3.1.2.4. Interprétations
économétriques et économiques
A travers l'estimation par le GMM en système, six (6)
variables ont été identifiées comme ayant une influence
significative sur les exportations totales et les exportations non produits
pétroliers de l'ensemble ou de quelques groupes de pays de la CEDEAO. Il
s'agit des exportations totales antérieures, de la distance, de la
population américaine, des exportations vers l'Union Européenne,
des exportations AGOA et du taux de change. Quatre aspects de ces
résultats empiriques sont particulièrement d'intérêt
: l'impact des exportations antérieures des pays de la CEDEAO
sur leurs exportations totales, l'impact de l'AGOA sur les
exportations des pays de la CEDEAO, l'impact des exportations vers
l'UE et l'impact des autres variables (distance, population
américaine, taux de change). Le tableau 3.4 donne les conditions de
maintien du signe de certains coefficients.
Tableau 3.4 : Conditions de maintien du signe de
certains coefficients
Variable Après estimation Formule du Condition
sur
Coefficient Signe Coefficient le coefficient
AGOA ã6 positif
ã6 = (1-ó)ë6 + si
ó < 1 et ë6 >
0
Population américaine ã2
positif ã2 = (1-ó)ë2 + si
ó < 1 et ë2 >
0
Source : tableaux 3.3 et 3.3'
NB : (**) significatif à 5% ; (***) significatif à
1%
Le tableau 3.4 montre que le coefficient des exportations AGOA
et celui de la population américaine sont positifs si
l'élasticité de substitution constante (CES) est
inférieure à 1. Dans l'interprétation, le coefficient des
exportations antérieures et des variables traditionnelles61
du modèle représente des élasticités tandis que
ceux des autres variables sont des semi-élasticités.
3.1.2.4.1. L'impact des exportations antérieures des pays
éligibles de la CEDEAO sur les exportations totales
Le tableau 3.3' montre que l'effet des exportations totales
antérieures et des exportations non produits pétroliers
antérieures des 12 pays éligibles de la CEDEAO respectivement sur
leurs
61 Le PIB et la distance
KONATE/Mémoire-Master-NPTCI/Impact de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles de la CEDEAO
exportations totales et leurs exportations non produits
pétroliers courantes est négatif et significatif au seuil de 1%.
Donc entre 1999 et 2008, un accroissement de 1% des exportations totales
antérieures et de celles des produits non pétroliers de ces pays
a entraîné une baisse de leurs exportations courantes et de leurs
exportations non produits pétroliers respectivement de 1,24% et de
1,52%. Ce signe est inattendu car les exportations antérieures devraient
influer favorablement les exportations courantes. Ce signe est également
opposé à celui obtenu par Nouve (2005) où
l'échantillon est composé de tous les pays d'ASS.
Ce paradoxe peut se justifier en terme de limitation des
capacités de production et d'exportation des pays éligibles de la
CEDEAO qui sont majoritairement des PMA (75%). En effet malgré leurs
dotations en ressources, ces pays ont a leur actif un secteur industriel
embryonnaire et des techniques agricoles rudimentaires qui les rendent moins
apte à satisfaire à court terme la demande d'importations
étrangères, moins apte à faire face aux chocs sur les
marchés internationaux (prix des produits). Les graphiques 1.1 et 1.2
montrent que entre 1999 et 2003, tous les pays éligibles de la CEDEAO
ont vu leurs exportations décroître et de façon importante
pour les deux plus grands exportateurs vers les USA (Nigeria, Ghana). Certains
pays (Benin, Burkina, Gambie, Guinée-Bissau, Sierra Leone) n'ont presque
pas ou pas du tout exporté sous l'AGOA malgré ses avantages
alléchants. Pour les pays producteurs de pétrole comme le
Nigeria, ce phénomène est beaucoup plus crucial dans la mesure
où l'exploitation de cette ressource nécessite de gros
investissements dans l'optique d'accroissement de l'offre. Mais à long
terme, ces pays pourront ajuster leurs capacités productives en
recourant aux investissements étrangers ou aux prêts pour
répondre à la demande d'importation.
