2.2. Analyse théorique des échanges entre
les Etats Unis et les pays de la CEDEAO
Les premiers théoriciens des échanges
internationaux estiment que les nations profitent du libre-échange du
fait de leur spécialisation dans la production des biens et services
pour lesquels ils détiennent un avantage comparatif. Mais le contexte
économique mondiale des années 50 a favorisé
l'émergence des accords préférentiels d'abord
intra-régionaux, puis interrégionaux et enfin inter continentaux
pour corriger des inégalités. Nous privilégierons
l'approche par les exportations car l'un des succès de l'AGOA tient
à sa capacité à favoriser une augmentation des
exportations des pays bénéficiaires vers les USA tout en
rappelant le rôle de la demande à cause de l'importance de la
demande américaine.
2.2.1. Fondements théoriques des échanges
internationaux
La théorie du libre-échange a été
développée en réaction au mercantilisme37 qui
consacrait
l'ouverture extérieure comme source de richesse des
nations. C'est Martyn38
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qui jeta les bases
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37 Il existait trois courants mercantilistes :
a-le bullionisme ou «mercantilisme espagnol» qui
préconise l'accumulation de métaux précieux ; b- le
colbertisme ou «mercantilisme français» qui est tourné
pour sa part vers l'industrialisation ;
KONATE/Mémoire-Master-NPTCI/Impact de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles de la CEDEAO
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2009
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d'une réflexion sur le bien fondé du libre
échange en signifiant que la liberté de commerce accroît le
bénéfice de l'Inde. L'échange international ainsi
prôné est toujours fondé sur une différence, qui
entraine des différences de coût de production et/ou de prix de
vente sur les marchés (Henner, 1997).
La théorie de l'avantage absolu de Smith (1776) stipule
que pour deux biens, un pays a intérêt à développer
la production du bien pour lequel il dispose d'une productivité de
travail supérieure à celle de son concurrent et à importer
le bien pour lequel il a un désavantage absolu de productivité.
Ce modèle smithien exclut cependant le pays désavantagé
pour les deux biens c'est-à-dire n'explique pas l'échange
lorsqu'un pays à un désavantage absolu.
Dans un cadre a-monétaire, Ricardo (1817) prolonge
l'analyse smithienne et démontre qu'il suffit que les structures
nationales de prix (coûts comparés ou coûts
d'opportunité) soient différentes en autarcie pour qu'un
échange bénéfique même pour le pays doublement
désavantagé puisse prendre place et qu'apparaisse un gain
réel de cet échange. Le taux d'échange international doit
être compris entre les limites des coûts comparés
internes.
Ce modèle ricardien ne peut cependant être
étendu à plusieurs biens. Alors une généralisation
dans une économie monétaire à continuum de biens est
proposée. Ce modèle ricardien
monétarisé à continuum de
biens39
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permet de déterminer d'emblée les produits
exportés par
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chacun des deux pays, compte tenu des productivités
comparées par banche, des taux de salaire relatifs et du taux de
change.
Si toutes ces théories originelles déterminant le
gain de l'échange sont fondées exclusivement
sur les caractéristiques de l'offre, la théorie de
la demande réciproque 40 de John Stuart Mill
montre que le partage du gain est fondé sur les
conditions de demande. Ainsi, un pays avantagé peut-il gagner moins
à l'échange que son partenaire lorsque sa demande est peu
élastique par rapport au revenu et que son offre comporte pour
l'essentiel des produits régressifs.
c- le commercialisme ou «mercantilisme anglais» qui
voit dans le commerce extérieur la source de la richesse d'un pays.
Les principaux penseurs de cette théorie étaient
Jean Bodin (1530-1596), Antoine de Montchrestien (1576-1621), William Petty
(1623-1687).
38 La première analyse rigoureuse sur le
libre-échange est de Henry Martyn dans Considérations sur le
commerce avec les Indes orientales (1701).
