II.4. Les rapports sociaux
Il s'agit ici de mettre en évidence les liens sociaux
d'une part entre la communauté Teda et les autres communautés,
notamment les Arabes, les Peuls, les Touaregs, les Dazza et les Azza et d'autre
part la typologie des conflits intra et inter-communautaire ainsi que leurs
modes de règlement.
II.4.1. Les alliances entre les Toubou Teda et les autres
communautés
Les Arabes et les Teda entretiennent de bons rapports de
voisinage. Les deux espaces Arabes et Teda sont ouverts. Il existe un lien de
mariage entre les deux communautés, principalement, avec les Arabes
Chouwa. Les Teda et les Arabes partagent les mêmes lieux de
pâturage et cohabitent ensemble lors de toutes les mobilités
liées au pâturage. Les deux communautés entretiennent un
rapport de réciprocité lié au point d'eau (puits). Ils se
rendent visite et participent à toutes les cérémonies
(baptêmes, mariage,
décès). En cas de perte d'un animal, sa
sécurité est assurée dans les deux espaces par le lien de
confiance qui unit les deux communautés, l'animal est ainsi rendu
à son propriétaire.
Il n'existe pas de lien de mariage entre les Peul et les Teda
mais une amitié séculaire et une confiance réciproque
unissent les deux communautés. A titre illustratif la majorité
des puits Teda leur ont été donnés par des peuls
présents dans la zone dans le passé, comme c'est le cas pour les
puits de Sidinga, Baouranga, Dawanga, Rigia Djougounou, Dibidé, kenkedi,
Rigia Dourtchouwa ... Lors de la transhumance, les Peuls et les Teda partagent
la même aire de pâturage. Pendant la saison des pluies, les puits
peuls constituent les zones de repli des transhumants Teda, comme par exemple
les puits de Karragou, Indouna ... Les peuls procèdent aussi à
l'emprunt de la marque des dromadaires Teda, ceci constitue une sorte de
contrat de sécurité et aussi une marque de fraternité et
de soutien. Il n'y a pas de vol de bétail entre les deux
communautés. Connaisseurs de la nature, les peuls sont aussi
sollicités par les Teda pour le fonçage des puits. L'alliance
entre les peuls et les Teda date de longtemps. De toutes les alliances
qu'entretiennent les Toubou Teda avec les autres communautés, celle
d'avec les peuls est privilégiée.
Les Azza sont considérés comme étant
« la sous classe » au sein des Toubou en général. Ils
sont les vassaux des Teda et plus particulièrement des Dazza. Les Teda
entretiennent des bons rapports avec eux liés au partage des ressources
pastorales. Les puits Azza situés au sud constituent les zones d'accueil
des transhumants Teda pour le pâturage de saison des pluies. Il s'agit de
Dahoubelli, Kitékité, Tilotilo, Bouloum, Rouanga, Worrou, Worrey,
Tchapti, Anchatchou... Lors de la transhumance les Teda abreuvent souvent leurs
animaux au niveau de ces puits. Certains Azza empruntent les marques des
dromadaires Teda. Ce qui implique une relation privilégiée avec
le propriétaire de la marque. Les Teda font appel aux Azza pour les
travaux de fonçage de puits, de la forge et de l'artisanat. Les Azza
sont les plus instruits de l'ensemble de la communauté Toubou. Pour
cette raison les marabouts sont couramment consultés par les Teda pour
résoudre différents problèmes. Ils approvisionnent
régulièrement les Teda en natron (complément en sels
minéraux du bétail).
Les Dazza et les Teda entretiennent des relations de
méfiance de part les nombreux vols de dromadaires et conflits qui
émaillent leur histoire. Cette situation entraîne la
méfiance des Teda qui ne veulent en aucun cas partager les mêmes
aires de pâturage, cependant, ceci n'empêche aucunement toute
réciprocité entre eux. Le mariage est possible entre ces deux
communautés.
Actuellement il n'y a pas de relation d'échange entre
les Teda et les Touareg du clan Malouma, avec lesquels ils ont
été en conflits armés de 1981 jusqu'en 2002. Aujourd'hui
ce conflit n'est toujours pas réglé. Ces Touareg se localisent
à l'ouest des Teda dans l'arrondissement de Tanout. L'espace Teda se
trouve ainsi borné à la frontière de cette
communauté. Avec les autres clans Touareg la relation est similaire
à celle qu'entretiennent les Teda avec les Dazza (relation de
méfiance due au vol de bétail).
Les Toubous Teda sont constitués en trente trois clans
identifiables à travers les marques que portent les dromadaires. La
société Teda est très complexe. Au contraire de ce qui
s'observe dans toutes les autres sociétés pastorales voisines,
qu'il s'agisse des Touareg, des Peul ou des diverses tribus arabes, le mariage
chez les Toubou est rigoureusement interdit entre proches parents. Il est ainsi
interdit lorsqu'il y a 4 à 6 aïeuls en commun. La parenté
par les femmes compte autant que la parenté par les hommes. La
conséquence immédiate de cette règle est qu'il est
nécessaire de contracter chaque nouvelle alliance en dehors du cercle
des proches parents. Ceci contribue fortement au brassage de la population qui
caractérise le monde Toubou Teda. Les parents de chacun est
disséminés dans tous les campements, souvent très
éloignés les uns des autres. Cette règle de mariage fait
que les Teda sont une société unie et très solidaire. Ils
sont très mobiles dans leurs espaces tantôt pour des visites
d'amitié ou de fraternité, tantôt pour participer à
des cérémonies.
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