3.1.2.4.2. L'impact de l'AGOA sur les exportations
des pays éligibles de la CEDEAO
Les coefficients estimés à partir du
modèle (7) montrent qu'entre 1999 et 2008, l'AGOA a positivement
influencé les exportations totales et les exportations non produits
pétroliers des pays de la CEDEAO respectivement avec un coefficient
(ã6) très significatif de
1,51.10-7 et 5,47.10-8 pour le GMM système. Cela
implique que les opportunités offertes par l'AGOA depuis sa mise en
oeuvre en 2000 ont été saisies par les 12 pays éligibles
de la CEDEAO mais faiblement au regard de la valeur des coefficients. L'impact
de l'AGOA sur les produits non pétroliers a été beaucoup
plus faible. En effet, un accroissement d'un dollar des exportations AGOA de
ces pays a entrainé l'augmentation des exportations totales de
1,51.10-7 % contre une augmentation de 5,47.10-8 % pour
les exportations non pétrolières. C'est donc dire que les IDE
entrés dans la communauté, l'assistance technique reçue et
les prêts octroyés par le biais
59
KONATE/Mémoire-Master-NPTCI/Impact de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles de la CEDEAO
de l'AGOA et dont le Nigeria fut le principal
bénéficiaire ont dynamisé les exportations de la CEDEAO
mais très faiblement.
Tout comme Shapouri et Trueblood (2003), Nouve et Staatz
(2003), Nouve (2005) conclut à un impact positif de l'AGOA sur les
exportations des pays d'ASS vers les USA pendant les quatre premières
années de sa mise en oeuvre. Seulement, cet effet est beaucoup plus
important variant entre 0,16 et 0,20 selon les deux estimateurs GMM. Il va sans
dire que dans cette étude, l'influence de grands exportateurs et
producteurs de pétrole (Afrique du Sud, Gabon, Congo, Angola) a
été de mise contre dans notre étude-ci, le faible
dynamisme des échanges des pays éligibles de la CEDEAO sans le
Nigeria. Contrairement à ces auteurs, Fouda (2008) aboutit à un
effet positif mais non significatif de l'AGOA sur les exportations totales et
les exportations non minières des pays d'ASS et de l'Afrique de l'Ouest
observés entre 1970 et 2004. La divergence dans les résultats
serait due à la longue période considérée par Fouda
(2008) mais qui ne tient en compte que quatre années de variation de la
variable AGOA
Par ailleurs, la positivité du coefficient
(ã6) est conditionnée par une
contrainte sur ó et ë6 comme le montre le
tableau 3.4. Puisqu'il n'y a pas d'estimation fiable du paramètre
ó, celuici peut prendre une gamme
variée de valeurs (Anderson et Wincoop, 2001/2003) et les valeurs
communément utilisées ont tendance à être plus
grandes (Nouve, 2005). Cependant, il y a une évidence solide que les
élasticités des exportations d'ASS aux USA sont inferieures
à l'unité pour plusieurs biens (Bilgic et al., 2002). Cela
implique que l'élasticité de substitution
ó est inférieure à 1. Donc les
exportations de la CEDEAO ont été peu substituables. Et comme
l'effet de l'AGOA est positif alors ë6 > 0. Une implication de cette
analyse est que les pays de la CEDEAO tireront davantage profit de l'AGOA en
diversifiant leurs exportations (en les rendant moins substituables) sur le
marché américain.
Il est important d'évaluer l'impact de l'AGOA sur les
exportations totales de la communauté car l'impact positif de l'AGOA sur
certains produits peut compenser l'impact nul ou négatif sur d'autres
produits. Du reste, l'influence de l'AGOA sur l'allocation des ressources
(naturelles, financières, humaines, ...) dans la production des biens
d'exportation pourrait aider à identifier les canaux par lesquels
l'initiative américaine affecte les exportations totales et cela
permettra l'élaboration de stratégies appropriées pour
maximiser les profits à tirer de l'AGOA.
KONATE/Mémoire-Master-NPTCI/Impact de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles de la CEDEAO
3.1.2.4.3. L'impact des exportations vers l'UE sur
les exportations totales des pays éligibles de la CEDEAO vers les Etats
Unis
L'UE est le principal partenaire commercial des pays de la
CEDEAO (Mold, 2005). Ainsi, étant donné que la capacité de
production et d'exportation des pays de la CEDEAO est limitée, elle
pourrait détourner le commerce de la CEDEAO avec les Etats Unis et dans
ce cas le signe du coefficient des exportations vers l'UE serait
négatif. Toutefois, l'expérience acquise dans le cadre du SGP
européen ou des accords unilatéraux européens (Accord de
Lomé/Cotonou, Initiative TSA) au profit de ces pays peut être un
atout pour dynamiser leurs échanges avec les USA notamment dans le cadre
de l'AGOA, leur offrant ainsi de meilleures conditions de production et
d'exportation. Dans ce cas, le signe attendu est positif. Donc le signe de ce
coefficient est ambigu.
