II.3.3. Réflexion sur les « concepts »
pastoraux
Le terme « concept », recoupant un processus
scientifique ayant un mode d'application universel (ex : territoire,
territorialité,...), nous semble peu approprié à nos
termes de réflexion. Nous préférons dans le cas
présent parler de dénomination pastorale. La dénomination
est spécifique à un lieu donné, voir à une
communauté bien déterminée. La conception du terroir
d'attache d'une communauté pastorale vivant dans une zone agro-pastorale
n'est pas la même que celle d'une communauté pastorale
située dans une zone strictement pastorale.
v' Espace pastoral :
« L'espace pastoral désigne l'entité
spatiale utilisée pour mener à bien l'activité pastorale
» (Gerard Ciparisse, 1999, p50). Chez les pasteurs Toubou Teda l'espace
pastoral désigne, le puits de saison sèche, les lieux de
pâturages de saison des pluies et de la période froide et aussi
les points d'eau partagés des zones de repli au sud et des zones de
transhumance de saison froide au nord. Le puits de saison sèche et ces
aires de pâturages sont reliés par le terrain de parcours. Le
terrain de parcours est défini comme étant l'itinéraire
qu'emprunte le berger pour se rendre à un lieu de pâturage
donné. La particularité de cet itinéraire est qu'il assure
le besoin alimentaire des bêtes durant le trajet.
Le recueil des textes du code rural (2004) définit le
terroir d'attache comme étant « l'unité territoriale
déterminée et reconnue par les coutumes et/ou les textes en
vigueur à l'intérieur de laquelle vivent habituellement pendant
la majeure partie de l'année des pasteurs, unité territoriale
à laquelle ils restent attachés lorsqu'ils se déplacent
que ce soit à l'occasion de la transhumance, du nomadisme ou des
migrations ».
Le terme « terroir » semble ici peu adapté au
contexte de la zone. En effet, le terroir est défini par un espace
caractérisé par des conditions agro métriques
spécifiques, il
correspond ainsi plus à une portion d'espace agricole
qu'à un espace à caractère pastoral. Un terroir est avant
tout une étendue de terre considérée du point de vue de
ses aptitudes agricoles qui lui viennent de ses qualités originelles ou
acquises par des aménagements humains (Larousse agricole, 1981).
Pour notre zone d'étude, nous privilégions la
dénomination puits d'attache parce que correspondant mieux à la
réalité du milieu. L'accès au puits répond à
l'usage prioritaire mais le pâturage est d'accès libre pour toutes
les communautés qui ont une alliance (ou une autorisation) avec la
communauté autochtone. Le contrôle de l'accès au puits
prend toute son importance pendant la saison sèche et chaude.
1' Puits d'attache ou « Damour » :
C'est le lieu où est fixé le campement de base
(permanent) et le puits de saison sèche (puits d'attache). C'est un
espace qui est circonscrit autour du puits d'abreuvement sur un rayon d'environ
10km. Les animaux pâturent dans cet espace en toute
sécurité (protection contre le vol) avec un aller-retour au puits
pour l'abreuvement. Les dromadaires passent en première position en
privilégiant les laitières et en suite les petits ruminants Le
puits d'attache comprend en plus des habitations et du puits l'aire de
pâturage qui le circonscrit. Cet espace est un espace sentimental pour la
population qui l'habite et qui plus a un lien de parenté avec le clan
dit « propriétaire ». Ce puits de saison sèche prend
toute son importance pendant la saison chaude et sèche. Quelque soit la
distance qui sépare l'animal de son puits, quand il a soif c'est
là qu'il vient pour s'abreuver « durant la saison chaude, l'animal
est toujours le médiateur de l'éleveurs dixit Hassan Kamil(
entretien 2005), un chameau appartenant à un habitant de Sidinga fut
vendu à un Teda habitant Bilma, arrivé à la palmerais, le
chameau déjouant l'attention de son nouveau maître reparti pour
son puits de saison sèche (El Barkama Abdoulaye, entretien 2005). C'est
ainsi que le chameau fut retrouvé au puits de Sidinga ». L'animal
reste attaché à son puits de saison sèche. Le
schéma ci-dessous illustre le puits d'attache.
Figure N°4 : Le puits d'attache
Va et vient des animaux pour l'abreuvement
Puits de saison sèche
Aire de pâturage circonscrite au puits de saison
sèche
Les tentes (habitations)
v' L'aire de pâturage de saison des pluies ou «
Dogo Gnélé » ou zone de repli : C'est le lieu où les
animaux pâturent pendant l'hivernage durant une période allant de
2 à 3 mois. Il est constitué du pâturage de parcours et du
pâturage au niveau des zones de replie. Cette aire de pâturage ne
connaît pas de limites. Par ailleurs, elle est susceptible d'être
changée d'une année à l'autre, au gré de la
répartition des pluies, qui commande la disponibilité et la
qualité des ressources fourragères. Ce parcours dépend
notamment du choix que fait le berger par rapport à la composition du
troupeau (en type et en nombre). Ces aires de pâturage sont
localisées plus au sud de notre zone d'étude. Ce Choix du sud
s'explique par la précocité des pluies du au balancement du Front
Intertropical (FIT). Cette zone est soumise notamment à des alliances
existantes entre la communauté mobile et la communauté
d'accueil.
v' L'aire de pâturage de saison sèche et froide ou
« Dogo Dosso » :
C'est le lieu de pâturage en saison sèche et
froide. Il se situe au nord (Termit nord ). Le choix est lié aux
présences des herbacées très appétées
(Moltkiopsis Ciliata, Cornulaca Monocantha, Sesamum
Alatum,...) par les dromadaires (octobre à février), qui
leur permet une alimentation suffisante et un besoin en eau limité. Les
bergers restent cinq à six mois dans cette aire.
1' Usage prioritaire
L'usage prioritaire n'existe pas en Tedaga (langue des Teda).
Les espaces aménagés par les pouvoirs (aires de
pâturage, fourrage, puits cimentés) dans une zone pastorale sont
entretenus par la communauté bénéficiaire. Ceci leur donne
un droit d'usage prioritaire, sans pour dire autant un droit d'appropriation au
sens strict. Ces ressources sont en effet, en théorie, susceptibles
d'être utilisées par tous les autres pasteurs.
Dans les zones strictement pastorales les aires de
pâturage sont d'accès théoriquement libre. Un conflit entre
deux communautés peut entraîner la non cohabitation
(privatisation) temporaire sur une même aire de pâturage. Les
points d'eau appropriés, c'est-à-dire les puits financés
par une communauté, sont à usage strictement prioritaire.
L'abreuvement au puits de Sidinga par une autre communauté (les
caravaniers, les peuls, les arabes et les Azza) nécessite une
autorisation préalable prise auprès des propriétaires
(chefs de campement et comité de sages). L'autorisation se traduit sous
forme d'alliance (bon voisinage, réciprocité,
affinité,...), tout en respectant le principe d'usage prioritaire pour
l'abreuvement qu'a la communauté autochtone (Cf Figure N°5
conditions d'accès au puits).
Figure N°5 : Les conditions
d'accès au puits
Bon voisinage
Réciprocité
Affinité
Parenté
Puits
Propriétaire
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