CHAPITRE IV : QUEL
MODELE POUR LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO ?
Nous savons, depuis le doyen Gicquel, que « le droit
constitutionnel participe de la culture de l'Occident », mais que sa
généralisation ou plutôt son universalisme s'est
opéré au détriment de sa
spécificité485(*) Une telle profession de foi ne peut que faire tiquer
le constitutionnaliste congolais qui se rappellera que déjà
Aristote en classant les Constitutions des cités grecques n'avait pas
omis de les ranger selon le tempérament de chaque peuple.
Du reste, l'on peut dire avec le Professeur Ntumba Luaba Lumu,
qu'il a existé le constitutionnalisme précolonial dont la
fonction était double : légitimer le pouvoir au moyen de la
sacralité de ce dernier et éviter que le pouvoir ne devienne
tyrannique.486(*) A pris
pas sur ce constitutionnalisme, celui de la colonisation qui n'avait comme but
et fonction que de légitimer ce phénomène d'asservissement
du peuple. A cette occasion, un droit et des institutions d'origine
européenne sont greffés sur le corpus normatif autochtone. La
greffe n'a pas pris, à voir comment de larges zones de non droit
écrit subsistent et résistent à l'avancée du droit
moderne.487(*)
Après une longue période de mimétisme
institutionnel, l'Afrique noire postcoloniale semble s'être rangée
dans un déclic d'autochtonie constitutionnelle.488(*) Là, à notre
avis, il s'éclaire la question du choix du modèle classique
occidental ou d'un modèle postmoderne qui serait reconnaissable par la
population congolaise dans son ensemble parce qu'issu de son schème de
pensée traditionnelle sur la justice. Mais avant d'élaborer un
modèle théorique qui aurait la prétention de rencontrer
les aspirations populaires, il est utile de voir comment déjà en
Afrique noire certaines nations ont tenté de résoudre cette
question. Par un choix presque arbitraire, l'option a été
levée en faveur de l'étude de trois pays africains
émergents du point de vue de la justice constitutionnelle : le
Sénégal, le Bénin et la République sud-africaine.
Le choix de ces pays est naturellement fondé sur
l'avancée de la justice constitutionnelle qui s'y remarque et vide le
problème théorique mineur, à notre avis, du champ
géographique ou linguistique de l'étude. Faute de
bibliothèques bien garnies, nous avons gardé un profil modeste
devant l'ambition certes légitime de parcourir plusieurs pays africains
de culture presque similaire.
L'on peut légitimement aussi remarquer d'emblée
que le constituant sud-africain est à ranger dans le mouvement
postmoderne d'autochtonie constitutionnelle par le jeu des institutions tant de
justice transitionnelle489(*) qu'il a instituées que par celles de la
justice constitutionnelle dont les spécificités constituent des
pépites d'or pour le constitutionnaliste qui veut s'en approprier.
En revanche, tant dans son modèle que même dans
ses applications, le juge constitutionnel sénégalais ou
béninois, malgré son abondante productivité, est une copie
servile du Conseil constitutionnel français. Nous pouvons dire que la
marque de la colonisation française par le biais de l'assimilation a
laissé de profondes traces qu'il sera difficile d'effacer.
Au demeurant, faut-il tout effacer ? Ne s'agit-il pas en
définitive de faire accorder l'universel avec les
spécificités de la justice en Afrique ? Il suffit de voir au
sortir du palais de justice comment les plaideurs profanes sont
désemparés tant par le langage du droit qui est manifestement
ésotérique mais aussi et surtout par l'étiquette
judiciaire qui se déroule comme une cérémonie
d'initiés ou même « des sorciers des temps
modernes », avec de longues robes noires490(*) avec chausse garnie de peau
de léopard ou même de fourrure dont la signification est tout
autant mystérieuse, pour ressentir la nécessité vitale de
rendre la justice accessible.491(*)
Même l'Occident éprouve ce besoin malgré
des siècles d'éducation qui ont reculé les
frontières de l'analphabétisme à ses portions les plus
congrues.492(*)
Existe-t-il un modèle africain de justice constitutionnelle sur
lequel nous pourrions être obligé d'ériger notre propre
modèle théorique?
