la souveraineté des Etats en droit international public à l'orée de ce troisième millénaire( Télécharger le fichier original )par Christian TSHIBANDA MULUNDA Université de Kinshasa RDC - Licence en droit 2008 |
II. DEFINITION DES CONCEPTESPeu commode nous semblera d'aborder le fond du sujet sans pour autant en donner la compréhension des mots clefs qui en constituent l'ossature. Ainsi dans ce sujet, la souveraineté des Etats en droit international public, les mots qui appellent leur définition propre sont souveraineté, Etat et droit international public. A. Souveraineté Cette notion peut être appréhendée au point de vue du droit interne33(*)tout à celui du droit international. C'est plutôt sa compréhension au point de vue du droit international qui nous intéresse. Il n'est pas non plus question de ressortir la compréhension approfondie des dérivés34(*) de la notion de souveraineté, mais plutôt de définir la souveraineté selon son contenu dont le fondement se trouve être l'article 2 § 1 et 7 de la Charte des Nations unies.35(*) Pour ce qui est de la législation internationale, nombre de textes et les plus importants habilités à régler la matière se limitent à l'énoncé de la notion de souveraineté sans en donner l'appréhension que se font les Etats auteurs desdits textes. De ce fait, nous estimons que la place de choix soit réservée à la doctrine et la jurisprudence. Mais nous pouvons lire : « L'organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses membres » 36(*) ; « Les objectifs de l'Union sont les suivants : [...] b. défendre la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance de ses Etats membres ;... »37(*) « L'Union africaine fonctionne conformément aux principes suivants :
« Par le présent traité, les hautes parties contractantes s'engagent à respecter les principes du droit international qui régissent les relations entre les Etats, notamment les principes de souveraineté, d'égalité et d'indépendance de tous les Etats,... »39(*) Force est de constater le caractère redondant de la démarche légistique de ces textes, car parler politiquement de l'indépendance revient à dire juridiquement souveraineté et que cette dernière implique la notion d'égalité entre les Etats et est le contenant de l'intégrité territoriale. Quant à la doctrine, moult sont les auteurs qui abordent la question dans le même sens. Mais à ce que l'on sache il n'est pas toujours aisé de définir la notion de souveraineté. Salmon par exemple trouve mal aisé de définir la notion. Ainsi, il donne 3 définitions de la notion de souveraineté40(*) : ~ la souveraineté est le caractère de l'Etat signifiant qu'il n'est soumis à aucun autre pouvoir de même nature. ~ la souveraineté est l'aptitude légale de l'Etat, pleine et entière, qui lui permet, du moins potentiellement, d'exercer tous les droits que l'ordre juridique international connaît et en particulier la faculté de décider, d'accomplir un acte, de poser des règles. ~ la souveraineté est l'exercice du pouvoir pour l'Etat de décider lui - même des limitations à ses pouvoirs sans ingérence étrangère. Combacau et Sur, quant à eux, disent affirmer d'un Etat qu'il est souverain signifie qu'on ne trouve au dessus de lui aucune autorité dotée à son égard d'une puissance légale : la souveraineté internationale se définit négativement comme la non soumission à une autorité supérieure, le fait de n'être le sujet (au sens d'assujetti) d'aucun sujet (au sens de personne juridique)41(*) Gérard Cornu, dans son ouvrage « Vocabulaire juridique », aborde dans le même sens que Jean Salmon dans la première appréhension ci haut donnée de la notion de souveraineté. Quant à Dénis ALLAND et Stéphane RIALS, ces 2 auteurs critiquent préalablement cette notion de complexe et polysémique avant de proposer une définition en ces termes : » La souveraineté est une qualité constitutive de l'étaticité de l'Etat, lui - même défini par différence avec les organisations infra - étatiques qu'il subjugue, comme avec les organisations supra étatiques qu'ils ignore.42(*) B. Etat Le concept Etat tire son étymologie du latin « status » qui veut dire littéralement « être débout », et littérairement, il énonce une idée d'une situation stable. Qu'il s'agisse des internationalistes ou encore des constitutionalistes, tous définissent l'Etat par rapport aux éléments qui en constituent son essence. Ainsi, les définitions que nous accouchons ne seront tributaires de quelque forme43(*) que peut prendre un Etat, mais plutôt des définitions d'un Etat en général quelle que soit sa forme. Pour ainsi arriver à une définition de l'Etat, le professeur MPONGO BOKAKO estime impérieux et préalable de définir les éléments constitutifs de l'Etat et de poser un critère précis pouvant permettre de distinguer l'Etat des autres collectivités territoriales. Il définit juridiquement l'Etat comme étant "une personne morale collective souveraine et soumise au droit q'elle crée"44(*) Gérard Cornu définit l'Etat comme une entité juridique formée de la réunion de trois éléments constitutifs (population, territoire, autorité politique) et à laquelle est reconnue la qualité de sujet de droit international45(*) Il