3.2- LES CONTRAINTES LIEES A L'ENCLAVEMENT
3.2.1- Les contraintes d'ordre moral et culturel
Loin de n'être qu'un problème économique,
l'enclavement d'une région se perçoit aussi à travers les
aspects moraux et culturels. Il s'agit des effets sur la mentalité des
habitants. En effet, à KOUTOUGOU, les paysans ont fini par la force des
choses à développer un complexe d'infériorité par
rapport aux autres, complexe qui frise parfois le dédain
vis-à-vis des autorités publiques centrales. Lors de notre
enquête par exemple, le chef canton affirmait ne pas pouvoir inviter le
Préfet pour la fête traditionnelle parce que comme d'habitude,
tout ce qui se fait ici n'intéresse personne et que les gens n'y
viennent que pour les campagnes électorales.
Sur le plan culturel, nombre de faits marquants contribuent au
retard considérable de la zone d'étude. D'abord au niveau
scolaire, il y a une difficulté chronique d'enseignants du fait que la
plupart de ceux qui y sont affectés refusent de s'y rendre ou s'en vont
après y avoir mis les pieds. Il en résulte alors que seuls deux
enseignants affectés par la Direction Régionale de l'Education se
chargent de la scolarisation des enfants de Koutougou. Cela explique sans aucun
doute les taux de scolarisation faibles17 dans la zone
étudiée.
Ensuite, les Temberma ignorent très souvent et
volontairement la notion de frontière. C'est ainsi qu'à
KOUTOUGOU, il est difficile si non impossible d'entendre parler du Bénin
comme entité territoriale différente. D'ailleurs 97,7% de nos
enquêtés affirment ne pas voir en
17 58% de nos enquêtés sont non instruits
comme l'indique la figure 12, page 54.
la frontière avec le Bénin un motif
d'enclavement. Aussi, durant nos sorties sur le terrain, faisions-nous recours
à des astuces du genre « quel hymne chantez-vous à
l'école » avant de savoir de quel côté de la
frontière nous étions.
Enfin, la retombée de ce qui précède est
que les Temberma de KOUTOUGOU disent être les «oubliés du
Togo». Pour eux, leur milieu se cherche entre le Togo et le Bénin
car ils écoutent radio Parakou ou RFI (Radio France Internationale),
suivent (pour le seul qui a une télévision) l'ORTB (Office des
Radio Télévision du Bénin). Toutes ces contraintes sont
probablement à l'origine des autres plus palpables.
3.2.2- Les contraintes sociologiques
Toute la vie des habitants du terroir de Koutougou est
régulée par rapport au phénomène de
l'enclavement.
Primo, les jours de repos dans le village ou mieux ceux au
cours desquels on sent la vie du village sont ceux d'animation du marché
de Takonta au Bénin. Les femmes y vont dès le matin
chargées de produits vivriers alors que les hommes reviennent des champs
« prématurément » autour de neuf heures puis se
préparent pour suivre leurs épouses.
Secundo, dans la société Temberma de KOUTOUGOU,
les villages qui sont situés le long de la piste automobile sont
considérés comme « plus importants » que ceux qui en
sont éloignés. Cette importance se traduit par une
hiérarchisation des chefs de village et aussi par l'effectif de
population dans les différents villages. C'est pourquoi, lorsque le chef
de canton a une information à donner ou une décision à
prendre, le premier à être concerté, c'est le chef de
Koutamagou situé sur ladite piste. Les autres ne sont informés
que plus tard par l'entremise d'un envoyé. C'est ce qui explique
d'ailleurs que les villages de Kouya-kougou et Koutapa sont selon les dires
même du chef canton courtisés par le canton voisin de Warengo
faisant ainsi qu'au fil des années, il y a une perte progressive de son
autorité sur ces villages.
Aussi, la répartition des habitants sur l'environnement
d'étude est-elle un fait qui tient compte des réalités
liées à l'isolement. En effet, les villages situés sur la
piste automobile qui relie Tchitchira au Bénin (Koutougou, Koutamagou)
sont les plus peuplés du canton et regroupent respectivement 32,8 et
39,7% de la population totale avec comme on le voit, une domination de
Koutamagou situé sur la frontière. Dans le même temps, les
zones situées loin de la route (Lipouli 1 et 2) n'en renferment que
27,5%. Il en découle une concentration le long de la piste automobile
créant une disparité dans la répartition des hommes sur
leur terroir. C'est en tout cas ce que présente la figure 15
qui fait état de la répartition de la population dans l'univers
d'étude.
1°9'55"
1°11'54"
1°13'53"
1°15'52"
1°17'51"
1°9'55"
1°11'54"
1°13'53"
1°15'52"
1°17'51"
# Autres localités
# 200 habitants
Limite d'Etat
350 habitants
#
Kouya - Tougou
#
Koutapa
#
Lipouli 1
# #þ #
Lipouli 2
#þ #
Tapounté
#
Koutougou Sola
#
9°5930" 10'1'29" 10'328" 17527" 17726"
759'30"
10°1'29"
10°3'28"
10°5'27"
10°7'26"
CANTON DE KANTE
CANTON DE NADOBA
82
FIG 15 : Répartition de la population dans la zone
d'étude N
Koutamagou
##þ#
Koutougou
#% þ# #
PREFECTURE DE DOUFELGOU
LEGENDE
0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 Kilometers
Source: NOYOULEWA A. (2005), d'après les
données du recensement général de la population, 1981 et
les projections de la Direction nationale de la Statisque et de la
Comptabilité Générale, Lomé.
% Chef lieu de canton
#
#
Cours d'eau
Route carrossable Zone d'étude
#þ Village étudié
Limite de Canton Limites de préfecture
650 habitants
800 habitants
Mis à part ces contraintes d'ordre moral, culturel et
social, les vraies conséquences de l'enclavement restent sur le plan
économique où notre zone d'étude brille plutôt par
un immobilisme ou mieux une précarité dans la vie de ses
habitants. Quelles en sont les transcriptions réelles dans la vie des
populations ?
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