Section 1 : VERS UN
MODELE AFRICAIN ?
La réponse à cette question, pour capitale
qu'elle pourrait être, passe nécessairement par un essai de
parcours même furtif des institutions de justice constitutionnelle des
pays choisis. Ne fut-ce que par sa proximité
géostratégique et l'intérêt qu'elle présente
du fait de sa sortie récente des limbes de la dictature et de
l'oppression de l'apartheid, commençons par la République
sud-africaine.
§1. La République
sud-africaine
Malgré sa nouveauté dans le paysage
institutionnel sud-africain, il faut reconnaître que la Cour
constitutionnelle de ce pays présente un intérêt majeur du
point de vue de l'élaboration d'un modèle congolais. En effet,
sortie de limbes de l'apartheid qui est une sorte de négation de l'homme
en tant qu'il est expression d'une différence de couleur, la
République sud-africaine a suivi en cela les traces historiques de tous
les peuples qui ont connu les horreurs de l'histoire.
La Cour constitutionnelle est le fruit des négociations
constitutionnelles des années 1992-1993 qui ont abouti à sa
consécration dans la constitution intérimaire de 1993. La
doctrine la plus en vue sur la question indique que sa caractéristique
principale est de n'être fondée ni sur le modèle
américain ni de s'apparenter pleinement au modèle
européen.493(*)
Pour de raisons plutôt politiques que techniques, la
République sud-africaine a opéré un choix vers ce
modèle métissé car il s'agit pour elle d'avoir un juge
garant de la Constitution mais qui ne soit pas un juge de l'époque de
l'apartheid. Il se développait en effet la crainte légitime de ne
pas voir s'exercer pleinement la protection de la Constitution et des droits
fondamentaux tant les juges antérieurs ne s'étaient guère
distingués dans la protection des droits fondamentaux au point qu'il eut
été illusoire de leur confier la tâche de gardien de la
Constitution. Si la Cour constitutionnelle a le dernier mot en matière
constitutionnelle, la possibilité est donnée aux autres
juridictions supérieures qu'elle coiffe de trancher des questions de
droit constitutionnel à l'occasion d'un litige.
Il faut noter, en passant que le système juridictionnel
de la République sud-africaine est fondé sur l'unicité de
juridictions. Au bas de la pyramide, il y a les Magistrates Courts et
les Regional Courts qui statuent au premier degré, suivis des
juridictions d'appel qui jouent en même temps le rôle de
juridictions de premier degré pour ce qui est des juridictions
supérieures appelées High Courts. Compte tenu de la
nature de l'affaire, elles peuvent être saisies au premier degré
ou en appel. Au sommet de la pyramide, trône la Cour suprême
appelée Supreme Court of Appeal qui est l'exact pendant de la
Cour de cassation tant elle n'examine que des moyens de droit.
Il y a là mélange du modèle
centralisé et décentralisé à la fois. Les
juridictions supérieures saisies de la question de
constitutionnalité l'examinent tantôt comme une question
préalable et la vident à leur niveau tantôt comme une
question préjudicielle et en renvoient l'examen devant la Cour
constitutionnelle. Toutes les juridictions participent au contrôle de
constitutionnalité même si le monopole final est
réservé à la Cour constitutionnelle.
Le contentieux constitutionnel sud-africain, affirme Xavier
Philippe, se situe à la croisée des chemins et des
systèmes, reflet de l'Afrique du Sud elle-même.494(*) Du point de vue
l'architecture institutionnelle, la Cour constitutionnelle est organiquement
intégrée au pouvoir juridictionnel. Elle figure au chapitre 8
consacré au système judiciaire et elle est placée en
tête de toutes les juridictions de la République. 495(*) En revanche, une
compétence de cette Cour va au-delà du pouvoir d'une juridiction
soit-elle constitutionnelle. En effet, le juge constitutionnel sud-africain a
la mission d'homologuer des textes constitutionnels adoptés par le
constituant. Cette mission spéciale fait du juge sud-africain un cas
type d'un choix de « chemin de traverse mêlant classicisme et
innovation ».496(*)
S'agissant de la composition, la Cour est composée d'un
Président, d'un vice-président et de neuf autres juges soit onze
membres au total. Le quorum est de huit membres. Les juges sont nommés
pour un mandat non renouvelable de douze ans mais ils doivent se retirer
dès qu'ils ont atteint l'âge de soixante-dix ans. 497(*) Le président et son
adjoint sont nommés par le Président de la République
après consultation de la Commission du service judiciaire ainsi que des
chefs de partis politiques représentés à
l'Assemblée nationale.