propose une autre définition : « groupement d'individus fixé sur un territoire déterminé et soumis à l'autorité d'un même gouvernement qui exerce ses compétences en toute indépendance en étant soumis directement au droit international »46(*) Quant à Salmon Jean, l'Etat est un terme désignant, du point de vue du droit international, un groupement humain établi de manière permanente sur un territoire, ayant une organisation politique et relevant directement du droit international47(*) C'est d'ailleurs ce qui ressort de la jurisprudence internationale : « l'Etat est communément défini comme une collectivité qui se compose d'un territoire et d'une population soumis à un pouvoir politique organisé »... »et se caractérise par la souveraineté »48(*) Outre les éléments juridiques, cette définition introduit des éléments socio - politiques : pouvoir politique organisé par lui - même. Toutes ces définitions, comme susdit, ont l'avantage de souligner les éléments constitutifs de l'Etat tels qu'ils apparaissent à l'article 1er de la convention de Montevideo du 26 décembre 1933 sur les droits et devoirs des Etats. Elles présentent le mérite d'être par nous toutes retenues. C. Droit international public Nombreux sont les auteurs qui parlent du droit international faisant allusion au droit international public. Définir séparément les termes entrant e lice de la composition de la notion du droit international public nous mène sur une pente glissante si bien que la dérive soit certaine et que surtout il soit toujours mal aisé de définir avec précision une notion juridique. Néanmoins nous proposons certaines définitions tirées des auteurs. Même démarche que la notion de souveraineté, la définition de la notion du droit international49(*)est une tâche essentiellement laissée à la jurisprudence et à la doctrine. Ainsi donc, Félix De La FUENTE, dans son dictionnaire juridique de l'Union européenne, éprouve une difficulté de pouvoir définir la notion de droit international. Il se borne plutôt à procéder à la distinction entre le droit international et le droit de l'Union - organisation internationale Union européenne. En effet, le droit de l'Union est distinct du DIP. Le DI est fondé en principe sur l'idée de coopération, a sa source dans les accords ou traités internationaux, ne crée que des obligations de réciprocité entre les Etats parties à l'accord ou au traité. Le droit de l'Union (droit communautaire) est fondé sur l'idée d'intégration ; même s'il a sa source dans les traités qui sont des traités internationaux, il s'est développé grâce aux compétences normatives des institutions communautaires ; il oblige non seulement les Etats membres, mais également les citoyens de la communauté.50(*) Pour Combacau et Sur, le droit international public est le droit produit par le concours de deux ou plusieurs Etats.51(*) Jean Salmon lie la définition du droit international à divers critères selon que l'en abonde la doctrine 52(*) : selon les sujets régis, le DIP est l'ensemble des règles juridiques qui président à la conduite des sujets du droit international. selon les relations régies, il est l'ensemble des règles juridiques qui régissent les relations internationales. selon l'origine des normes, c'est l'ensemble des normes qui ont pour origine les accords entre Etats ou qui émanent d'entités auxquelles les Etats ont accordé ou reconnu le pouvoir de créer des normes internationales. Sayeman BULA - BULA propose une définition inclusive des précédentes : « le droit international constitue l'ensemble de règles obligatoires, écrites, qui gouvernent essentiellement les relations entre les Etats et les entités reconnues par ces derniers. »53(*) La jurisprudence internationale ne s'est pas tue à cet effet. La CPJI a déclaré que le droit international est ce droit qui régit les relations entre Etats souverains. Les règles lient les Etats qui souscrivent librement à leurs engagements soit par voie de conventions, soit par voie des usages acceptés par eux.54(*) La compréhension du sujet ainsi cernée, cherchons à découvrir les motifs, mieux les raisons qui nous ont poussé au choix de ce sujet qui présente d'ailleurs un caractère peu complexe, sans en avoir la prétention de la maîtriser, et qui a déjà fait l'objet de plusieurs analyses. * 33 La souveraineté est définie comme la puissance suprême (suprema potestas) de gouverner de commander et de décider et qui, liée à l'apparition de l'Etat moderne, est indépendante de celui-ci. V. JEAN SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 1045. Jean Combacau et Serge Sur la définissent comme le plus grand degré possible de suprématie de son titulaire sur ceux qui lui sont soumis. V. COMBACAU et SUR, Droit international public, 4ème éd., 1999, p. 227. Le professeur MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA propose plusieurs définitions selon qu'il appréhende la notion selon sa conception politique ou encore juridique ; mais la plus explicite est celle qui définit la souveraineté interne comme une supériorité absolue au dedans ; ce qui implique la volonté de l'Etat à l'intérieur de son territoire non seulement aux individus, mais à tous les groupements publics ou privés. V. MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E., Institutions politiques et droit constitutionnel, EUA, Kinshasa, 2001, p. 52 * 34 Salmon Jean fait ressortir tous ces dérivés : 1° souveraineté extérieure qui est synonyme d'indépendance. Pour Charles Rousseau, indépendance veut dire absence de dépendance ou de subordination politique. Il précise en disant que si l'on veut essayer de dégager une notion précise, il semble qu'on puisse s'arrêter à dire que l'indépendance implique à la fois l'exclusivité, l'autonomie et la plénitude de la compétence. V. ROUSSEAU, C., Droit international public, 10ème éd., Dalloz, Paris, 1984, p. 99. 