39 Il retrouve les découvertes empiriques de
McDougall ou plus récemment celles de Guinchard : un avantage comparatif
ricardien ne suffit pas à garantir l'exportation d'un produit par un
pays s'il existe plusieurs biens.
40 Linder (1961) et Lassudrie-Duchêne (1971)
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Sous l'inspiration de la théorie de Ricardo, le
théorème de Heckscher-Ohlin (HO)41
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a montré
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que sous les hypothèses de technologie similaire entre
pays, d'intensité factorielle différente entre biens et d'absence
de mobilité internationale des facteurs de production, les pays
engagés dans l'échange international exporteront les biens dont
la production utilise de manière relativement intensive les facteurs
dont le pays est relativement bien doté.
Dès 1923, Graham envisageait l'influence des
économies d'échelle sur le commerce. Il fonde son analyse sur des
hypothèses fortes d'évolution des coûts de production, ce
qui lui permet de distinguer l'avantage statique de l'avantage dynamique dont
peut bénéficier un pays. Il a montré que toutes les
spécialisations ne s'équivalent pas à long terme,
certaines sont propices à l'apparition de rendements croissants et donc
de coûts décroissants liés notamment aux économies
d'échelle des firmes et à la taille de leur marché,
d'autres pourraient générer des coûts croissants
liés à la spécialisation dans les produits non porteurs.
On distingue deux
approches de cette théorie 42 : la première se
fonde sur les modèles de la concurrence
38
oligopolistique des marchés, principalement ceux de
Cournot adaptés par les travaux de Brander et Krugman et selon laquelle
les échanges internationaux sont la conséquence des comportements
stratégiques des firmes qui créent un effet pro compétitif
du commerce.
La seconde s'appuie sur les deux grands modèles de la
concurrence monopolistique des marchés de Hotelling et de Chamberlin
adaptés par les travaux de Krugman, Lancaster et Helpman. Pour ces
auteurs, les échanges internationaux sont la conséquence du
goût pour la diversité des consommateurs qui engendre une demande
pour les variétés étrangères et des rendements
d'échelle croissants pour les producteurs et favorise en plus, l'effet
d'attractivité des marchés. Cette théorie est fondamentale
dans cette étude d'impact dans la mesure où les
préférences américaines pour certains biens de la CEDEAO
sont très dominantes (produits pétroliers et carburants).
41 Le théorème HO (1933) a connu une
amélioration à travers le lemme de Stolper-Samuelson (1941) pour
devenir le théorème HOS. Le théorème HOS montre que
l'accroissement du prix relatif du bien pour lequel le pays a un avantage
comparatif augmente la rémunération du facteur de production qui
est utilisé intensivement dans la production. La convergence dans les
prix relatifs conduit aussi à une convergence dans les
rémunérations des facteurs de production (Egalisation du
coût des facteurs). Il existe également une autre extension du
théorème HO dans une situation de techniques de production
identiques et d'égalisation des revenus factoriels à travers le
théorème HOV (Heckscher Ohlin-Vanek). Ce théorème
montre que le pays abondant dans un facteur exporte le service de ce facteur
(ce qui est différent d'une exportation de biens intensifs dans ce
facteur).
42 La nouvelle théorie du commerce
international reprend les outils microéconomiques
développés par l'économie des marchés et
l'économie industrielle, en les adaptant, pour traiter de la concurrence
imparfaite.
KONATE/Mémoire-Master-NPTCI/Impact de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles de la CEDEAO
De ce qui précède, il ressort globalement que la
détention d'un avantage en terme de ressources naturelles, de
connaissance, de technologie ou d'espace est un critère
déterminant dans les relations internationales. Les théories du
commerce international montrent que les pays africains en général
et de la CEDEAO en particulier gagnent en échangeant avec les USA dans
la mesure où ils disposent déjà de potentialités
énormes à l'origine d'avantages comparatifs. En effet, tout comme
les autres accords commerciaux unilatéraux, l'éligibilité
à l'AGOA leur permet d'attirer de nouveaux investissements et
d'accroître leurs exportations avec l'acquisition de nouveaux
débouchés.
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