Les autres juges sont nommés par le Président de
la République après consultation du Président de la Cour
constitutionnelle et des chefs des partis politiques représentés
à l'Assemblée nationale. Ce système de nomination aboutit
concrètement à ceci que la Commission du service judiciaire
propose et le Président de la République dispose au sein de la
seule liste établie par cette dernière. L'on peut noter que les
juges doivent être de nationalité sud-africaine, être juges
au moment de la nomination et tenir compte de la représentation par race
et par sexe.
Enfin, ils doivent être fit and proper
c'est-à-dire capables et dignes, ce qui voudrait dire
posséder les qualifications techniques et professionnelles requises pour
le boulot. En cas de vacance, sans consultation de la Commission du service
judiciaire requise, le Président de la République nomme un juge
suppléant sur recommandation conjointe du Ministre de la justice, du
Président de la Cour constitutionnelle et du Président de la Cour
suprême.
S'agissant, en revanche, de la compétence de la Cour
constitutionnelle sud-africaine, il importe de noter que l'article 167 de la
Constitution définitive de 1996 confie à cette haute instance la
compétence en matière constitutionnelle mais uniquement en
matière constitutionnelle. Elle tranche les questions de
constitutionnalité ou statue sur les décisions relatives à
ces questions rendues par les autres juridictions. Cette innovation
institutionnelle a engendré ce que le professeur Xavier PHILIPPE appelle
le contrôle concentré diffus.
La constitution reconnaît en effet à toutes les
juridictions le pouvoir de statuer sur une question de
constitutionnalité mais en même temps la Cour doit être
saisie automatiquement pour confirmer la décision juridictionnelle ainsi
rendue. A notre sens, il s'exerce là un double contrôle : sur
la constitutionnalité mais également sur la validité du
jugement rendu par le juge inférieur. De ce point de vue, la Cour
constitutionnelle joue le rôle de juge d'appel en ce qui est des
décisions rendues par les autres juridictions en matière
constitutionnelle.
Aucune décision d'inconstitutionnalité ne peut
échapper au contrôle final de la Cour constitutionnelle. Il s'agit
là, à n'en point douter d'un trait important de son
originalité qui s'accouple cependant avec d'autres
caractéristiques que nous verrons plus loin.
En outre, il sied de noter que la Cour constitutionnelle
sud-africaine est dotée sur pied des dispositions de l'article 167(4) de
la Constitution de 1996 des attributions généralement
confiées à un tribunal constitutionnel dans une
fédération. A ce titre, elle est compétente pour
régler les questions de compétence entre pouvoir central et
provincial.
De même, l'on observe que la Cour constitutionnelle peut
être également saisie dans le cadre d'une saisine parlementaire
nationale ou provinciale ; au niveau national, l'Assemblée
nationale dispose en effet de la possibilité juridique de saisir la Cour
dans le les 30 jours de la promulgation de la loi par le Président de la
République et ce, moyennant la signature de la requête par un
tiers des membres de l'Assemblée nationale. Il en va de même au
niveau provincial sauf à préciser que le nombre des signatures
exigées s'élève plutôt à un cinquième
des membres de l'assemblée provinciale.
