I.3. JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET
L'étude a porté sur le sujet « femmes
fonctionnaires et éducation des enfants à Cotonou »,
une thématique à laquelle sont confrontées les femmes
aujourd'hui. Au sondage, Il est constaté que cette thématique
n'est pas assez documentée. Le souci majeur ici est donc de contribuer
à mieux enrichir la documentation existante en vue d'éclairer
davantage l'opinion sur l'influence du travail salarié de la femme sur
l'éducation des enfants. Cet effort d'éclairage permettra de
mettre en relation le travail salarié de la femme avec son rôle de
mère-éducatrice et d'en dégager les moult
difficultés à établir l'équilibre entre travail et
famille.
I.4. REVUE DE LITTERATURE
Plusieurs recherches ont été menées sur
la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Les auteurs
ont eu divers points de vue sur le sujet.
Pour Evans-Pritchard, dans son ouvrage la femme
dans les sociétés primitives et autres essais d'anthropologie
sociale, 1971, « le mal principal qui ronge la vie de
la femme est le besoin d'activité », d'une activité
digne et respectable. A l'auteur de l'ouvrage, de voir que la femme primitive
est avant tout une épouse dont la vie se concentre sur sa maison et sa
famille. Dans la même société primitive, les sphères
d'activité de chacun des sexes sont clairement
délimitées : si la femme est en dehors des activités
masculines, l'homme ne cherche pas à rivaliser avec elle dans les
activités féminines et ne s'immisce pas dans les problèmes
domestiques traditionnellement du ressort féminin. Et si cette
limitation constitue une restriction pour la femme primitive, elle lui assure
aussi une garantie.
A cet effet, Fourn dans son article ``Les
nouvelles formes de famille au Bénin'', 2003, fait le
diagnostic suivant : « la société moderne
bouleverse la vision traditionnelle de la famille, du mariage et de la femme.
Des changements notoires s'opèrent dans le tissu culturel, les valeurs
séculaires d'hier, les mentalités et les attitudes. Ce sont des
transformations sur les différents paliers de la société
qui sont responsables de la crise. »
Hanquet dans son ouvrage l'activité
professionnelle des femmes : moyen de participation au
développement global, 1972, montre que les rôles
sociaux attribués à la femme justifient les tensions que suscite
son choix de conciliation. En effet, on note que dans une société
de type rural ou traditionnel, toutes les femmes participent aux
activités économiques sans que ce fait ne pose des
problèmes à la communauté. Ces problèmes ne
surgissent qu'à partir du moment où l'activité
professionnelle s'exerce en dehors du domicile et particulièrement
lorsqu'il s'agit de femmes mariées. Elle montre aussi la divergence qui
apparaît entre la situation de l'homme et celle de la femme face à
l'activité professionnelle. Pour l'homme, l'activité
professionnelle est toujours une inéluctable contrainte qui va mobiliser
l'essentiel de son temps et de son dynamisme ; elle est susceptible de lui
procurer une reconnaissance sociale. Pour la femme par contre,
l'activité professionnelle résulte davantage d'un choix, ce qui
peut dès le départ la placer dans une situation
privilégiée ; mais ce choix est limité d'une double
façon. D'une part, de plus en plus la fille comme le garçon est
sollicitée à acquérir une aptitude, une profession.
D'autre part et ce contrairement à lui, elle est tout autant
poussée à ne plus mettre cette profession en pratique dès
qu'elle se marie et particulièrement dès qu'elle porte son
premier enfant. Quand elle décide malgré tout d'avoir une
autonomie financière, des difficultés s'imposent à elle de
toute part et elle est contrainte de s'y adapter.
Cette position divergente de l'homme et de la femme
résulte des rôles qui leur sont attribués dans le
système social. L'homme exerce les activités économiques
et politiques tandis que la femme concentre ses activités aux
tâches éducationnelles notamment l'importante
responsabilité de garantir la culture et la cohésion familiale.
