I.3.2. Démarche : Une approche par l'espace
Afin d'appréhender les différentes
stratégies d'organisation de l'espace, nous avons
privilégié une approche que nous intitulons : l'approche par
l'espace.
Une lecture de l'espace nous permet d'appréhender
à travers différentes entrées, les stratégies
d'occupation, d'organisation et de gestion de l'espace des communautés
pastorales dans la commune de Tesker. Nous avons déterminé pour
cela trois entrées principales : l'historique du peuplement, la
mobilité pastorale et les conflits.
Dans le but d'identifier les groupes stratégiques en
présence, leurs logiques par rapport à l'exploitation et la
gestion des ressources et afin de cerner a priori les enjeux, cette approche
nous semble la plus pertinente. L'espace pastoral est en effet composé
de divers territoires ouverts (il n'y a un refus formel de partage des
ressources) sur lesquels vivent diverses communautés.
L'espace et le territoire ne sont pas des termes équivalents et leur
utilisation non- différenciée introduit souvent des
confusions.
Pour Raffestin (1980, cité par PEREZ CENTRO MJ, 2001),
l'espace est en position d'antériorité par rapport au territoire.
Le territoire est généré ou construit à partir de
l'espace. Pour lui, l'espace est en quelque sorte « donné » en
tant que matière première préexistante à toute
action. Il y a dans le territoire une appropriation de l'espace, qu'elle soit
matérielle ou qu'elle soit idéelle sous forme de
représentation, « l'espace est le point d'application d'un milieu
social et des pratiques historiquement imposées par ce milieu social. Le
résultat de ce processus n'est pas un espace mais un territoire ».
Or dans le processus de production territoriale, chaque société,
chaque système productif construit et entretient une combinaison entre
la maille, les noeuds et les réseaux dans le sens donné par
Raffestin (1980).
Notre démarche repose sur le constat que la
structuration d'un espace et sa distribution foncière entre les membres
d'une communauté résulte de l'organisation de la
société et de son histoire. Il existe alors au sein de chaque
communauté, une réalité sociale et historique qui
définit les règles d'usage et d'accès aux ressources.
Cette réalité peut ainsi être
perçue à travers la lecture des conflits. L'étude des
litiges récents et passés permet de comprendre
l'effectivité et l'évolution des règles d'usage et
d'accès aux ressources. Ils sont souvent des indicateurs
privilégiés du fonctionnement des sociétés. Ils
permettent de dépasser la façade consensuelle que les acteurs
proposent aux enquêteurs. Analyser un conflit est une autre façon
de dessiner le réel et d'appréhender les différents jeux
d'alliance comme clivage qui régissent la société. En plus
des conflits, les compromis sont primordiaux car ils entraînent souvent
de grandes évolutions dans la gestion des ressources.
Cette approche va nous permettre de mettre en évidence
les relations concrètes entre les acteurs autour de la gestion des
ressources, c'est-à-dire comprendre qui gère réellement
l'accès et l'utilisation des ressources.
L'histoire locale (l'histoire de peuplement et de l'occupation
de l'espace) va nous permettre quant à elle de reconstituer les
trames territoriales. « L'histoire est un enjeu
stratégique, car elle légitime les
revendications, par le biais de l'antériorité »
(Lavigne-Delville et al, 2001). Reconstituer l'histoire permet d'identifier les
détenteurs de maîtrise territoriale, les liens et les
dépendances ou autonomie avec les communautés voisines.
La mobilité pastorale permet de rendre compte des
logiques parfois complexes prises par les pasteurs pour déterminer leurs
stratégies d'occupation de l'espace au cours des saisons. Cette logique
dépend, notamment de la recherche d'équilibre entre l'homme-
l'animal et l'environnement indispensable à la viabilité de tout
système pastoral.
En effet, l'un des traits les plus frappants de la vie
pastorale réside, dans la multitude de décisions à prendre
au cours d'une journée qui directement ou indirectement, engagent la
survie du troupeau donc celle du groupe humain qui en vit. Ce processus
dépendant, indéniablement, de la disponibilité et de
l'accessibilité aux ressources naturelles. Au bout du compte, le
processus de prise de décisions quel qu'il soit, s'appuie sur un
ensemble de considérations écologiques (les espèces
appétées), mais aussi économiques, sociales, voire
politique. L'efficacité pastorale repose, ainsi, sur un ensemble de
stratégies de base dont le pastoralisme tire toute son
originalité. Nous tenterons ainsi de traiter de l'ensemble de ces
considérations.
I.3.2.1. Les limites de l'étude
Les contraintes rencontrées lors de notre étude
sont surtout de l'ordre de la mobilité du à l'isolement de notre
zone nous obligeant à effectuer nos déplacements à dos de
dromadaire. Ce moyen de locomotion plus qu'original demande de nombreuses
heures de transport par jour pour joindre deux campements « voisins
». Ce type de déplacement nous a permis de nous confondre plus
facilement à la population et à gagner plus leur confiance.
Les conflits existants dans la zone, notamment le conflit qui
oppose les touaregs Malouma au Toubou Teda, nous ont de même contraint
à limiter notre terrain de recherche. En effet, la présence de
nos traducteurs et de nos chameaux identifiables à travers leurs
marques, ne nous permettaient pas de dépasser cette limite imaginaire
mais bien présente qui existe entre ces deux communautés. Nous
sommes de ce fait contraint à limiter nos questionnaires aux touaregs de
passage au chef lieu du poste
administratif. A cela, s'est ajouté le problème de
la langue qui parfois, nous a poussé à revenir sans cesse sur
certaines questions.
Pour finir, notre zone d'étude n'étant que peu
touché par des programmes de développement ou des actions de
l'Etat, nous ne disposions que de peu d'informations documentaires sur la zone,
notamment en terme de représentation cartographique. Les Toubous sont,
de plus, par apport à l'engouement que connaissent les Touaregs et les
Peuls pour ne citer qu'eux, une communauté restant aujourd'hui encore
méconnue au Niger.
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