THEME :
Procédures Simplifiées de recouvrement et
voies d'exécution : Un droit adapté aux conditions
économiques sociales nouvelles ?
INTRODUCTION :
Avec des ressources humaines et naturelles abondantes, l'Afrique
est considérée comme un continent doté d'un grand
potentiel de développement. L'Afrique a cependant été
longtemps un continent fragmenté politiquement et marginalisé
économiquement.
Depuis leur indépendance, de nombreux Etats africains
ont cherché à résoudre ces difficultés et à
renforcer leurs capacités par la constitution d'organisations
internationales agissant dans tous les domaines. Ce n'est pour tant qu'au
début des années 1990, avec des politiques économiques
libérales et démocratiques dans certains Etats, que ces
organisations ont pu connaitre leur essor. Sont alors apparues : l'UEMOA,
la CEMAC, l'OAPI, la CIMA etc. Toutes ces organisations tendent vers le
même objectif, à savoir le développement économique
du continent, objectif qui ne peut être atteint sans une politique
d'intégration économique et monétaire appuyée par
un corps de règle juridique harmonisée, moderne et attractive.
Le besoin de ce corps juridique ne s'est fait sentir
qu'après avoir constaté un ralentissement des investisseurs dans
leur région. Ils l'avaient attribué à la méfiance
des operateurs économiques. Ainsi a germé l'idée
d'harmoniser et de rénover les législations existantes, afin de
limiter les disparités dans une zone économique et
monétaire dont les intérêts et les cultures sont
très proches.
L'OHADA (organisation pour l'harmonisation des droits des
affaires en Afrique) est née d'une volonté politique dynamique et
ambitieuse de renforcer le système juridique des Etats de la zone Franc
en créant un cadre juridique simple, moderne et adapté à
la conduite des affaires. C'est ainsi que le Traité OHADA est
signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis (ILES MORICE) par 14 pays
africains de la zone Franc, vise à créer un espace juridique et
judiciaire commun en Afrique, par l'application de textes uniformes dans les
principaux domaines du droit des affaires et la mise en place d'une juridiction
supranationale devant connaitre des pourvoir en cassation contre les
décisions rendues par les juridictions des Etats membres impliquant le
droit OHADA.
Depuis la signature du traité en 1993, deux autres
pays (Guinée Conakry et Guinée Biseau) ont rejoint l'organisation
portant à 16 le nombre des Etats membres de l'OHADA, représentant
un marché de 70 millions d'habitants.
L'article 53 du Traité dispose que « tout pays
membre de l'union africaine peut en effet devenir membre de l'OHADA, s'il en
formule le souhait ».
C'est ce cadre juridique qui est considéré comme
essentiel au développement économique et social du continent
africain dans son ensemble.
Les missions préliminaires de l'OHADA ont mis en
évidence un constat unanime, émanant des plus hautes
autorités politiques des pays consultés, aussi
bien que des opérateurs
économiques : « celui d'une grande
insécurité liée au droit des affaires,
insécurité juridique d'une part, et insécurité
judiciaire d'autre part ». La nécessité
économique de la reforme devenait une évidence.
Elle s'est fixée comme objectifs, d'harmoniser le droit
des affaires des Etats membres « par l'élaboration et
l'adoption de règles communes simples, modernes et adaptées
à la situation de leurs économies », de promouvoir
l'arbitrage comme un mode de règlement des différents
contractuels (article 1 du Traité), d'améliorer le climat
d'investissement, de soutenir l'intégration économique africaine
et de favoriser l'institution d'une communauté économique
africaine, « en vue d'accomplir de nouveaux progrès sur la
voie de l'unité africaine ».
Pour atteindre son objectif, l'OHADA promulgue une
législation unifiée qui prend la forme d'Acte Uniforme traitant
de différents aspects du droit des affaires. Chacun de ces actes a
été disséqué, étudié et
commenté avec minutie. Ils sont entre autres : le droit commercial
général, le droit de sociétés, les
procédures collectives d'apurement du passif, les suretés, les
règles de l'arbitrage et les contrats de transport par route, les
procédures simplifiées de recouvrement et voies
d'exécution etc. Pour conquérir dans tous les domaines, l'OHADA a
comme chantier, les règles communes sur le droit du travail, le droit
comptables, au droit de la vente et des transports etc.
L'article 2 du Traité donne une liste non limitative
des secteurs concernés par l'unification, selon ce texte
« pour l'application du présent traité, entre dans le
domaine des affaires, l'ensemble des règles relatives au droit des
sociétés et au statut juridique des commerçants, au
recouvrement des créances, aux suretés et aux voies
d'exécution, au régime du redressement des entreprises et de la
liquidation judiciaire, au droit de la vente et des transports et toute autre
matière que le conseil des ministres déciderait à
l'unanimité d'y inclure, conformément à l'objet du
présent traité et aux dispositions de l'article 8 du
Traité.
Vu l'ensemble d'insécurité juridique et
judiciaire qui règne, s'ajoutent d'autres lacunes qui sont connues de
longues dates et ses conséquences sont très préjudiciables
au développement économique et l'initiative de l'OHADA peut y
apporter des remèdes.
Il est, en effet, bien difficile d'échapper aux multiples
inconvénients d'un droit inadapté :
-S'agissant de la loi ; si les textes sont trop anciens, ils
s'appliquent mal à des situations contemporaines par
définition.
