A. GENESE ET EVOLUTION HISTORIQUE DU DROIT
INTERNTIONAL HUMANITAIRE
Il est admis aujourd'hui que le Droit suit les faits, plus
qu'il ne les précède. C'est pourquoi l'histoire tient une place
si importante dans l'étude des disciplines juridiques en Droit
international humanitaire. Il s'avère nécessaire d'interroger
l'histoire, à travers diverses civilisations et traditions afin de
comprendre la forme actuelle de ce droit et surtout sa situation de mise en
oeuvre.
En effet, comme le relève à juste titre Jean
PICTET, « le Droit humanitaire a des racines plus profondes que
l'ont cru longtemps des autres européens aux vues étroites, qui
en plaçaient la naissance à la fin du moyen âge. En
réalité, les lois de la guerre sont aussi anciennes que la guerre
elle-même et la guerre aussi ancienne que la vie sur la
terre ».
Et suivant cette ère très ancienne, renseigne
Hans Peter GASSER, chaque fois que des différends entre tribus,
habitants de vallées ou partisans de chefs rivaux ou d'autres formes
primitives de l'Etat n'ont pas dégénéré en guerres
d'extermination, on assiste à la formation (souvent constante) des
règles dont le but était de freiner l'explosion de la
violence.
Sous l'antiquité donc, on assista vers l'an 2000 avant
notre ère au développement des cités et des relations
entre les peuples. Le phénomène fut favorable à la
naissance des règles applicables pendant la guerre et à la
conclusion des traités de paix.
Diverses civilisations de l'ère qui ont connu
l'écriture ne sont pas restées indifférentes face à
ce phénomène. A titre indicatif, l'épopée indienne,
des ouvrages religieux comme la Bible et le Coran, certaines règles
comme le Code Manu fondement du droit et la morale des peuples de l'inde (200
avant Jésus-Christ) etc. ont apporté leur contribution à
cet édifice.
Sous le moyen âge, le Christianisme, l'islam et la
chevalerie contribuèrent à l'émergence des sentiments
d'humanité et à la gestation du Droit humanitaire. On parle
aujourd'hui encore d'esprit chevaleresque. Régulièrement des
conventions ont également été établies entre
belligérants pour règlementer le sort des personnes ; ce
sont là des origines des conventions multilatérales actuelles.
Mais de telles règles ont existé aussi dans des cultures qui ne
laissaient pas des traces écrites.
En Afrique comme sur d'autres continents, un « droit
de la guerre » était également connu et appliqué
dans les conflits armés entre tribus et royaumes, compte tenu notamment
des coutumes, du niveau de développement, des moyens de combat et de la
mentalité propre à chaque peuple. Ainsi, dans l'Afrique
traditionnelle, la guerre était déjà une institution
organisée, avec déclaration de guerre, immunité de
négociateurs, existence de zones d'asile et de trêve,
traités du paix, etc.
De tout ce qui précède sauf quelques exceptions
près, il est important de mentionner que jusqu'ici la
règlementation des hostilités résultent des arrangements
bilatéraux entre belligérants en présence. Les conventions
internationales au sens actuel ne sont pas encore connues, le Droit
international humanitaire demeure un droit coutumier.
Bien plus, il est aussi de devoir de préciser que ce
sont les actes juridiques internes que les Etats émettaient qui par la
suite ou mieux par habitude formeront une coutume de la guerre qui sera
à la base de codification du Droit international humanitaire à la
seconde moitié du XIXème siècle.
Le Droit international humanitaire tel qu'il existe
aujourd'hui, universel et engendre partie codifié, nous le devons
directement à deux personnes qui ont été toutes, deux,
marquées par des expériences traumatisantes dues à la
guerre : Henry Dunant et Francis Lieber. Pratiquement en
même temps mais chacun ignorant apparemment l'existence de l'autre,
Dunant et Lieber ont apporté de contributions essentielles
à la conception et au contenu du Droit international humanitaire
actuel.
Mais ce n'est pas porter atteinte à la mémoire
de ces deux grandes figures que d'affirmer qu'ils ne sont pas les initiateurs
de la protection juridique des victimes de guerre. Ils ont donc exprimé
cette idée d'une manière nouvelle et plus moderne.
A l'initiative dudit comité, le Conseil
Fédéral suisse convoqua une conférence internationale
à Genève qui adopta le 22 août 1864 indique des conditions
juridiques relatives à l'accomplissement des missions de services
sanitaires en situations des hostilités. Ces services doivent remplir
leur mission en toute impartialité, neutralité et
indépendance à intérêt des militaires blessés
dans les armées en campagne. Ils ont pour ce faire à arborer
l'emblème de la Croix rouge sur fond blanc.
Par la suite, cette première convention est
restée inchangée pendant plus de 40 ans, pour être ensuite
remaniée en 1906 sur proposition du CICR, en fonction des
expériences acquises au cours de plusieurs guerres. La première
guerre mondiale a mis le Droit de Genève en rude épreuve, ce qui
a conduit à une nouvelle révision en 1929. Quatre ans
après la fin de la seconde guerre mondiale, ont ensuite
été adoptées les quatre conventions de Genève
développées pas différent protocoles dont les protocoles
y annexés en I & II de 1977, la convention sur les armes classiques
et les 3 protocoles y annexés en 1980.
