qu'on a donné à l'homme des droits sur la femme qui sont
appropriés à ses capacités et sa constitution (Dr
Abdur-Razaq Ibn Abdul-Mouhsin Al Badr, 2006).
Aussi, retrouve-t-on dans le Saint Qur'an Sourate
6, verset 6 ces paroles : « privées
d'intelligence, en quoi, O Envoyé de Dieu, consiste
l'infériorité de notre intelligence et de notre religion? Est-ce
que le témoignage de la femme n'équivaut pas seulement à
la moitié de celui d'un homme? répliqua le Prophète.
Certes, oui, dirai-je, à cause de l'infériorité de leur
religion. Occupantes de l'enfer: Ah! Troupes de femmes, faites
l'aumône, car on m'a fait voir que vous formiez la majeure partie des
gens de l'enfer...».
Le Rapport d'analyse des données statistiques de la
zone d'intervention du projet (ZIP-UNICEF, 2008/2009) décrit la
situation sur les deux années scolaires 2007/2008 et 2008/2009. Ainsi
ressort-il que le taux d'achèvement du cycle primaire par les filles
dans l'arrondissement de Mora est de 27% et relativement inférieur
à celui des garçons qui est de 50%.
L'écart varie de 12 à 16 points. Aujourd'hui,
l'indice de parité filles/garçons est de 0.92 (Rapport
ZIP-UNICEF, 2008/2009). Toutefois si dans de nombreuses régions de la
ZIP, le taux de scolarisation des filles au primaire est proche de celui des
garçons, ce qui se traduit par un indice de parité (rapport de
l'indicateur calculé pour les filles sur celui calculé pour les
garçons) proche de l'unité dans la majorité des
régions, il faut souligner la situation particulière des
régions du Nord, de l'Extrême- Nord et de l'Adamaoua dont l'indice
de parité est de 0.63, 0.64 et 0.71 en 2008/2009, respectivement. Ce qui
signifie qu'il y a moins de deux filles pour trois garçons
scolarisés. Comme causes possibles de cette situation, l'on peut relever
les influences culturelles (mariage précoce des jeunes filles, certaines
croyances) et le problème du travail des enfants.
De cette analyse, il découle que cet état de
choses (disparités genre) se manifeste dès l'accès
à la première année du primaire (indice de parité
de 0,92) et s'amplifie en cours de cycle. Les filles ont de ce fait moins de
chance que les garçons de faire une scolarité continue
jusqu'à la dernière classe du cycle (indice de parité de
0,83). La comparaison de l'indice de parité dans l'accès et dans
la rétention montre que, par rapport aux garçons, la
rétention des filles dans le cycle primaire est un peu plus faible que
leur accès à l'école. La prise en compte cumulée de
ces deux phénomènes révèle qu'environ deux
garçons sur trois et une fille sur deux achèvent
difficilement le primaire.
En examinant le point de vue religieux, il ressort que les
enseignements du coran encouragent un «système ferme»
entre la communauté musulmane et les autres. Les femmes ne doivent pas
sortir de ce système clos. Les parents musulmans jugent les valeurs de
l'éducation occidentale comme opposées aux éléments
islamiques. Ces aspects religieux et moraux ont l'influence négative sur
l'accès des jeunes filles à l'éducation mais aussi quand
elles y sont, entravent le processus de scolarisation. Ainsi, la question que
nous nous sommes posés est celle de savoir s'il existe un lien
significatif entre les stéréotypes sociaux et l'achèvement
du cycle primaire de la jeune fille? En d'autres termes :
- Existe-t-il un lien significatif entre les croyances d'ordre
religieux (coran) qui guident les jugements des groupes sur la femme et
l'achèvement du cycle primaire par la jeune fille ?
- Existe-t-il un lien significatif entre les attributions
sociales vis-à-vis de la femme et l'achèvement du cycle primaire
par la jeune fille ?
- Existe-t-il un lien significatif entre les
préjugés d'ordre traditionnels guidant les jugements des groupes
sur la femme et l'achèvement du cycle primaire par la jeune
fille ?
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