Cependant, leur rédaction peut être plus
récente, mais viciée ou inopérante pour diverses raisons
(insuffisantes de recherches, d'antériorité lors de la
rédaction, défaut de décret d'application s'il en a
été prévu par la loi, conflit du texte nouveau avec
d'autres non abrogés ou non modifiés, défaut de
publication au
journal officiel, défaillant, etc.).
-S'agissant de la jurisprudence ; c'est le défaut de
publication (presque général) qui constitue un obstacle de
construction d'une jurisprudence africaine fiable en tant que source de
droit.
Parmi tant d'actes organisés par l'OHADA, notre
étude portera sur l'Acte Uniforme portant procédure
simplifiée de recouvrement et voies d'exécution, adopté le
10 avril 1998. Cet Acte Uniforme a une portée qui dépasse les
limites du seul droit des affaires, en ce qu'il effectue une reforme
générale de la procédure civile relative au recouvrement
et aux voies d'exécution ayant un large impact sur les procédures
judiciaires en Afrique. Cette reforme était indispensable car, parmi les
16 Etats membres de l'organisation, seuls le MALI et le TOGO (uniquement pour
les procédures de recouvrement) avaient mis en place un système
moderne adapté aux conditions sociales et culturelles.
Le MALI avec le décret n°94-226 du 28 juin
1994, était presque dans le même ensemble d'idée qu'avec le
système français et le nouveau modèle que les
rédacteurs de l'AUPSRVE ont mis en place en 1998.
Dans les autres pays, la législation existante datait, au
mieux des années 1970, si non de l'époque coloniale. La nouvelle
législation devrait, dans une certaine mesure, rassurer les
investisseurs et les prêteurs qui ont désormais à leur
disposition des procédures qui leur permettront, le cas
échéant de recouvrer leurs créances et donne une
protection aux parties sur le plan social.
Voilà autant de motivations qui ont poussé les
rédacteurs de l'OHADA vers un droit adapté « source de
sécurité ».
Les ambitions sont grandes de voir réussir
l'intégration juridique, source de sécurité. Il reviendra
surtout aux opérateurs économiques et accessoirement aux
professionnels du droit, de s'approprier la création d'un droit
spécifique OHADA. A ce titre, il faudra sans doute résister
à la tentation de l'analogie avec la loi française du 24 juillet
1966. Les distances prises par rapport à ce texte donneront
nécessairement lieu à des solutions différentes.
En somme, la philosophie, les fondements
économiques et juridiques de l'adoption de l'OHADA, qui est conforme
à nos conditions économiques et sociales nouvelles d'où
porte le thème, l'objet de notre étude. A savoir, si les
procédures simplifiées de recouvrement et voies
d'exécution répondent aux conditions économiques et
sociales nouvelles.
Ainsi, les procédures simplifiées de recouvrement
des créances sont définies par ANNE-MARIE H ;
ASSI-ESSO, NDIAW DIOUF(1) par ces
termes : les procédures simplifiées de recouvrement de
créance sont des voies par les quelles un créancier peut
rapidement obtenir un titre exécutoire, c'est-à-dire une
décision judiciaire de condamnation de son débiteur au paiement
de la créance ;
quant aux voies d'exécution, elles sont de
véritables procédures par les quelles un créancier
impayé saisit les biens de son débiteur afin de les faire vendre
et se payer sur le prix de vente ou de se faire attribuer les dits biens. Les
voies d'exécution constituent, par conséquent, des
procédés d'exécution forcée portant sur les biens
du débiteur saisi.
Ces définitions, résultent de tout
intérêt du sujet, car les relations entre commerçants sont
basées sur la confiance et le crédit. Un commençant est
toujours pratiquement créancier et débiteur.
Le crédit est l'essence du commerce. Le respect des
échéances est la règle qui permet le bon fonctionnement
des échanges, chacun étant créancier des uns et
débiteur des autres. De telle sorte qu'une défaillance dans la
chaîne peut entrainer un effet d'entrainement.
Il est donc important pour le créancier et pour le
débiteur de connaître et pourvoir utiliser des voies de droit qui
lui permettent de recouvrer rapidement une créance et les divers
procédés par les quels il peut, soit préserver ses droits,
soit amener le débiteur volontairement ou involontairement à
l'exécuter.
En définitif, le recouvrement des
créances joue un rôle énorme dans le monde des affaires.
C'est ainsi que les Etats unis d'Amérique et moult pays puissants
économiquement en Europe ont connus des problèmes financiers et
qui demeurent jusqu'à l'heure. Cette crise financière a
entrainé pas mal de récessions un peu partout dans le monde. Ce
qui fait que ladite matière ne doit être négligée.
Pour mieux alimenter l'importance de cet Acte, nous posons
la question comme suit : compte tenu des évolutions
économiques et sociales nouvelles, peut-on considérer l'adoption
de l'Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement
et voies d'exécution comme un droit adapté à l'heure
contemporaine ?
Ce serait alors une véritable technique
d'évacuation des différends, de l'actuel système judicaire
vers un pouvoir autonome, présumé dégager des facteurs
d'insécurité judiciaire.
Pour mieux répondre au sujet et mieux le cerner, nous
envisagerons d'abord les procédures simplifiées de recouvrement
de créances : un prélude des voies d'exécution
(PARTIE I) ; avant de mettre ensuite en oeuvre les
procédures adéquates d'exécution forcée en cas de
défaillance (PARTIE II).
|