Pour l'estimateur GMM en système, le modèle
estimé montre que l'effet (ã7) des
exportations des pays éligibles de la CEDEAO (échantillon 1) et
celui des pays qui ont le moins exporté sous l'AGOA (échantillon
3) vers l'UE sur leurs exportations vers les Etats Unis sont positifs,
significativement différents de 0 au seuil de 5% et respectivement
égaux à 1,47. 10-11 et 5,51.10-11.
Autrement dit l'augmentation des exportations de ces deux groupes de pays vers
l'UE d'un F CFA a entrainé l'accroissement de leurs exportations vers
les USA de 1,47.10-11 % et de 5,51.10-11 %
respectivement. Ainsi cet effet a été 4 fois plus important pour
les pays qui ont peu profité de l'AGOA.
Ce résultat est contraire au signe attendu. En effet,
l'UE étant le principal partenaire de la CEDEAO, on s'attendait à
un signe négatif donc à un détournement des exportations
de la CEDEAO vers les Etats Unis car malgré l'avènement de
l'AGOA, leurs exportations AGOA ont été nulles ou presque nulles
(Benin, Burkina, Gambie, Guinée Bissau, Sierra Leone), ont peu
évolué (Ghana), ont diminué (Cap Vert, Guinée,
Niger). Mais le signe positif de ã7 implique
que le partenariat avec l'UE a positivement influencé le commerce de ces
pays avec les USA. Les procédures d'exportation de produits sous un
accord donné sont longues et les coûts élevés
surtout pour les petits exportateurs. Ainsi, les expériences acquises
dans le cadre
des préférences commerciales62
|
européennes notamment l'Accord de Lomé/Cotonou
(depuis
|
1975), l'Initiative TSA (depuis 2000) ont édifié
les exportateurs de la CEDEAO. Mais cet
62 Les exportateurs préfèreront
exporter sous ces différents accords étant donné qu'ils
leur offrent beaucoup d'avantages surtout en matière de droits de
douane. C'est pourquoi la variable désignant les exportations vers l'UE
fait référence à l'Accord de Lomé/Cotonou.
61
KONATE/Mémoire-Master-NPTCI/Impact de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles de la CEDEAO
effet positif des exportations de la CEDEAO vers l'UE sur leurs
exportations totales vers les USA est très faible.
En revanche, le signe des exportations vers l'UE sur les
exportations de produits non pétroliers est celui attendu. Cet impact
sur les exportations non produits pétroliers (Estimation 2) est
négatif et égal à -1,62.10-13. On peut donc
dire que sur la période 1999-2008, les exportations vers l'UE ont
détourné les exportations non produits pétroliers vers les
USA. Par conséquent pour ces produits, l'effet du partenariat
européen aurait dominé. Cependant, le coefficient reste
statistiquement non significatif. Ainsi les résultats viennent
corroborer l'ambiguïté du signe du coefficient des exportations de
la CEDEAO vers l'UE.
3.1.2.4.4. L'impact des autres
variables
D'après les estimations de l'équation (8), le
coefficient de la population américaine (ã2)
et celui de la population des pays de la CEDEAO
(ã1) sont positifs mais seulement le premier
est significatif au seuil de 5% pour les deux estimateurs. Cela est conforme
à nos prévisions et aux résultats obtenus par Fouda
(2008). Ainsi au cours de la période 1999-2008, l'accroissement annuel
de la population américaine d'un habitant a entraîné
l'augmentation des exportations des pays éligibles de la
communauté à un taux compris entre 0,00007% et
0,00005%. Malgré que la littérature
théorique sur le signe attendu du coefficient de la population dans
l'équation de gravité est ambiguë, Cheng et Wall (1999)
remarque que les interprétations ont tendance à suivre les
conclusions de Bergstrand (1989). Selon lui, un coefficient positif
(négatif) de la population signifie que les exportations sont intensives
en travail (en capital) pour le pays exportateur.
Ainsi d'après Bersgtrand, les exportations de la CEDEAO
sont intensives en travail. Cette conclusion infirme les résultats
obtenus par Nouve (2005) pour les pays d'ASS et pour les Etats Unis. Pour lui,
les exportations d'ASS sont intensives en capital et les exportations
américaines élastiques par rapport à la population. Cela
n'est pas étonnant dans la mesure où l'échantillon
était constitué de pays africains exportateurs de produits
à haute valeur ajoutée comme le Nigeria, l'Afrique du Sud, le
Congo, l'Angola,... Mais concernant les pays de la CEDEAO, les produits
primaires représentent 99,40% de leurs exportations totales en 2008
contre 98,81% en 2000 (annexe 11). Dès lors, les résultats de
cette étude corroborent la théorie économique qui postule
que les pays de la CEDEAO, spécialisés dans la production de ce
type de produits (primaires) sont intensifs en travail. C'est pourquoi
d'ailleurs les importations américaines en provenance de cette
région sont inélastiques car la population
KONATE/Mémoire-Master-NPTCI/Impact de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles de la CEDEAO
américaine est désireuse de produits
manufacturés (Nouve, 2005). Il en découle que les pays de la
CEDEAO doivent davantage développer leur tissu industriel en vue de la
production de produits finis et ainsi profiter du vaste marché
américain.