De l'avis de la doctrine, le point le plus original de la
technique de contrôle de constitutionnalité en République
sud-africaine est sans nul doute le contrôle de constitutionnalité
des révisions constitutionnelles. 498(*)
Il suffit de se rappeler les débats nombreux et
intenses sur la supraconstitutionnalité pour se rendre à
l'évidence que ce contrôle est tout de même original. Par
définition, en effet, le pouvoir constituant fut-il dérivé
est souverain et à ce titre non susceptible de contrôle ;
dès lors il est curieux de voir l'enserrer dans les lumières
d'une Cour constitutionnelle.
Cependant, l'explication que tente Xavier Philippe peut
apaiser les esprits car, selon lui, ce contrôle est d'abord limité
à certaines dispositions de la Constitution tout comme il s'exerce
ensuite sur les dispositions relatives au pouvoir de révision. Les
dispositions de fond ne semblent guère être concernées par
ce contrôle.499(*)
La thèse ainsi soutenue nous parait quelque peu confuse
car le fait de vérifier la régularité d'une
révision constitutionnelle à l'aune des principes
constitutionnels antérieurement adoptés ne s'analyse pas en un
contrôle juridictionnel de la constitutionnalité, la Cour
étant ici prise comme un des mécanismes de la révision
constitutionnelle elle-même. En effet, la Cour avait été
invitée à certifier que le texte définitif de la
Constitution était conforme aux principes constitutionnels. L'invitation
provenant du « contrôlé », elle ne saurait,
à notre sens, s'analyser en un contrôle juridictionnel.500(*)
Il importe toutefois de noter que le juge constitutionnel
sud-africain possède un pouvoir d'autosaisine en cas
d'incompétence négative du Parlement ou du Président de la
République.
Elle dispose de même de la compétence
d'homologuer les constituions provinciales et leurs révisions. Il
importe de souligner cependant que la plupart de ces compétences sont
exercées par la Cour avec d'autres organes, dans le cadre d'un appel ou
d'un recours direct.
S'agissant de ces compétences partagées, Xavier
Philippe opine que la Cour constitutionnelle apparaît davantage comme une
Cour d'appel intégrée au système juridictionnel
spécialisé dans le contentieux constitutionnel.501(*) Il faut d'emblée
affirmer que le contrôle de constitutionnalité dans le
système sud-africain est un contrôle diffus concentré ou
plus exactement à double détente. Notons cependant que les
juridictions de première instance ordinaires n'exercent ce
contrôle qu'à l'égard des actes administratifs
essentiellement individuels, vis-à-vis des dispositions de la common
law et du droit coutumier. Le droit sud-africain reconnaît le droit
coutumier à la condition qu'il se conforme au chapitre 2 de la
Constitution relatif à la protection des droits fondamentaux.
Les juridictions supérieures, par contre, ont
l'obligation, aux termes de l'article 172 de la Constitution, de censurer tout
grief d'inconstitutionnalité. Si le grief est rejeté, la
décision ainsi rendue étant exécutoire, le juge
procède à l'examen du fond.
En revanche, si le grief est admis et l'acte querellé
enchaîné dans les liens de l'inconstitutionnalité, la
décision sera suspendue jusqu'à la confirmation par la Cour
constitutionnelle. La haute Cour joue ici et ainsi le rôle d'un juge
d'appel objectif des questions constitutionnelles.
Deux situations sont possibles : ou la décision du
premier degré est contestée par les parties par la voie d'appel,
auquel cas la Cour constitutionnelle statue sur l'incident avec le tour
particulier des spécificités de la cause en examen, ou la
juridiction de première instance proprio motu saisit la Cour
constitutionnelle aux fins de faire confirmer sa décision, auquel cas
cette dernière statue comme juge constitutionnel sans égard ni
aux arguments des parties ni aux particularités du litige.
