2.1.2. Autres débats relatifs à la mise en
oeuvre de l'AGOA
Les auteurs ne s'accordent pas également sur
l'interférence entre accords commerciaux non réciproques.
Certaines études estiment que des accords commerciaux non
réciproques peuvent être concurrents ; autrement dit l'un peut
avoir un impact négatif sur l'autre. Candau, Fontagné et Jean
(2004) soulignent en effet que de nombreux partenaires de l'UE peuvent
bénéficier d'autres systèmes et qu'il est donc difficile
d'identifier dans un cas particulier le système dans le cadre duquel un
produit d'exportation donné a pénétré le
marché de l'UE. Cette difficulté d'identification peut donc
entrainer la sous-évaluation des exportations d'un pays
bénéficiaire dans le cadre d'un accord préferentiel
unilatéral européen donné (SGP, Accord de
Lomé/Cotonou, Initiative TSA).
Dans une évaluation détaillée de
l'efficacité des différents systèmes
préférentiels disponibles, l'OCDE (2004) confirme cette vision
qui veut que les taux d'utilisation soient beaucoup plus élevés
qu'on ne le pense généralement lorsque l'on tient compte des
systèmes concurrents. Ces constats laissent entendre que la sous
utilisation supposée des préférences, telle que
reflétée par les taux
d'utilité35
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et d'utilisation, est en quelque sorte un leurre statistique
qui
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donne une idée trompeuse de l'assimilation de
préférences proposées.
Dans le même document, l'OCDE (2004) a
réalisé une étude empirique intéressante sur
le choix du régime de l'initiative à l'aide d'un modèle
économétrique type Probit. Ce modèle
35 Le taux d'utilité représente le
rapport entre la valeur des importations bénéficiant d'une
préférence et celle des importations totales. Lorsque ce taux est
faible, on conclut que la liste des produits est limitée donc de
nombreux produits d'exportation sont exclus du système
préferentiel
KONATE/Mémoire-Master-NPTCI/Impact de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles de la CEDEAO
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2009
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analyse la probabilité d'utilisation de l'Initiative
TSA en fonction de la marge préférentielle, le volume de
transaction et d'un système concurrent dit de Cotonou. Les
résultats montrent très clairement que l'adhésion à
deux systèmes semble avoir un effet négatif, confirmant ainsi les
observations de Mold (2005) sur l'importance de la prise en compte des
systèmes concurrents existants.
A propos, Mold (2005) souligne que compte tenu du fait que la
plupart des pays bénéficient déjà d'un traitement
préferentiel en raison de leur statut de PMA, les
préférences accordées à la plupart des produits ne
présentent pas un progrès significatif par rapport aux accords
préférentiels existants. En particulier, Latreille (2003) avait
déjà estimé qu'à la différence des
bénéficiaires d'autres accords commerciaux unilatéraux
(CBI, ATPA), les effets de l'AGOA seraient modestes dans la mesure où
les pays africains bénéficiaient déjà avant l'AGOA,
du SGP américain. Ces conclusions sont également obtenues pour
l'Initiative TSA (Brenton, 2003 ; Yu et Jensen, 2004).
A l'instar de Cernat et al. (2003) et de la CNUCED (2003),
Mold (2005) constate que les différents systèmes en vigueur comme
l'AGOA sont à l'origine de problèmes spécifiques
(règles d'origine, recours aux barrières non tarifaires,
caractère éphémère des préférences,
leur complexité, leur changement probable en accords bilatéraux)
qui empêchent les pays africains d'en tirer pleinement profit. Ainsi, il
suggère leur homogénéisation et l'élimination
progressive de la mosaïque actuelle des préférences. Par
ailleurs, un tel accord renforcerait les relations commerciales et stimulerait
dans une certaine mesure l'intégration régionale, source
d'expansion des exportations (Viner, 1950) si tous les pays étaient
éligibles.
Cette proposition est largement appuyée par
Ianchovichina, Matoo et Olarreaga (2003) qui indique à travers une
simulation par un modèle d'équilibre général que
l'AGOA n'entraînera qu'une légère amélioration du
bien-être et particulièrement des exportations dans les pays
d'ASS, mais que les gains seraient beaucoup plus conséquents si tous les
pays de la Quadrilatérale procédaient simultanément
à la même libéralisation et une telle initiative ne leur
coûterait rien.
Par ailleurs, les investissements directs étrangers
(IDE) sont reconnus comme essentiels dans l'accroissement de la
productivité et des exportations d'un territoire (Henner, 1997, Aitken
B.
& Harrison A., 199936
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). Et l'un des objectifs de l'AGOA est de favoriser ce type
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36 Cité par Fouda (2008)
KONATE/Mémoire-Master-NPTCI/Impact de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles de la CEDEAO
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2009
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d'investissements en Afrique. Mais Latreille (2003) constate
peu d'afflux d'IDE attirés par les possibilités offertes par
l'AGOA. De plus, il estime que la loi américaine aura peu d'impact en
termes d'IDE nouveaux en raison de la conception même de cette loi. Fouda
(20008) montre également que la mise en place de l'AGOA n'a pas
affecté les flux d'IDE en direction de l'Afrique de l'Ouest mais que
dans l'ensemble, c'est le secteur pétrolier qui capte les flux.
Ces propositions soutenues également par les
pessimistes sont cependant infirmées par certaines
particularités. En effet, Lall (2003) décrit l'expérience
exceptionnelle du Lesotho qui malgré sa pauvreté et son manque
total de ressources sauf l'eau a attiré considérablement des IDE
taïwanais surtout dans l'industrie de textile et des vêtements. Ces
IDE sont passés de 3 à 243 millions de dollars entre 1982
à 2001. En Afrique Centrale, il est apparu que la mise en place de
l'AGOA a également influencé positivement et significativement
les IDE (Fouda, 2008).
Somme toute, la littérature relève un bilan
mitigé des effets de la loi américaine sur les exportations des
pays bénéficiaires d'ASS en général et d'Afrique de
l'Ouest en particulier. Loin d'être exhaustive, cette revue de
littérature empirique permet d'entériner certaines
prédictions de la théorie économique des échanges
internationaux.
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