3.2.3- Les contraintes économiques
La vie économique de KOUTOUGOU se résume
à l'activité agricole. C'est donc les retombées de
l'isolement sur ce domaine que nous essayons de présenter selon les
centres d'intérêts qui suivent :
3.2.3.1- Un coût de production agricole
élevé
Le coût de production est la somme des dépenses
effectuées toute l'année pour produire une denrée. Dans le
domaine agricole, il est le fait de plusieurs paramètres.
3.2.3.1.1- La main d'oeuvre
Plus élevée à KOUTOUGOU que dans les
autres localités avoisinantes, la main d'oeuvre s'exprime à
travers le salaire que l'on perçoit contre la réalisation d'un
travail champêtre. C'est en quelque sorte le prix de vente de la force de
travail. La disparité dont il est question se perçoit mieux
à travers le tableau 9 comparatif des taux d'exécution de
certaines opérations.
Tableau 9 : Tableau comparatif des taux
d'exécution de certaines opérations agricoles selon la
localité
|
|
Koutougou
|
|
Tchitchira
|
|
Massédena
|
|
Nadoba
|
Manuelle
|
Attelée
|
Manuelle
|
Attelée
|
Manuelle
|
Attelée
|
Manuelle
|
Attelée
|
Buttage (F/1butte)
|
|
100
|
|
-
|
|
75
|
|
-
|
|
60
|
|
-
|
|
25
|
|
-
|
Labour (F/Ha)
|
36
|
000
|
40
|
000
|
32
|
000
|
24
|
000
|
32
|
000
|
36
|
000
|
20
|
000
|
28
|
000
|
Sarclage (F/Ha)
|
16
|
000
|
20
|
000
|
12
|
000
|
12
|
000
|
12
|
000
|
16
|
000
|
8
|
000
|
9
|
000
|
Source : D'après les résultats de nos travaux.
Il se dégage du tableau 8 un constat clair : les prix
d'exécution des opérations agricoles sont plus
élevés à KOUTOUGOU que partout ailleurs dans la zone.
Entre Koutougou et Nadoba, un terroir Temberma à 5 km au nord, les prix
varient même jusqu'à concurrence de 44% que ce soit pour le labour
ou pour le sarclage alors que les deux localités sont à distance
égales de Kantè. Seulement la facilité d'accès de
Nadoba favorise la venue des
métayers venant de la région des savanes ou
encore des élèves de Kantè qui y viennent soit en vacance
ou durant les week-end pour s'adonner au métayage. La main d'oeuvre
revient ainsi moins chère pour les autres opérations agricoles
notamment le buttage dont le prix est à 75% plus élevé
à KOUTOUGOU par rapport à Nadoba.
Quant au village de Tchitchira dans la préfecture de
Doufelgou, les prix des opérations réalisées par la
traction animale sont particulièrement bas (24 000 F pour le labour
contre 40 000 F à KOUTOUGOU) du fait que c'est le site qui abrite le
projet des jeunes ruraux qui y ont été installés par le
gouvernement avec une paire de boeufs pour chacun afin d'exploiter la
vallée de la Kéran.
Il est donc évident qu'à KOUTOUGOU, les prix des
opérations agricoles sont très élevés. On comprend
davantage pourquoi d'ailleurs la proportion de ceux qui ont recours au salariat
agricole dans leurs exploitations y est très faible. L'enclavement
empêchant la venue d'actifs extérieurs au terroir, la
pénurie de la main d'oeuvre explique la flambée de ses prix.
Seulement, le coût de production n'est pas que du ressort du coût
de la main d'oeuvre. Les prix des intrants y participent largement.
3.2.3.1.2- Le prix des intrants
Au Togo, les prix des intrants sont fixés par le
gouvernement puisque les Directions Régionales de l'Agriculture, de
l'Elevage et de la Pêche sont habiletées à les convoyer
jusque dans les fermes les plus reculées. Mais cette
réalité est loin d'être effective dans le cas de KOUTOUGOU.
En effet, les habitants de ce canton doivent chaque année aller chercher
euxmêmes leurs intrants à Niamtougou ou à Kantè.
Selon le lieu, les prix de revient de ces produits indispensables à la
production agricole varient comme l'indique le tableau 10.