2° Souveraineté permanente sur les ressources naturelles. Salmon Jean précise que ce dérivé est dû à l'initiative de pays en voie de développement selon lequel chaque Etat décide du sort de ses ressources naturelles ainsi que des activités économiques y relatives. V. SALMON, J., Op. Cit., p. 1046. 3° Souveraineté personnelle qui est synonyme de la compétence personnelle. Bula-Bula dit que cette forme de compétence est exercée par l'Etat à l'égard des individus qui lui sont attachés par le lien juridique de nationalité. V. BULA-BULA, S., Droit international public, Cours polycopié, 3ème graduat, Fac droit, UNIKIN, Kinshasa, 2005-2006, p. 176. 4° souveraineté territorial qui est ce pouvoir exclusif que l'Etat exerce en principe sur tout être ou situation juridique relevant de son titre territorial, et qui est à distinguer des compétences que l'Eta peut exercer ou ne pas exercer sur d'autres espaces. V. SALMON, J., Op. Cit., p. 1046 * 35 Au-delà de la Charte des Nations Unies, les textes internes ont souvent énoncé le principe de souveraineté. Que nous réserve, en effet, le droit positif congolais en ce qui concerne la définition de la souveraineté au sens du droit international ? En effet, le chapitre premier relatif à l'Etat et à la souveraineté du titre 1er de la constitution du 18 février 2006 en sa section 1ère proclame en son article 1er : « La République Démocratique du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc ». Cet article ne donne pas la compréhension de la notion de souveraineté, il se limite seulement à attribuer le caractère d'indépendant et de souverain à l'Etat congolais. Ce qui d'ailleurs relève de la pure redondance car indépendance et souveraineté, comme l'affirment les auteurs, ont actuellement une signification identique. L'article 5 de la section 2 relative à la souveraineté proclame quant lui : » La souveraineté nationale appartient au peuple » Plus loin l'article 9 de la même constitution proclame : «L'Etat exerce une souveraineté permanent sur le sol, sous-sol, les eaux et les forêts, sur les espaces aérien, fluvial, lacustre et maritime congolais ainsi que sur la mer territoriale congolaise et sur le plateau continental ». Par cet article le législateur congolais, le constituant, n'a pas défini la souveraineté selon nos attentes, mais a plutôt cerné la notion de souveraineté territoriale. Ce n'est pas l'article 217 qui nous satisfera. Le constituant originaire congolais n'a pas satisfait nos efforts d'une recherche de la notion de souveraineté selon que son contenu trouve son fondement dans l'article 2 § 1 et 7 de la Charte des Nations Unies. Tournons-nous alors vers la doctrine et la jurisprudence en passant par la législation internationale. * 36 Art. 2 § 1 de la Charte des Nations Unies de San Francisco du 26 juin 1945 * 37 Art. 3 § b de l'Acte constitutif de l'Union africaine du 11 juillet 2000 * 38 Art. 4 § a de l'Acte constitutif de l'Union africaine du 11 juillet 2000 * 39 Art. 3 du traité instituant la communauté économique des Etats de l'Afrique centrale in J.O.Z, numéro spécial, 1984, p. 8 * 40 SALMON, J., Op. Cit., p. 1045 - 1046. * 41 COMBACAU et SUR, Op. Cit., p. 227 * 42 ALLAND, D. et RIALS, S., Dictionnaire de la culture juridique, PUF, Paris, 2003, p. 1434 * 43 Lire à cet effet le cours de droit constitutionnel et sur les notions de l'Etat totalitaire, Etat libéral ou techno démocratique, Etat unitaire, Union personnelle, Union réelle, Etat fédéral, Confédération d'Etats et Association d'Etats de MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E., Op. Cit. * 44 MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E., Op. Cit., p. 55 * 45 GERARD CORNU, Vocabulaire juridique, 6ème éd., PUF, Paris, 2004, p. 369 * 46 Idem. * 47 SALMON, J., Op. Cit., p. 454 * 48 Commission arbitrale yougoslave, avis n° 1, 29 novembre 1991, RGDIP, 1992,p. 264 * 49 L'art. 38 du statut de la CIJ se limite à identifier le contenu du DIP sans le définir : conventions internationales, coutumes internationale, principes généraux de droit, la doctrine et l'équité. * 50 De La FUENTE, F., Dictionnaire juridique de l'Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 207 * 51COMBACAU et SUR, Op. Cit., p. 15 * 52 SALMON, J., Op. Cit., p. 387 * 53 BULA - BULA, S., Droit international public, Cours polycopié, 3ème graduat, Fac Droit, UNIKIN, Kinshasa, 2005 - 2006, p. 14 * 54 CPJI, Affaire du Lotus, arrêt du 07 septembre 1927, in RJDI, série A, n° 10, p. 18 |
|