Conclusion :
Les rapports sociaux (les alliances) sont très
importants dans la conduite de l'activité pastorale. Le choix du lieu de
pâturage se fait non seulement en fonction de la disponibilité des
ressources fourragères mais aussi des alliances qui existent entre les
transhumants et la population d'accueil. La transhumance des Teda pendant la
saison des pluies est orientée vers les puits Peuls et Azza avec
lesquels il entretiennent de bon rapport de réciprocité. Ces
derniers à leur tour vont vers les puits Teda pour le
pâturage de la saison sèche et froide. Les
alliances commandent en grande partie la mobilité pastorale dans notre
zone d'étude. Parcontre le conflit constitue un frein à la
mobilité des hommes et des animaux entre deux espaces de deux
communautés en conflit.
II.4.2. Les conflits
Il existe une diversité de conflits dans notre zone
d'étude. Chaque communauté possède son propre espace dont
le puits constitue la marque territoriale et tous ces espaces sont
imbriqués les uns dans les autres. L'accès aux ressources
fourragères est libre d'une communauté à une autre, mais
l'utilisation d'un point d'eau nécessite toujours l'accord de la
communauté propriétaire. Cet accord n'est
généralement pas refusé. L'espace pastoral est ainsi
ouvert. Pourtant, le conflit constitue une barrière entre deux espaces
de deux communautés en désaccord. C'est sous cet angle que le
conflit sera traité. Nous avons distingué trois types de conflit
selon leurs causes.
.T.4 .2 .1 . Typologie des conflits
Nous avons distingué trois types de conflit selon leurs
causes.
ü les conflits sociaux
Ce type de conflit est très fréquent dans la
communauté Toubou Teda. Il intervient suite à une
incompréhension à partir le plus souvent d'une histoire banale
suite à des causeries. L'incompréhension commence entre deux
personnes et progressivement, peut concerner deux ou plusieurs familles au sein
de la communauté. Si cette situation n'est pas résolue à
temps, elle peut dégénérer jusqu'à des blessures
à l'arme blanche et parfois même jusqu'à mort d'homme. La
conséquence de ce conflit peut être à la base du
départ d'une famille d'un campement et/ou d'une vengeance future. La
rapidité d'évolution de ce type de conflit, explique en partie la
dispersion des habitats dans les campements Teda.
ü Le conflit autour des points d'eau (puits de saison
sèche)
Pendant la saison sèche la pression sur les puits est
grande. Les hommes et les animaux sont constamment autour du puits pour
l'abreuvement. Le puits et ses équipements (poulies, abreuvoirs) sont le
plus souvent en inadéquation avec le nombre de têtes de
bétail à abreuver. Chaque berger a tendance à vouloir
servir ses
bêtes en premier. Cette situation entraîne souvent
le « désordre » et l'énervement des bergers, propice
à tout début de conflit. Les disputes peuvent être
particulièrement violentes. Dans certains campements (comme à
Sidinga), pour faire face à ces débordements plus que
fréquents, le chef du campement et le comité des sages ont
menacé d'interdire l'accès au puits à tous fauteurs des
troubles. En effet un tel conflit représente une menace pour la
cohésion sociale indispensable au bon fonctionnement du campement.
v' Le conflit lié au vol de bétail
Ce type de conflit est le plus fréquent dans notre zone
d'étude. Il concerne d'un part les vols inter- communautaires et d'autre
part les vols extra- communautaires.
Le vol de bétail au sein de la communauté Teda
est essentiellement l'oeuvre des jeunes âgés de 17 à 30
ans. Cependant ces vols restent les moins fréquents puisqu'ils sont
punis par une loi traditionnelle sévère (Cf.
Règlement).
Les Teda, les Dazza et les Touareg se volent mutuellement
entre eux. Les communautés Dazza et Touareg sont indexés par les
Teda comme étant les principaux voleurs de leur bétail. Le vol
d'un dromadaire s'accompagne toujours d'une poursuite pour
récupérer l'animal. Cela entraîne souvent un rude combat
qui peut se solder par mort d'hommes. La mort d'un homme suite à un vol
est toujours suivit d'un « cri de vengeance » de la famille ayant
perdu un membre. De vengeance en vengeance le conflit peut prendre la forme
d'un conflit inter communautaire.
D'après nos enquêtes, dans les années
1974, les vols continuels des dromadaires Teda menés par les Dazza,
entraînèrent mécontentement et agacement. Cette situation,
amena le chef des tribus Teda, Ordi, à se rendre chez le chef des tribus
Dazza pour trouver un terrain d'entente. Constatant la passivité du chef
Dazza, les Teda entreprirent de régler cette histoire par
eux-mêmes. Ils dénoncèrent certains voleurs Dazza à
l'Etat et dans certains cas les poursuivirent, les battirent et
récupérer les animaux volés. Les Dazza ont ainsi vu leur
espace se limiter là où commence le « monde» Teda.
Actuellement les Dazza limitent leur déplacement aux zones sud de Tesker
et ne peuvent plus se rendre au nord pour la transhumance de saison froide.
Ce type de conflit le plus récent est celui qui a
opposé les Teda aux Touareg Bouzou du clan Malouma en 1981. Tout a
commencé avec le meurtre de Trois Teda venus du
marché de Kazoé par des Bouzous. Les Teda
répliquèrent en 1983, en tuant à leur tour, trois Bouzous
au lieu de pâturage de saison froide. En 1984, l'Etat, dans l'optique de
résoudre ce conflit est intervenu auprès des deux
communautés, pour favoriser un accord de paix. De 1984 à 1999 le
calme semble ainsi revenu. Cependant, en 2000, un Teda parti à la
recherche de ses chameaux perdus, fut tué et brûlé par des
Bouzous. En 2001, les Teda choqués, vengèrent la mort de ce
dernier en tuant à leur tour, un Bouzou. En 2003, Deux Teda constatant
ce conflit renaissant, allèrent rechercher leurs animaux en confiage
auprès de la communauté Bouzou. Au retour, ils furent tués
par les Malouma, qui emportèrent les 70 dromadaires. Le conflit s'est
ainsi généralisé et les autorités communales
(Tesker) et régionales (Zinder), sont intervenues pour
réconcilier les deux communautés, mais encore une fois sans
succès. En effet, les parents des victimes jurèrent vengeance.
L'un des pères de la victime mena une attaque qui se solda par la mort
de sept Malouma. Pour freiner le désire de vengeance du père de
la seconde victime, l'Etat intervient en créant un forum en 2004 qui se
suit actuellement par une mission au Tchad pour faire revenir le père de
la victime afin de signer un accord définitif de paix le 15 août
2005.
Cette situation de méfiance entre les Teda et les
Touareg a eu pour conséquence de limiter les deux espaces, les Teda
disent ainsi : « si un dromadaire Teda va à l'ouest (emplacement
des Touareg par apport à leur localisation), alors il est perdu à
jamais ». Selon les Teda leur espace se limite à l'ouest, là
où commence celui des Touareg Malouma et au sud là où
commence l'espace Dazza (méfiance à cause des vols). Par contre
dans les autres directions l'espace Teda reste ouvert de part l'alliance qui
les unis avec les communautés Arabes, Azza et Peul.
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