Ce système suscite la formation d'un certain nombre de
valeurs qui sollicitent également les hommes et les femmes mais ne met
pas à la disposition de tous, les moyens semblables et égaux pour
accéder à ces valeurs. Un des éléments
déterminants du degré de participation à ces valeurs
réside dans les motivations qui conduisent la femme à prendre la
décision d'exercer une activité professionnelle. Les raisons qui
sous-tendent ce choix sont ramenées à de grands mobiles et
orientées vers un désir d'insertion sociale plus profond et
d'équilibre psychologique plus harmonieux, plutôt que du
côté de la justification économique. En effet, si les
motivations à l'exercice d'une activité professionnelle peuvent
être identiques pour les hommes et les femmes, ce qui les distingue les
uns des autres réside dans le fait que les différents mobiles qui
déterminent la femme à opter pour l'exercice d'une
activité professionnelle est en constante dialectique avec les
rôles familiaux encore fortement imprégnés par l'image
traditionnelle de la femme et de la famille. Cette situation peut se
résoudre positivement ou négativement.
La femme peut en effet, parvenir à valoriser
simultanément sa vie familiale et son activité professionnelle.
Il y a alors de fortes chances que la réussite de l'une soit
bénéfique que la réussite de l'autre. Mais plus
fréquemment sans doute, une tension naît d'une certaine
incompatibilité existante entre la réalisation des valeurs
familiales et la poursuite des autres valeurs socialisées. Le conflit
est d'autant plus probable que la femme est préparée tant
à assumer de façon consciente ses responsabilités
familiales qu'à exercer avec intérêt une activité
professionnelle enrichissante. Ce qui nous amène à rechercher les
mesures prises par elles pour gérer cette tension.
Allant dans la même logique Braibant, montre, dans son
ouvrage, la place de la femme dans la vie publique et dans la prise
de décision : une étude comparative, le cas de l'Europe, du
Canada, du Maroc et de la Palestine, 1997, que pendant
longtemps, les femmes sont renvoyées au foyer. Les traditions ont
accordé une attention particulière au rôle social de la
femme au foyer où elle doit se consacrer aux tâches
ménagères, à la reproduction et à
l'éducation des enfants. Mais le niveau
d'éducation de plus en plus élevé des femmes et le
développement socio économique conduisent à la
nécessité de l'amélioration de leur situation et de leur
statut. De même, de meilleures possibilités sont entrain
d'être envisagées pour les femmes qui doivent participer à
la force de travail à des niveaux plus élevés
qu'auparavant, bien que leur niveau de représentation sur le
marché du travail salarié soit encore faible, et que l'influence
des comportements traditionnels locaux ayant trait à la discrimination
entre les sexes continue de peser très lourdement sur elles. L'auteur,
montre dans son analyse comment, les femmes salariées ne
bénéficient pas d'une demi-journée pour s'occuper de leurs
enfants en Afrique par rapport aux femmes européennes.
Pour Anand, dans son article un
point de vue féministe sur le
développement, 1998, l'accès des
femmes à de nouveaux emplois doit s'accompagner d'une éducation
qui fera d'elles des membres à part entière de leur
société et doit être un outil de prise de conscience et
d'action.
Karl, dans son article intitulé
les femmes face à l'ordre multinational, 1998,
renchérit cette observation et elle estime que les femmes sont victimes
de l'exploitation et de la discrimination dans les industries d'exportation du
tiers monde comme dans celles des pays industrialisés.
Pour Segalen et Zonabend
dans leur article « Familles en France »
in Histoire de la famille, 1986, le
modèle de vie familiale de la femme qu'on a pu croire universel ou
« traditionnel » apparaît bien daté au fur et
à mesure que les femmes entrent sur le marché du travail et y
restent malgré la naissance de leurs enfants. Ainsi, il a fallu que les
femmes entrent massivement sur le marché du travail pour qu'il ait
conjoncture des deux réalités et que l'on découvre
l'interaction fondamentale entre vie familiale et professionnelle.
L'interaction entre vie professionnelle et fécondité fonctionne
aussi à double sens. En effet, la naissance des enfants limite les
femmes dans leur devenir professionnel comme la perspective d'une
carrière limite la constitution d'une famille; puisque le temps
féminin est caractérisé par une continuité entre
vie professionnelle et vie familiale.