Mais si on s'en tient aux résultats, la faiblesse des
exportations non produits pétroliers pourrait se justifier. En effet,
les exportations de la CEDEAO connaissent une croissance importante mais
restent dominées par les produits pétroliers. Ces produits
tendent à constituer la première exportation de la plupart des
pays éligibles. C'est donc la composition du panier
de biens exportés63
|
aux Etats Unis qui dope la croissance des exportations
totales.
|
Concernant la variable distance, l'estimation de
l'équation (8) a donné un coefficient élevé
â3 = -14.96978, significatif au seuil
de 1% mais seulement pour l'estimateur GMM en système reconnu d'ailleurs
pour son efficacité. Le signe de ce coefficient est conforme aux
attentes. Ainsi même si les pays de la CEDEAO sont pratiquement tous
à égale distance des USA, il reste que certains ont un
accès à la mer et d'autres non. L'enclavement peut dés
lors être un facteur de résistance au commerce bilatérale
entre un pays de la CEDEAO et les Etats Unis, allongeant implicitement la
distance qui les sépare. De ce fait, les pays de la CEDEAO ont
intérêt à cultiver l'intégration économique
en mal afin de faciliter l'ouverture des pays enclavés aux
marchés mondiaux en général et au vaste marché
américain en particulier. Le renforcement de la politique
d'infrastructures de transport commune pourrait également réduire
l'effet négatif de cette variable.
De même, le coefficient du taux de change
(ã3) n'est significatif que pour le GMM
système à 5%. Inattendu, son signe (-0,0214) laisse entendre
qu'une variation du taux de change d'une unité provoque une diminution
des exportations de la CEDEAO vers les USA de 0,0214%. Ce signe conforte les
conclusions de Fouda (2008) où la valeur du coefficient est de -0,03.
Mais théoriquement dans un système de cotation à
l'incertain comme ici, un accroissement du taux de change bilatéral ($US
- FCFA par exemple) entraîne une dépréciation du F CFA et
donc un gain de compétitivité des pays utilisant cette monnaie. A
propos, Dufort et Murray (2004) ont montré qu'une appréciation du
dollar canadien par rapport au dollar américain entraîne une perte
de croissance des exportations canadiennes en direction des USA. Si cette
théorie est battue en brèche dans le cas de la CEDEAO, c'est
qu'en fait, le dollar américain fluctue beaucoup (Dufort et Murray,
2004) et que ces pays sont moins flexibles aux chocs externes
63 Le pétrole occupe une part importante dans
ce panier et il est beaucoup prisé aux USA.
63
KONATE/Mémoire-Master-NPTCI/Impact de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles de la CEDEAO
(Henner, 1997). Cela affecte la parité des
différentes monnaies de la CEDEAO et le dollar américain toute
chose qui dissuade les businessmen qui peuvent d'un jour à l'autre
perdre d'énormes devises. Fouda (2008) explique le signe inattendu par
l'inexistence d'une évaluation directe de la monnaie de la plupart des
pays d'ASS et de la CEDEAO avec le dollar américain. Comparativement, la
stabilité avec l'Euro (notamment pour le F CFA) donne une idée
des gains futurs et peut renforcer les relations commerciales.
La non significativité des autres variables conduisent
à conclure à leur impact négligeable sur les exportations
des pays de la CEDEAO.
Somme toute, l'AGOA a eu un impact positif sur les
exportations totales des pays de la CEDEAO mais un impact beaucoup plus faible
sur les exportations des produits non pétroliers (soit trois fois
moins). Par ailleurs, l'analyse à travers le modèle de
gravité révèle que les exportations de la CEDEAO vers l'UE
ont eu un impact positif sur leurs exportations totales vers les Etats Unis
mais un impact négatif mais non significatif sur leurs exportations de
produits non pétroliers vers les Etats Unis. Si ce modèle a
permis de déterminer l'impact de l'AGOA, il est cependant moins apte
à évaluer le volume du commerce dû à cette
initiative américaine. C'est l'objet de l'utilisation du modèle
Constant Market Share (CMS)
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