Le modèle standard du capital humain [Mincer
(1974) et Becker (1975)] suppose que les salariés sont
rémunérés à leur productivité marginale et
que celle-ci augmente avec le capital humain accumulé. Le
bénéfice net d'une année de scolarisation
supplémentaire peut alors être estimé à partir des
données portant sur les revenus des individus dont le niveau
d'éducation diffère. Nous envisageons un certain nombre
d'enrichissement de la procédure standard afin de réduire les
biais potentiels d'estimation des rendements de l'éducation.
1O L'équation de Mincer (1974) et ses
limites
Pour déterminer le taux de rendement de S
années d'éducation, Mincer (1974) estime une équation
de la forme :
lnYS = c+ rS+aE+bE2+u
Avec YS, le revenu individuel ; S, le
nombre d'année d'étude ;
E, l'expérience professionnelle. Elle
peut se présenter sous forme de rendement décroissant.
C, la constante que les théoriciens du capital humain
interprètent comme le salaire de base sans capital humain. ; Et
u, un terme stochastique représentant les facteurs non
observés qui
55 F. ARESTOFF, Op.
cit, p.7
affectent le revenu. Il s'agit des facteurs de moyenne
nulle, que l'individu ne connaît pas forcement.
Dans cette équation de gains
semi-logarithmique, si u est distribué selon les
propriétés standard, alors l'estimation de r par la
méthode des MCO correspond au taux de rendement privé (par
opposition au taux de rendement social) de l'éducation. Il mesure
l'augmentation du revenu (YS-YS-1) résultant d'une
année d'éducation supplémentaire rapportée au
coût annuel de cet investissement scolaire56, soit
:
+ + + +
Y Y e c rS a E bE u
2
-
s s - 1 =
c r S
+ - + + +
2
( 1) aE bE u
Y e
s - 1
= ?
1
1 e r - r
Bien que Mincer (1993) considère que la
scolarisation et l'expérience expliquent à elles seules un tiers
de la variance des taux de salaire dans les pays occidentaux, il existe un
certain nombre de limites du modèle de Mincer (1974).
D'une part, il est naturel de supposer que
l'environnement parental influe sur la valeur économique du temps
passé à l'école. Selon Bowles (1972), en raison de
l'influence de l'environnement familial sur le niveau d'études atteint,
omettre le niveau d'éducation des parents ou leur activité
professionnelle provoquerait la surestimation du rendement de
l'éducation.
La littérature tant économique que
sociologique offre de nombreuses démonstrations de l'impact positif de
l'éducation et du revenu des parents sur le développement
cognitif de l'enfant, sur la qualité de l'éducation qu'il
reçoit et sur sa réussite éducative. Or, le cadre
d'apprentissage que des parents éduqués peuvent offrir à
leur enfant lui permettra aussi d'accroître sa productivité pour
un nombre d'années d'études donné (Murnane et Al. 1981).
Parallèlement, le niveau d'éducation des parents
matérialise le capital social de l'individu. Grâce à un
père éduqué, l'individu pourra profiter de réseaux
de connaissance qui lui permettront peut être d'occuper des postes plus
valorisants en termes de position, de rémunération,
etc.
Comme prédit, Bowles a constaté qu'une
classe sociale et un niveau d'éducation ne détermine pas un
revenu mais plutôt une opportunité. Celle-ci correspond au fait de
choisir parmi des emplois différents, chaque emploi se
caractérisant par divers aspects monétaires et
non monétaires. Le revenu reçu par un
individu est alors le résultat d'un choix contraint par l'ensemble des
opportunités d'emplois offertes.
L'ensemble de ces facteurs nous conduit donc à
supposer que l'environnement parental exerce à la fois un effet direct
sur les revenus de l'individu et un effet indirect transitant par son niveau
d'éducation.
D'autres part, supposer que la relation entre les
revenus et l'éducation est linéaire revient à supposer que
les chocs d'offre et de demande de travail ont les mêmes effets sur le
taux de rendement de l'éducation à tous les niveaux
d'études. Heckman et Al. (1996) rejettent cette hypothèse,
arguant que la durée de la scolarité S n'est pas
homogène, toutes les années n'ayant pas forcement la même
efficacité. Heckman et Polachek (1974) ont ainsi mis en évidence
l'existence d'un effet diplôme selon lequel les années ne
débouchant pas sur l'obtention d'un diplôme
généreraient un rendement plus faible que les autres.
Afin d'autoriser le rendement de l'éducation
à varier avec le volume de l'investissement éducatif, il est donc
préférable d'intégrer le niveau d'études sous forme
quadratique comme le font Angrist et Lavy (1997).
Ces phénomènes pris en compte, le
modèle de Mincer « étendu » s'écrit alors :
lnYS= c+r1S+r2S2+a E+bE2+d X+u (3)
Avec X, un vecteur de caractéristiques
individuelles et parentales.
2° Amélioration du modèle de
gains de Mincer : la distinction entre l'éducation publique et
éducation privée
Si le type d'éducation, public ou
privé, agit sur les revenus à la fois indirectement par la
réussite scolaire [comme le montrent Arestoff et Bommier (2000)] mais
aussi directement, alors le modèle de Mincer « étendu »
[équation (3)] tend encore à surestimer le taux de rendement de
l'éducation. Pour y remédier, nous proposons de poursuivre
l'adaptation faite par Florence Arestoff, du modèle de
Mincer.
Supposons un individu i. En intégrant
le fait d'avoir reçu une éducation publique ou privée (Ti)
parmi les variables explicatives des revenus, l'équation (3) peut
être réécrite comme suit :
LnYi = ~+r1Si+r2S2
i+~1Ti+~2Ei+~3E2 i+~4Xi+~1i (4) Avec a, la
constante et 1i, le résidu.
L'estimation de cette équation par des MCO
n'est possible que si les variables explicatives ne sont pas
corrélées avec les facteurs non observés. Or, les
rendements de l'éducation peuvent varier entre les individus, en
fonction des paramètres propres à chacun d'eux qui sont à
même d'influer sur les revenus (et l'éducation) mais sont omis de
l'équation : motivation à étudier,
préférence pour le présent, accès aux ressources de
financements, etc.