CONCLUSION
Même si, dans la plupart des milieux scolaires, le
redoublement demeure une pratique courante, il nous semble que cette mesure
soit de plus en plus remise en question. Historiquement, on faisait recours
à cette mesure pour aider ceux et celles qui ne maîtrisaient pas
les contenus des programmes à le faire avant le passage en classe
supérieur. Aujourd'hui, le redoublement ne s'avère plus la
solution la plus acceptable. De plus en plus les recherches confirment les
thèses qui soutiennent que le redoublement n'est pas plus efficace tant
pour le développement psychosocial du redoublant que pour la
réussite de son cursus scolaire.
En s'inscrivant dans cette logique, cette étude s'est
donnée pour principal objectif d'identifier les effets néfastes
du redoublement précoce sur la réussite au CEPD. Pour atteindre
ces objectifs, nous avons défini certaines hypothèses qui nous
ont servi d'orientation tout au long de cette recherche. Nous avons d'abord
posé une hypothèse générale formulée en ces
termes ; « Les élèves qui redoublent les cours
préparatoire et élémentaire du primaire ont des
performances négatives au CM2 et connaissent souvent des échecs
au CEPD ». Celle-ci a été
opérationnalisée grâce aux indicateurs qui précisent
ses variables. Après cette opération, nous avons identifié
la méthodologie au moyen de laquelle toute la recherche (la collecte des
données, le dépouillement des données, l'analyse et
l'interprétation des résultats) a été possible.
La recherche présente n'a pas établi un lien de
cause à effet entre les redoublements précoces et les
échecs au CEPD, mais plutôt une corrélation entre ces deux
évènements. Elle montre que ces deux phénomènes
sont liés, et le redoublement précoce n'étant pas d'office
responsable des échecs au CEPD. Ici, les échecs au CEPD sont vus
comme l'aboutissement d'un problème existant depuis le début de
la scolarité. Certains auteurs estiment que le redoublement et
l'échec scolaire seraient causés par des caractéristiques
personnelles de nature non intellectuelle (Gottfredson, Fink et Graham, 1994).
D'autres estiment que le redoublement et l'échec scolaire sont les
fruits d'un héritage culturel légué par les parents et
l'environnement social du redoublant (Bourdieu et Passeron, 1964 ;
Baudelot et Establet, 1971). Par ailleurs nous avons évoqué
également la position des auteurs qui attribuent la cause des
échecs scolaire à l'organisation institutionnelle de
l'école (Duru-Bellat, Mingat et al., 2004). Dans cette étude,
nous essayons de montrer que le redoublement et surtout s'il intervient
tôt dans la scolarité de l'enfant puisse devenir un catalyseur des
échecs ultérieurs plutôt qu'un remède. La reprise
d'une année serait, dans ce cas, en relation avec l'échec
scolaire et/ou le désintéressement de l'élève
envers l'école.
C'est à ces conclusions que nous sommes parvenus au
terme de cette étude. D'abord nous avons démontré que les
redoublants interrogés ne sont pas tellement différenciés
en termes de « favorisés » et de
« défavorisés » de par leurs
caractéristiques individuelles, sociales et contextuelles. Ces facteurs
expliqueraient ainsi moins leurs difficultés à réussir au
CEPD que les redoublements antérieurs. Ensuite nous avons
identifié les effets néfastes du redoublement précoce sur
les performances des redoublants au CM2. Ces effets sont constitués des
lacunes accumulées par ces élèves en difficultés au
cours des redoublements successifs. Enfin nous avons montré que le
nombre d'échecs au CEPD serait déterminé quelque part par
le nombre de redoublement précoce connu dans les classes de base du
cours primaire.
