II.2.3. Les marques sur les dromadaires
Les marques portées par les dromadaires au niveau du
cou et de la tête (Cf photo N°4) représentent la signature du
propriétaire. Elles permettent d'identifier la provenance
(géographique) de l'animal. Au-delà de cette fonction
d'identification, les marques renseignent sur l'appartenance clanique du
propriétaire au sein de la communauté Toubou Teda. Ainsi, il
existe Trente trois clans qui composent la communauté Teda du Tchad au
Niger en passant par la Libye. Les animaux marqués sont essentiellement
des dromadaires, il arrive aussi que les petits ruminants soient marqués
à l'oreille gauche, en particulier les « meneurs » du
troupeau. A l'âge d'un an, les dromadaires sont marqués au niveau
du cou et de la tête. A l'origine, il existait 36 marques, trois d'entre
elles, ont ainsi disparu avec le manque de descendants masculins. Dans la
société Teda les femmes héritent la marque de leurs
parents mais ne la transmettent pas. Les trois clans « sans marque »
sont : Edimédé, Ezedéa, Zoya. Le jeune Teda maintient
comme marque principale celle de son père accompagné d'une partie
de la marque maternelle. Au cas où il existe plusieurs frères au
sein d'une famille, la marque est différenciée par des signes
propres à chacun le « Toumori ».
Lors de la vente d'un dromadaire marqué, il est
délivré un certificat de vente qui atteste que l'animal
n'appartient plus au propriétaire de la marque. Ce dernier a
l'obligation d'informer l'ensemble de sa communauté de cette
transaction, en donnant le détail sur l'animal vendu. Cette
communication doit être, de même, faite en cas de don, confiage,
Zakat4, troc d'animaux. Ces marques Teda font également
l'objet d'emprunt par les communautés Azza et peul.
4Prélèvement annuel proportionnel
à la richesse selon la loi islamique. La Zakat a lieu la veille de la
fête de Ramadan.
Photo N°4 : Exemple d'une marque Teda
Le propriétaire de ce dromadaire sur la photo est issu
d'un mariage entre une femme du clan Eniguidi représenté par les
deux traits en partant de la tête et d'un homme du clan Odouboya
symbolisé par les trois traits.
II.2.3.1. L'emprunt des marques
L'emprunt des marques chez les Azza répond à
plusieurs modalités. L'emprunt peut, en effet, dater des années
où les anciens vassaux Azza reprenaient les marques de leur «
maître » Teda. Dans d'autres cas, cet emprunt peut être
significatif d'une paix retrouvée entre les Azza et Teda. Suite à
l'assassinat d'un Azza par un Teda, il arrive fréquemment que la famille
Azza demande à porter la marque du clan Teda après
réconciliation. Dans certains cas l'emprunt fait suite à une
amitié sincère entre deux familles. Dans tous les cas il n'y a
pas de rémunération.
L'emprunt des marques Teda par les peuls se fait
généralement sous forme de contrat rémunéré
annuellement contre une chamelle de deux ans. Cependant, dans de nombreux cas,
cet emprunt peut se faire sans rémunération. Cet emprunt est
signe de lien étroit (amitié) entre les deux communautés.
Cette relation privilégiée, permet aux
Teda, lors de cérémonies (Tabaski,
baptême, circoncision,...), d'obtenir des petits ruminants. En
contrepartie, les peuls peuvent recevoir des dromadaires pour la monture, le
lait ou encore la Zakat.
L'emprunt de marque prend toute son importance en cas de vol
de dromadaire. Le propriétaire de la marque (Teda) part à la
poursuite du voleur dans l'optique de ramener l'animal. Le voleur est soumis au
jugement coutumier Teda portant sur le vol de dromadaire. Les
dédommagements sont reversés au propriétaire de la marque.
Quant à l'emprunteur de la marque, il obtient un dédommagement
symbolique pour la souffrance qu'a enduré son animal lors du vol et pour
rembourser son déplacement.
L'emprunt de la marque permet d'une part, de sécuriser
les animaux contre le vol et de renforcer les liens entres les
communautés concernées, d'autre part, cet emprunt permet aux Teda
d'étendre leur zone d'influence, « pour les Toubou les marques
ont surtout pour fonction de quadriller l'espace et d'en délimiter les
contours » (Clanet 1994, p.423 cité par BAROIN C., 1972).
L'influence des marques s'étend des régions de Zinder, Diffa,
Agadez jusqu'au Tchad, la Libye et le Soudan.
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