CHAPITRE II : EXAMEN CRITIQUE DU ROLE DE LA CIJ DANS
LA DETERMINATION ET LE RESPECT DES JUS COGENS
En tant que principal organe judiciaire du droit international
public, la Cour Internationale de Justice est inéluctablement
appelée à mettre en évidence les valeurs fondamentales que
la communauté internationale a exprimées. Sa jurisprudence
représente un apport essentiel, car elle précise le contenu des
principes fondamentaux du droit international public y compris le principe de
Jus Cogens. Ses décisions constituent même un «moyen
de détermination des règles du droit
international»90. C'est là même sa vocation.
Cela étant, il convient de préciser qu'au cours
de ce chapitre, nous allons montrer la nécessité de
déterminer le contenu et le champ d'application des Jus Cogens
et le rôle que la Cour Internationale de Justice devrait jouer dans ce
processus. Malheureusement, nous ferons remarquer dans ce chapitre que la Cour
Internationale de Justice a raté plusieurs occasions où elle
aurait dû profiter pour mettre en branle son rôle pour
élucider la notion entourée d'obscurité. Le silence
gardé par la Cour ne manquerait pas bien sür d'effets que nous
allons montrer au cours de ce chapitre. Nous parlerons par exemple de la
persistance du caractère hésitante des Jus Cogens, leur
dévaluation et leur violation malgré leur
prééminence. La conséquence majeure de ce silence, comme
nous le montrerons est que la Cour a elle-même limité sa
compétence.
Aussi, la Cour Internationale de Justice n'a-t-elle pas
seulement le rôle dans la détermination du contenu et du champ
d'application des Jus Cogens, mais aussi et surtout dans le respect de
ces normes. Cependant, nous montrerons dans ce chapitre, que la Cour a
été butée aux différents obstacles monumentaux qui
ont rendu difficile la mise en oeuvre de son rôle dans le respect de ces
normes. Nous parlerons par exemple de sa compétence limitée, de
la souveraineté des Etats, des raisons politiques et des réserves
faites par les Etats à leur déclaration d'acceptation de la
compétence de la Cour.
90 Art 38 du Statut de la Cour Internationale de
Justice.
II.1 La CIJ face à la détermination des
normes de Jus Cogens
Sous ce paragraphe, nous voulons examiner le comportement de
la Cour Internationale de Justice face à la question épineuse de
détermination des Jus Cogens et l'effet de son comportement.
II.1.1 Nécessité de détermination des
normes de Jus Cogens
Nous sommes ici en présence de dispositions qui,
malgré la définition du Jus Cogens de l'article 53, sont
loin d'être claires. La Commission du Droit International (CDI)
elle-même en 1969 dans son commentaire de projet d'articles sur le droit
des traités a précisé que « l'on ne dispose
d'aucun critère simple qui permette de reconnaître qu'une
règle du droit relève du Jus Cogens ».91 La
situation n'a guère évolué depuis, et il semble que la
difficulté rencontrée est la possibilité de
déterminer le contenu des normes de Jus Cogens et cette
révélation appartient à la Cour Internationale de
Justice.
Les effets de l'imprécision de la norme de Jus
Cogens ont entraîné de nombreuses controverses. Ainsi par
exemple, la France n'a pas adopté la Convention de Vienne sur le droit
des traités par opposition à l'introduction du Jus
Cogens. Selon le délégué français :
« Il n'est pas pensable, d'admettre l'existence
présente et à venir d'une loi suprême et de lui attacher
des effets aussi graves que d'entraîner la nullité ab initio des
accords internationaux, sans définir la substance de cette règle
de droit positif, les conditions de son développement et le
contrôle de son application »92
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