Pour tout dire, ce ne sont ni les mauvais traitements
infligés aux blessés, ni la mort d'individus sans défense
qui ont le plus frappé Henri Dunant. Ce qu'il a bouleversé, c'est
le manque absolu d'assistance aux blessés et aux mourants.
C'est ce qui justifie naturellement l'émission de tels
voeux lesquels ont pu être concrétisés pour tenter de
trouver tant bien que mal remèdes aux problèmes qui se posent.
Par ailleurs, une autre figure a également
contribué à la maturation du Droit international humanitaire
à savoir Francis Lieber juriste, émigrant allemand,
installé aux Etats-Unis. Il recevra la demande du président
Abraham Lincoln, celle de rassembler des règles relatives à la
conduite des hostilités, singulièrement dans la guerre de
sécession. Ceci aboutira à « instruction for the
governement of armies of the United States in the Field »
publiées en 1863, connues sous le nom de « code
Lieber ».
L'oeuvre de Francis Lieber est à l'origine de deux
développements importants. Tout d'abord, le « code
Lieber » a servi d'exemple pour de futurs manuels militaires et
instructions relatives du Droit de la guerre. Ensuite, les écrits du
juriste, sont également à l'origine de la seconde
évolution du Droit international humanitaire moderne qui a conduit
à l'élaboration d'un corps des règles sur la conduite de
la guerre.
Le premier résultat de cette approche a
été un court traité interdisant l'utilisation de
projectiles explosifs de moins de 400 grammes : la déclaration de
Saint Petersburg de 1868.
En 1874, c'est la déclaration de Bruxelles qui
établit la distinction entre combattants et non-combattants. Mais les
résultats prodigieux vont sortir du développement du Droit des
conflits armés avec la conférence de la Hayes sur la paix en 1899
et 1907. Ces conférences règlementent l'ouverture des
hostilités, le statut de neutralité, le recours au gaz
asphyxiant, le largage de ballons et étoffent les lois et coutume de la
guerre maritime et de la guerre sur terre. En 1911, l'utilisation de l'aviation
dans la guerre sera également règlementée, fort de
l'évolution de la guerre entre la Turquie et l'Italie.
L'humanisation de la guerre se poursuit avec les conventions
de Londres qui adoptées successivement en 1923, 1925 et 1929,
améliorent le contenu des règles sur la guerre dans ce qu'elle
prévient que ces règles ne sont d'application entre parties au
conflit que lorsqu'elles les ont ratifiées.
En résumé, il sied de dire que Henry Dunant a
joué un rôle considérable dans la maturation du Droit
international humanitaire sous l'angle de Droit de Genève,
c'est-à-dire, celui protégeant les victimes des hostilités
alors que Francis Lieber l'a fait également pour le compte du Droit de
la guerre ou Droit de la Hayes entendu là comme l'ensemble des
règles régissant les hostilités. Les deux branches forment
le Droit international humanitaire.
Actuellement, toutes les règles sont
élaborées et vues sous les quatre conventions de Genève du
12 août 1949 et leurs protocoles additionnels du 08 juin 1977. Ceux-ci
constituent les principales sources et donc la toile de fonds du Droit
international humanitaire.
§2. Droit international des
droits de l'homme
Le Droit international des droits de l'homme demeure
intimement lié au Droit international humanitaire. Alors que ce dernier
met en évidence la protection de l'être humain en situation des
conflits armés et des catastrophes naturelles, celui-là se
préoccupe de la protection des droits inhérents à la
personne humaine. Par conséquent, il la protège à tout
moment ou mieux tout au long de son existence voire même
au-delà.
Les deux branches sont de nature et d'origine distincte et ont
connu des évolutions différentes. S'il est vrai qu'il y a une
interdépendance entre elles, la philosophie de l'une est
différente de celle de l'autre. Cependant, le Droit international
humanitaire est de plus en plus perçu comme faisant partie du Droit des
droits de l'homme applicable dans les conflits armés.
L'interdépendance entre les droits de l'homme et le
Droit international humanitaire a été soulignée lors de la
conférence des Nations unies sur les droits de l'homme, tenue à
Téhéran en 1968 l'on voit se dégager une tendance
consistante, pour les Nations unies, à faire de plus en plus
référence au Droit international humanitaire lorsqu'elle examine
la situation des droits de l'homme (cfr. Résolution XXII portant
« protection des droits de l'homme en cas de conflits
armés », conférence internationale des droits de
l'homme, Téhéran, 12 mai 1968).
En dépit de fait que le Droit international humanitaire
tient pour source essentiellement les quatre conventions de Genève et
leurs protocoles additionnels qui traitent de manière spécifique
et très détaillé la protection des droits qui traitent de
manière spécifique et très détaillée la
protection des droits humains en période des conflits armés,
disons que tous ces textes se fixent pour objectif commun la personne humaine
et le respect de la dignité humaine.
Dans le présent examen de la branche soeur du Droit
international humanitaire qui est le Droit international des Droits de l'homme,
il sera question de donner une acception à ce terme, d'analyser ses
sources, sa genèse, son évolution historique, ses
mécanismes de mise en oeuvre voie quelques problèmes
spécifiques qui lui sont liés sur le plan africain.
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