Par la voie d'appel en effet les parties disposent ainsi de la
possibilité de discuter indéfiniment ou à tout le moins
avec bonheur les questions d'interprétation des textes
constitutionnelles ou de leur application sans qu'aucun filtrage ne soit
exercé à ce niveau. Il convient de conclure avec Xavier Philippe
que « cette compétence partagée constitue un principe
auquel la Cour constitutionnelle est très attachée car elle
estime que la protection de la Constitution et sa suprématie
dépendent de l'ensemble de l'ordre juridictionnel et non pas d'elle
seule. Le contrôle de constitutionnalité n'est pas envisagé
en Afrique du Sud séparément des autres
questions ».502(*)
Une autre spécificité du modèle
sud-africain réside à coup sûr dans la technique de recours
direct devant la Cour constitutionnelle depuis n'importe quelle juridiction de
quel que niveau qu'elle soit. Un filtrage de l'intérêt de la
justice est fait préalablement par la Cour constitutionnelle seule. Une
forte similitude avec le pourvoi dans l'intérêt de la loi du droit
congolais peut être notée à ce niveau sauf à voir
que l'initiative en est laissée aux particuliers pour ce qui est du
recours direct.
Il suffit alors que non seulement la requête recueille
quelques chances de réussite mais aussi que la résolution du cas
soit nécessaire dans l'intérêt de la justice. Entre en
ligne de compte souvent la fréquence avec laquelle la question
posée pourrait se reproduire devant les autres juridictions.
En dehors de l'appel direct devant la Cour constitutionnelle,
il existe le recours direct en inconstitutionnalité qui est
inspiré vraisemblablement de celui qui existe en Allemagne et que nous
avons vu plus loin. Toutefois, bien que prévu à l'article 167 (6)
(a) de la constitution, ce recours est enchâssé dans un trio des
règles prévues à l'article 17 du règlement
intérieur de la Cour. Le recours doit ainsi indiquer en quoi il favorise
l'intérêt de la justice, les effets recherchés et apporter
des preuves ou offrir de les apporter relativement à l'objet de la
requête.
La Cour, comme dans le cas d'appel direct, garde une large
marge d'appréciation de la réalisation de ces trois conditions.
Sans critiquer le droit anglo-saxon dans son ensemble, l'on peut
légitimement se poser la question de savoir s'il est cohérent
dans un système de droit que le juge soit appelé à
appliquer des normes par ailleurs établies par lui-même.503(*)
Quant à la forme, il est utile de remarquer que les
recours sont adressés à la Cour constitutionnelle par le biais du
« huissier auprès des Hautes Cours » ; ce qui
est l'équivalent d'un avoué à la Cour dans le
système romano-germanique. Mais des dérogations sont possibles
à la seule discrétion de la Cour. Les parties sont
représentées par des « avocats auprès des Hautes
Cours ».504(*)
Ils doivent néanmoins avoir un mandat accepté par la Cour.
Il convient de remarquer que les requêtes sont
déposées par les parties sous la forme d'une motion
c'est-à-dire recours introductif d'instance soutenue par un
affidavit c'est-à-dire une déclaration écrite
faite sous serment. Les parties échangent les mémoires dans un
délai de quinze jours maximum. Le président en cas d'urgence peut
déroger à ces délais en les abrégeant. Outre le
caractère écrit des arguments des uns et des autres, l'audition
des parties demeure un principe appliqué par la Cour. Aux yeux des juges
et des parties, il reste que l'attachement à l'oralité des
débats est une valeur de la tradition juridique sud-africaine. Comme
mélange avec le système anglo-saxon, le système
sud-africain reconnaît l'intervention des amicus curiae
c'est-à-dire des personnes intéressées par le
procès et qui, avec l'accord des parties et celui du Président de
la Cour, souhaitent intervenir dans le litige. Il ests entendu que cet accord
détermine les droits et obligations des amicus curiae.
Outre l'indication de leur intérêt à agir,
les amicus curiae doivent de même décrire la position soutenue et
dire en quoi elle serait utile à la Cour, endéans dix jours et
dans le strict respect de l'accord des parties et l'approbation du
Président de la Cour. Ce dernier peut restreindre les droits
découlant de l'accord ainsi donné.
Quant au jugement, la forme empruntée est celle d'un
jugement dans le système anglo-saxon permettant des opinions
séparées et dissidentes. Par ailleurs, la transparence qu'impose
un tel système est de nature à permettre le suivi des tendances
jurisprudentielles de la Cour sud-africaine. Le président n'a pas de
voix prépondérante. C'est un des traits saillants du
modèle sud-africain.