Non seulement le salaire des femmes est nécessaire et
même d'autant plus indispensable que la situation économique est
précaire, mais encore les femmes trouvent dans leur travail une
valorisation et une occasion de contacts sociaux même lorsqu'elles
exercent des professions peu qualifiées. Il est donc peu probable que le
mouvement d'entrée des femmes sur le marché du travail se
ralentisse, à moins d'une sérieuse aggravation des conditions de
chômage dont les femmes sont les premières victimes.
Brancourt dans son article intitulé
Stratégies professionnelles et organisations des familles,
1989, élucide ce qui construit le profil des trajectoires
de ceux qui vivent en famille, explique la diversité des
stratégies individuelles et la permanence d'un modèle familial
où les hommes et les femmes investissent des espaces différents
et complémentaires. Ainsi, à partir d'une recherche sur les
conditions d'apparition et de développement de carrières
féminines et masculines, elle propose des pistes d'analyse pour
interpréter quelques unes des nouvelles composantes de la famille
contemporaine. A travers les conditions familiales de développement de
carrière des individus qui vivent en couple avec enfant, elle montre que
les stratégies d'emploi du couple sont interactives. Ces interactions
définissent d'une part la nature de l'investissement professionnel de
chacun des conjoints. D'autre part, elles définissent le profil de
distribution des rôles conjugaux. Ainsi, une forte liaison existe entre
la logique de l'interaction et les formes et moyens de l'organisation
domestique. Elle notifie par ailleurs que les stratégies
professionnelles et leur dépendance dans les couples sont des dimensions
à privilégier pour interpréter les modes d'organisation
familiale. Malgré le fait que le contexte économique aujourd'hui
oblige la femme à aller sur le marché de travail,
l'éducation des enfants doit la préoccuper.
Ainsi donc, pour Durkheim dans son ouvrage
Education et sociologie, 1992, l'éducation est
une « socialisation méthodique et elle correspond au besoin
pour toute société de s'assurer les bases de ces conditions
d'existence ». L'auteur voit qu'elle s'opère dès la
naissance, au sein de la famille, certes mais c'est à l'école
qu'elle est systématisée de sorte que celle-ci devient le lieu
central de la continuité sociale lorsqu'il s'agit de la transmission des
valeurs, des normes et des savoirs. L'auteur a essentiellement
étudié la socialisation des jeunes générations
à l'école, au sein du « système
scolaire ».
Pendant qu'il met l'accent sur l'école, Assaba
quant à lui, dans son ouvrage Vivre et savoir en
Afrique : Essai sur l'éducation orale en yoruba, 2000,
met l'accent sur l'éducation non scolaire. Assaba montre
que chez ces peuples, instruire n'est pas éduquer. Pour lui,
l'instruction n'est qu'un moyen parmi tant d'autres permettant de former
l'homme, c'est-à-dire l'éduquer. Pour les yoruba, s'instruire,
c'est acquérir des connaissances livresques, ce qui n'est pas être
éduqué. L'éducation vise toujours un idéal comme le
dit aussi Aristote dans revue trimestrielle
d'éducation comparée. Pour ce dernier, la
finalité de l'éducation est identique à la finalité
de l'homme. Toute éducation vise explicitement ou implicitement un
idéal humain. Tous les auteurs cités, dans leurs majorité
ne se sont pas attardés sur l'éducation des enfants dans les
différentes recherches menées sur la conciliation de la vie
professionnelle et celle familiale. Tous les parents en général
et les mères salariées en particulier rêvent d'une bonne
éducation pour leurs enfants. Pour ce fait, les femmes salariées
développent des stratégies pouvant les aider à assurer
l'éducation des enfants même quand elles sont absentes. Mais
l'intérêt de ce travail de recherche est d'examiner, après
analyse des grands axes identifiés, le dispositif organisationnel mis en
place par les femmes enquêtées pour concilier efficacement leur
travail à l'éducation de leurs enfants.
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