Conclusion :
L'histoire du peuplement explique en partie la
répartition spatiale actuelle de ces communautés dans la commune
rurale de Tesker. En considérant les Toubou (Teda, Dazza et Azza) d'une
manière générale, les Teda étant les derniers
à arriver occupent le nord de la commune parcontre les Dazza et les Azza
qui étaient les premiers arrivants occupent le sud. Les
communautés se superposent selon l'ordre d'arrivée. Certaines
alliances (bon voisinage, réciprocité) trouvent leur fondement
à travers cette histoire du peuplement, se traduisant par le partage des
ressources pastorales. C'est le cas des communautés Teda de Sidinga et
les Arabes de Kassatchia.
II.2.2. Historique de la chefferie Toubou Teda
L'origine Toubou est controversée, certaines sources
les rattachent au Yémen, d'autres à la corne de L'Afrique
(Ethiopie, Somalie, Kenya...) du fait des traits physiques et culturels
similaires. Selon Jean Chapelle (1982, p16) « Il serait dangereux pour
un profane de s'engager d'avantage sur un terrain aussi mouvant. Il suffira de
retenir que les Toubou appartiennent à une race homogène
provenant d'un lointain métissage de noirs et de blancs et
établie depuis longtemps dans son habitat actuel »
Tous les Teda se reconnaissent, une origine commune
Tchadienne, plus précisément, au Tibesti avec comme ville
principale, la ville de Zouar. Le terme Toubou signifie ainsi en Kanouri,
habitant du Tou, le Tou étant par excellence le massif du Tibesti.
Le Tibesti a joué un rôle très important
dans l'histoire de cette communauté. Il a été pour eux
à la fois un pôle d'attraction et de dispersion du premier
millénaire à nos jours.
Au XV éme siècle, à l'origine
de l'histoire de la chefferie (sultanat) Teda, il y avait deux frères
qui ont quitté la région du Damagaram (actuel Zinder) pour un
voyage en direction du nord-est. Arrivés à Agadem, ils
décidèrent de se séparer. Ainsi, l'un d'entre eux prit la
direction du Kanem (région du lac Tchad) et l'autre continua son chemin
jusqu'au Tibesti précisément à Zouar. Une fois
arrivé, il s'installa à la périphérie où
vivait déjà le clan Teda Touzba. Le jeune voyageur fut bien
accueilli par ces derniers. Dans les causeries, le chef de famille Touzba lui
demanda d'où il venait alors il répondit du Damagaram et le Teda
répliqua de « Tomogra » d'où l'origine de l'appellation
« Tomogra ». Ses qualités physiques (bien en forme) et son
courage lui ont permis d'obtenir une jeune Teda Touzba en mariage. De ce
mariage naquit 4 garçons, respectivement Tarsey, Gonna, Boulali et
Tomogra fils. Jusqu'à cette période, Les Teda n'avaient pas une
chefferie, ils vivaient de manière isolée selon l'appartenance
clanique. Après le mariage de Tomogra et de la jeune Touzba, le
père Touzba entreprit une vaste campagne d'information auprès des
autres Teda ( Zouar, Bardaï, Zoumouri...) qu'il a reçu un jeune
étranger et qu'il le leur proposait qu'il soit chef des Teda vu ses
qualités physiques, son courage et son intelligence. Alors ils
acceptèrent de le nommer chef des Teda. A la mort du premier chef, ces 4
fils furent proposés pour assurer la succession. L'aîné
Tarsey désista à la faveur des ses petits frères et parti
s'installer au massif de Tarso pour fonder le clan Teda du même nom. Les
trois autres frères n'arrivant pas à se départager, ils
décidèrent d'aller au sultanat de Bilma, réputé
pour l'ancienneté de leur chefferie, pour se faire départager.
Ainsi, Gonna, Boulali et Tomogra fils entreprirent le voyage vers le Kaouar. En
cours de route, Boulali fut impressionné par le paysage de Tiguey
(région du Kaouar) qui s'apprêtait bien à l'élevage
et décida de rester en renonçant à la chefferie. Il fonda
le clan Teda Boulali. Les deux autres frères (Gonna et Tomogra fils)
continuèrent leur chemin. A l'entrée de la capitale de Kaouar
(Bilma), ils campèrent pour y passer la nuit et permettre aux montures
(dromadaires) de pâturer. Le lendemain matin le jeune Tomogra
initié à la ruse du pouvoir par Tomogra père, simula une
maladie. Gonna partit chercher les montures pour accéder au sultanat. En
son absence Tomogra fils s'habilla en « chef » (grand boubou, turban
et chaussures). Durant ce temps, le Sultan, informé de leur
arrivée était venu les accueillir. Le sultan demanda aux deux
frères le
motif de leur visite et Gonna lui expliqua. Le sultan
rétorqua en ce terme en indexant Tomogra fils « c'est lui le chef,
il est habillé en chef ». A ces mots, Gonna se vexa et tenta
d'assassiner son frère. Celui-ci, pour calmer ces ardeurs, lui proposa
d'être son adjoint dans la chefferie Teda et chef des Teda en dehors du
sultanat. Gonna accepta et les deux frères reprirent leur route pour le
Tibesti. Le clan Touzba, quant à lui, a depuis lors la fonction
d'introniser (la mise du turban)3 le nouveau sultan.
Nous pouvons cependant émettre l'hypothèse d'un
éventuel conflit qui eu lieu entre les Toumagara et les Gonna, qui
expliquerait alors l'absence de Gonna au Tibesti. Les Gonna se repartissent au
Niger oriental et en libye.
Pour matérialiser cet accord ancestral, dans la coutume
Teda il est imposé que lorsqu'un animal est égorgé, le
coeur doit être donné à un membre du clan Tomogra (le plus
âgé) et les reins à un Teda Gonna (le plus
âgé). Cette coutume est actuellement respectée dans tous
les campements Teda.
Actuellement à Zouar (l'unique chef lieu du sultanat
Teda) trois clans se succèdent au trône du sultanat. Il s'agit de
Tomogra (actuellement au trône), Layi et Gatéma. Ces clans royaux
sont tous descendants de Tomogra fils. (Source : entretien avec Elhadji Sidi de
Sidinga, 2005)
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