L'autre caractéristique fondamentale de ce
modèle est que le juge sud-africain peut soit invalider purement et
simplement une disposition inconstitutionnelle, soit demander au Parlement de
modifier les dispositions législatives de façon à les
rendre conformes à la Constitution, soit, et c'est cela la meilleure,
suppléer la carence législative en ajoutant elle-même
certaines dispositions de manière à rendre compatible la
disposition censurée avec la Constitution. 505(*)
L'on ne peut clore ce sujet sans dire un mot sur le
caractère totalement protecteur des droits fondamentaux vis-à-vis
des autorités publiques dont tous les actes sont désormais soumis
à la censure du juge constitutionnel. Avec Xavier Philippe, nous
devrions reconnaître qu'en peu de temps elle a fait ses preuves en
prenant des décisions parfois à contre courant de l'opinion
majoritaire et en censurant les actes présidentiels même ceux qui
sont habituellement parés de l'immunité juridictionnelle comme
les grâces présidentielles.506(*)
Si tel est l'excellent état des lieux que la doctrine
spécialisée établit sur la Cour constitutionnelle en
République sud-africaine, voyons à présent ce qu'il en est
du Sénégal qui passe pour un modèle démocratique
sur le continent malgré quelques ratés du reste peu
négligeables au regard d'énormes catastrophes que connaît
l'Afrique centrale.
* 485 GICQUEL (J.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, op.cit, p.33.
* 486 NTUMBA LUABA LUMU
(A.-D.), Droit constitutionnel général, Kinshasa, EUA,
2005, p.116.
* 487 Lire BOSHAB (E.),
Pouvoir et droit coutumiers à l'épreuve du temps,
Louvain-la-neuve, Academia Bruylant, 2007, 338p. L'auteur indique de
façon magistrale comment les pouvoir et droit coutumiers opposent une
résistance aux pouvoir et droit de l'Etat. N'est-ce pas la
résistance des vaincus dont parle Ziegler contre un Etat et son droit
perçus comme les avatars d'une domination extérieure ? Ou,
tout simplement, s'agissant d'une greffe, la durée n'est-elle pas
insuffisante pour que celle-ci prenne sur le corps social congolais ? En
tout cas, la réflexion peut continuer sur ces rivages.
* 488 Lire ROBINSON,
« Constitutional Autochthony in Ghana », Journal of
Commonwealth Political Studies, 1961, n°4, cité par NTUMBA LUABA
LUMU (A.-D.), op.cit, p.117.
* 489 Nous pensons à
la fameuse « Commission Vérité et
Réconciliation » qui a fait ses preuves dans ce pays
africain.
* 490 Lire avec
intérêt l'excellent article de Bruno NEVEU, « Costume
des juristes », Dictionnaire de la culture juridique, Paris,
PUF, Lamy, Quadrige, 2003, pp.309-313.
* 491 Lire FACULTE DE DROIT
DE LA KATHOLIEKE UNIVERSITEIT BRUSSEL, (sous la direction de), Le
langage du droit accessible à tous ?, Actes du colloque tenu
le 17 novembre 1999 à la faculté de Droit de la Katholieke
Universiteit Brussel avec le concours de Recherches et Documentation juridiques
africaines Asbl, Bruxelles, éditions RDJA, 2000, 138 pp.
* 492 YOKO YAKEMBE (P.),
L'UNESCO et le développement de l'éducation en Afrique noire
indépendante, Thèse de doctorat de spécialité
en droit public, Université de Dijon, 1970.
* 493 PHILIPPE (X.),
« La Cour constitutionnelle sud-africaine. Présentation de la
Cour constitutionnelle sud-africaine », Cahiers du Conseil
constitutionnel, n°9, 18 pp in
http://www.conseil-constitutionnel.fr/cahiers/ccc9/ccsa.htm
consulté le 27 février 2008.
* 494 Ibidem
* 495 Voy article 166 de
la Constitution définitive de 1996.