Tableau 10 : Prix de revient des intrants vivriers
selon le lieu de provenance par sac de 50 kg
|
Prix national
|
KANTE (97 km)
|
NIAMTOUGOU (72km)
|
NPK
|
7
|
750 F
|
12
|
000 F
|
9
|
000 F
|
UREE
|
7
|
750 F
|
12
|
000 F
|
9
|
000 F
|
Source : D'apres les résultats de nos
travaux.
Selon le tableau 9, les prix croissent de 54,83% et 16,12%
selon que les intrants proviennent de Kantè ou de Niamtougou. Mais il se
fait qu'appartenant à la préfecture de la Kéran, il est
plus facile aux paysans de KOUTOUGOU d'en disposer à Kantè
qu'à Niamtougou
sauf dans le cas des intrants coton car la SOTOCO rattache la
zone ATC de Koutougou à la coordination Binah-Doufelgou dont Niamtougou
est le siège.
En définitive, les paysans de la zone d'investigation
paient plus cher les intrants vivriers que les autres paysans du Togo,
simplement à cause du fait que les véhicules ne peuvent
accéder facilement à la localité. Après leur achat,
les paysans font transporter les intrants jusqu'aux bords de la Binah soit
à environ 15 kilomètres de Koutougou. Là, chacun
s'organise pour assurer le reste du trajet soit par charrettes grâce
à la traction animale, soit par moto ou dans la plupart des cas par
tête d'homme. C'est pourquoi nous devons préciser que les prix
évoqués plus hauts sont ceux évalués jusqu'à
mi-chemin c'est-à-dire jusqu'aux bords de la Binah et pour avoir une
idée exacte, il faut y ajouter le transport sur les quinze
kilomètres restants. Les intrants coton ne souffrent pas du même
problème puisque leur mise en place a lieu en saison sèche.
Seulement, les paysans n'évaluent pas souvent leurs propres efforts.
C'est aussi le cas pour les outils de travail qui leur reviennent plus chers
que dans d'autres localités de la région sans qu'ils n'y
prêtent attention.
3.2.3.1.2- Le coût des outils de
travail
C'est l'une des données que les paysans ignorent
souvent dans l'évaluation de leurs revenus. Les outils utilisés
dans les champs à KOUTOUGOU proviennent du Bénin plus
précisément de Takonta. Et pourtant, avec le travail de forge
prépondérant dans le pays Kabyè surtout à
Tcharè (POYODA M., 2001), les outils coûtent de moins en moins
chers dans toute la région de la Kara surtout en ce qui concerne les
houes et les dabas. Par ailleurs, ces instruments provenant du Bénin
sont d'une qualité inférieure à ceux fabriqués au
Togo. C'est ce que prouve leur durée d'utilisation telle que nous l'ont
relaté les paysans. Cette situation paraît clairement dans le
tableau 10 ci-dessous présentant les outils, leurs prix selon les lieux
d'achat puis leur durée d'utilisation moyenne.
Tableau 11 : Outils de travail : Prix et durée
d'utilisation des outils de travail selon le lieu d'achat
|
TAKONTA (Bénin)
|
NIAMTOUGOU
|
KANTE
|
Prix
|
Durée
|
Prix
|
Durée
|
Prix
|
Durée
|
Houe
|
500 F
|
1 an
|
250 F
|
2 ans
|
300 F
|
2 ans
|
Daba
|
4500 F
|
2 ans
|
2200 F
|
3 ans
|
2500 F
|
3 ans
|
Coupe-coupe
|
2500 F
|
1 an
|
2000 F
|
1 an
|
2000 F
|
1 an
|
Hache
|
500 F
|
+ de 5 ans
|
300 F
|
+ de 5 ans
|
300 F
|
+ de 5ans
|
Il est donc évident que les instruments de travail
reviennent plus chers et durent moins quand ils sont achetés au
Bénin. Mais dans la réalité, les habitants de KOUTOUGOU
n'ont pas véritablement le choix. Ils sont contraints par l'enclavement
de leur localité à acheter plus cher et en plus sur un
marché extraterritorial, ce qui constitue une fuite de capitaux
importants et un manque à gagner pour l'économie togolaise. Cette
variation du prix couplée de la mauvaise qualité des outils qui
leur sont proposés peut comme dans le cas de la daba prendre des
proportions importantes (plus de 50% de réduction sur les marchés
togolais).
Dans l'ensemble, les coûts de production se
révèlent très élevés pour les paysans de
notre zone d'étude à cause de l'enclavement de celui-ci. Qu'en
est-il alors des prix de vente ?
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