En effet, au terme de notre analyse, il s'est
avéré que la distance moyenne entre le domicile de nos
enquêtés et leurs établissements scolaires se trouve dans
les normes voulue par le Ministère de l'Enseignement Primaire,
Secondaire et de l'Alphabétisation (MEPSA). Ce qui ne constitue pas un
grand handicap pour leurs réussites au CEPD. Ensuite, la plus grande
partie des redoublants enquêtés est rentrée au CP1 avant
l'âge de sept ans. Ce qui suppose qu'ils n'ont pas connu de retard
scolaire aussi significatif à influencer leurs performances plus tard
dans la scolarité. De plus ils sont souvent ponctuels en classe. Ils
partent rarement en retard aux cours. Par contre, la plus part de nos
redoublants enquêtés n'ont pas rencontré suffisamment au
cours de leurs scolarités les enseignants-femmes qui sont
supposées apporter plus d'attention à leurs difficultés,
plus d'affection à leurs motivations et plus de soutiens à leurs
efforts. Ils ont aussi manqué de manuels scolaires qui supports aux
cours de l'enseignant et de guides pour leurs révisions ou études
en dehors des classes. Ils sont nombreux à utiliser les livres de
lecture mais peu à posséder les livres de calcul quotidien.
D'autre part les redoublants enquêtés sont moins réguliers
en classe, surtout dans les écoles publiques. Ces derniers indicateurs
peuvent ainsi influencer leurs performances en classe et à l'examen en
fin d'année. Toujours dans le cadre des analyses contextuelles, les
redoublants ne sont pas régulièrement ni insultés ni
tapés par leurs enseignants. Ils ne sont pas ainsi
inquiétés en classe par les enseignants. Ils sont parfois
sollicités à participer aux cours et ne se sentent pas d'ailleurs
abandonnés par leurs enseignants. A la fin de ces analyses, nous rendons
compte que les redoublants de notre champ d'étude fréquentent
dans les contextes pouvant leur permettre d'améliorer leurs performances
scolaires et de réussir à la fin d'année au CEPD.
Avec un contexte favorable à la réussite au
CEPD, les redoublants enquêtés évoluent en
général dans des conditions sociales en partie
intéressantes à l'amélioration de leurs performances.
Composé plus de filles que de garçons, l'échantillon
enquêté comprend moins de 50% des élèves
âgés de six à onze ans et moins de 50% des
élèves dont l'âge serait compris entre onze à seize
ans. Ils résident dans la plus part des cas avec leurs parents. Le
groupe de ces parents est composé de toutes les catégories
professionnelles et ont en générale un niveau d'instruction
primaire. La plus de ces redoublants ont des mères commerçantes,
mais peu instruites. Ainsi ces redoublants ne pourront pas non seulement
bénéficier des suivis de leurs mères, mais ils partagent
aussi à la maison la langue locale qui n'est celle exigée
à l'école.
Ensuite en faisant le point sur les effets néfastes du
redoublement précoce sur les performances des redoublants au CM2, nous
pouvons affirmer que les redoublants des classes d'initiation (CP1 et CE1)
accumulent des tards qui se manifestent plus tard dans leurs performances. Dans
le contexte de cette étude, nombreux sont les élèves en
difficulté au CM2 qui ont connu de redoublement au CP1 et au CE1. Ainsi,
nous avons remarqué que nos enquêtés rencontrent beaucoup
de difficultés dans les exercices de français et de
mathématique. En français ils sont nombreux à faire de
mauvaises lectures. Plus de la moitié de nos enquêtés
déchiffrent mal les mots, ne font pas de liaison en lisant et manquent
les ponctuations d'un texte. Ils ont également des difficultés
dans les accords en grammaire, et rédigent ainsi très mal les
textes en français. De part ces difficultés en français,
les redoublants enquêtés ne comprennent pas souvent les textes
rédigés en français. En mathématique, les
enquêtés ont manifesté un niveau aussi bas qu'en
français. Ils n'ont pas souvent la moyenne en calcul rapide, et
résolvent difficilement les problèmes mathématiques
posés. Ils font également peu d'efforts en calcul mental. En
définitive, les élèves qui redoublent très
tôt à l'école primaire accumulent des difficultés
qui constituent des freins plus tard dans leurs performances scolaires.
Enfin nous avons aussi pu démontrer que le nombre de
redoublements précoces a relativement un lien avec le nombre
d'échecs plus tard à la fin du cycle. Après croisement du
nombre de redoublements au CP1 et CE1 avec le nombre d'échecs connu au
CEPD, nous pouvons conclure que plus les élèves redoublent les
classes de base, plus ils augmentent les chances d'échouer au CEPD plus
tard à la fin cycle.
|