* 496 Après avoir
passé six ans en Afrique du Sud, participé aux travaux et
débats de l'Assemblée constituante pour aboutir à la
rédaction de la Constitution sud-africaine, et suivi les travaux de la
Commission Vérité et Réconciliation, ce thème est
devenu, depuis 1997, le thème de recherche privilégié du
Professeur Xavier Philippe. Il a donné lieu aux réalisations
suivantes pendant la période de référence : Xavier
Philippe, "La justice transitionnelle : une nouvelle forme de justice ?",
L'Observateur des Nations Unies, septembre 2003 ; " Commission
Vérité et Réconciliation et droit constitutionnel ",
in Rhétoriques et Droits Vérité et
Réconciliation après l'Apartheid, in
«Vérité, Réconciliation et Réparation»,
sous la dir. de B. Cassin, O. Cayla et P-J Salazar, pp.219-241, Coll. Le Genre
Humain, Seuil, 2004 ; " Plurijuridisme constitutionnel et droits
coutumiers en Afrique du sud ", Association Internationale de
Méthodologie Juridique- 8ème Congrès mondial
Aix-en-Provence - 4 au 6 septembre 2003, RRJ 2004 ; " Le droit,
l'État de droit et les cultures africaines dans la transition
post-apartheid " Revue Projet Mars 2005 ; " Le rôle du
constitutionnalisme dans la construction des nouveaux États de droit
" Mélanges offerts à Loïc Philip, 2005 ;" La famille dans la
guerre ", Mélanges offerts à F. Ringel, 2006 (à
paraître) ; " The principles of universal jurisdiction and
complementarity: how do the two principles intermesh? ", Revue
Internationale de la Croix Rouge Vol. 88, n°862, 2006 ; " Justice
Transitionnelle et Nations Unies ", L'Observateur des Nations Unies,
Octobre 2006s; " Breaching the Principle of Proportionality between
the Gravity of the Crime and the Weight of the Sanction in Transitional Justice
Systems ", San Remo Institut International de Droit Humanitaire Table Ronde
- 7-9 Sept 2006.
* 497 Voy article 167 de
la Constitution de 1996.
* 498 PHILIPPE (X.),
op. cit, p.5.
* 499 Idem, p.6.
* 500 Il s'agit d'une liste
de 34 principes, nous dit Xavier PHILIPPE, adoptés par les partis
politiques ayant participé aux négociations constitutionnelles
originaires. Avant même que la Constitution intérimaire ne soit
adoptée, les partis s'étaient mis d'accord sur une liste des
principes qu'ils s'étaient engagés à respecter lors de
l'écriture de la Constitution de 1993 mais également lors de
l'élaboration de la Constitution définitive. Afin que cela ne
reste un voeu pieux, la Constitution intérimaire avait confié
à la Cour constitutionnelle le rôle de vérifier le respect
de ces principes fondamentaux (article 74 de la constitution intérimaire
de 1993).
* 501 PHILIPPE (X.),
op.cit, p.6.
* 502 PHILIPPE (X.),
op.cit, p.7.
* 503 Dans le
système de droit de la Cour pénale internationale, l'on peut
noter la présence dans l'arsenal juridique du règlement de la
Cour et du règlement du greffe qui contiennent tous les deux des
dispositions relatives à la procédure devant cette juridiction
internationale. Ces deux instruments internationaux sont ici aussi l'oeuvre des
juges même s'ils ont été adoptés par
l'assemblée des Etats parties.
* 504 En RSA, les avocats
près les Hautes Cours sont des Advocates.
* 505 La décision
National Coalition for Gay and Lesbian Equality v.Minister of Home Affairs
du 2 décembre1999 dans laquelle la Cour a ajouté les termes
« ou de partenaires du même sexe » après les
mots « époux » de façon à supprimer la
discrimination pour l'entrée et le séjour de personnes vivant
avec un résident permanent sud-africain. Voir traduction et commentaire
de cette décision, http :
www.law.wits.ac.za/judgements/1999/natcoal.html
* 506 Voir http s:
www.law.wits.ac.za/judgements/1999/natcoal.html
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