Etude de communautés de pratique et mécanismes de partage des connaissances via les réseaux numériques:le cas du Pnud( Télécharger le fichier original )par Félicien MAMBULU Université Cheikh Anta Diop école des bibliothécaires archivistes et documentalistes (EBAD) - Diplome supérieur en sciences de l'information et de la communication (DSSIC) 2005 |
4.2. La gestion des connaissances ou le Knowledge ManagementDans un environnement en constante mutation où la concurrence se fait de plus en plus féroce, où le cycle de vie des produits devient de plus en plus court, où les clients sont à la recherche perpétuelle de nouveautés, de produits personnalisés et de services individuels, les entreprises sont amenées sans cesse à innover et à se démarquer de la concurrence. De ce fait, la capacité à produire des entreprises modernes ne repose plus uniquement sur leurs ressources industrielles, mais de plus en plus sur leur capital intellectuel, leurs connaissances. Selon Mohamed Bayard et Serge Francis Simen (2003), les ressources de l'entreprise peuvent être partagées en deux catégories : les ressources matérielles et les ressources immatérielles. Les ressources matérielles figurent sur le bilan : argent, bâtiments,machines,.... L'autre catégorie comprend tout ce qui touche aux ressources humaines, à l'expertise constituée, aux processus qui ont été développés au sein de l'entreprise, aux procédures, à la propriété intellectuelle (brevets, enseignes, marques) et aux actifs invisibles liés au marché comme la loyauté des clients. Pris ensemble, ces actifs invisibles sont nommés "capital intellectuel" ou "capital immatériel". Il existe plusieurs opinions différentes dans la littérature relative à la gestion des connaissances sur la constitution et la définition exacte de ce qu'est le capital intellectuel. Cela est dû au caractère récent de la réflexion sur le sujet. Toutefois, Tom Stewart (1987) définit le capital intellectuel comme étant "la matière intellectuelle : connaissances, informations, propriété intellectuelle, expériences dont une entreprise peut se servir pour créer de la valeur". En tant que moteur de la pérennité et de la croissance des entreprises, le capital intellectuel est une ressource stratégique qu'il est devenu impératif de gérer et de valoriser sous peine de céder du terrain sur un marché de plus en plus concurrentiel. Malheureusement, sa gestion n'est pas systématique. Les entreprises se trouvent ainsi confrontées à de nombreux problèmes, notamment : - la perte de savoirs et de savoir-faire clés suite à un départ en retraite, une mutation... ; - la difficulté à obtenir les connaissances nécessaires pour décider du fait de la dissémination de l'information et de la mauvaise organisation des savoirs et expertises ; - la mauvaise communication et la mauvaise circulation de l'information dues à une organisation trop rigide ; - la répétition d'erreurs déjà commises par le passé... Pour traiter ces dysfonctionnements et éviter les risques qu'ils engendrent, depuis quelques années les entreprises mettent en place une démarche de gestion des connaissances ou " Knowledge Management " (KM) pour les Anglo-Saxons . Dans le même ordre d'idées, l'explosion de nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) a abouti à un véritable raz-demarée informationnel, vécu comme une maladie contemporaine par l'employé dans l'exercice de ses fonctions. A ce titre, le Knowledge Management se révèle comme une approche qui renverse complètement le processus en se centrant sur l'utilisateur final et en répondant à sa requête : " Apportez-moi l'information dont j'ai besoin, au moment où j'en ai besoin et si possible sans que j'en fasse la demande ". Nous pouvons extraire de cette phrase quatre attentes de l'utilisateur auxquelles répond une des logiques du Knowledge Management très proche des techniques documentaires : - "Apportez-moi ", indique une attente pour un service personnalisé de production de l'information. - "L'information dont j'ai besoin ", montre qu'on ne désire que cette information-là. D'où le concept de pertinence. - "Au moment où ", décrit que l'information n'a de valeur que si elle arrive au bon moment. La valeur de l'information réside donc dans le juste à temps. - "Sans que j'en fasse la demande ", traduit le concept de trouver des choses qu'on ne cherchait pas, mais qui correspondent à une attente tacite. Il importe d'observer que cette démarche du Knowledge Management se rapproche de l'intelligence économique ou la veille stratégique. Considéré sous cet angle, le KM peut se traduire par la mise en place et l'exploitation d'un dispositif informationnel (traitant, stockant et diffusant l'information) visant à aider les individus à améliorer de façon durable l'efficience et l'efficacité d'une action productive. En définitive, la gestion des connaissances est un défi managérial considérable qui s'inscrit dans un changement à long terme et dans de nouvelles visions de l'entreprise. Elle prend en compte simultanément trois ressources immatérielles dans l'entreprise : les ressources humaines porteuses de l'expérience, les processus opératoires qui mettent en action les savoirs et savoir-faire et les informations qui nous entourent. 4.2.1. TerminologieAfin de mieux cerner les repères théoriques du concept "gestion des connaissances ", il est nécessaire avant tout de comprendre ce qu'est la connaissance, mais surtout de la situer par rapport aux données et à l'information. 4.2.1.1. Donnée, Information et connaissanceD'après la littérature, la donnée est une représentation d'un ou des symboles de ce qui est survenu ou de ce qui survient au moment même. Elle n'est pas signifiante en soi, elle ne le devient que lorsque quelqu'un en fait une interprétation, lui donne un sens. Elle devient information pour celui qui l'interprète. Selon Davenport et Prusak (1998), les données sont des faits objectifs qui relatent un événement, comme des observations simples alors que l'information est une donnée ou une série de données qui a du sens d'après Drucker (2000). Une même donnée peut conduire à plusieurs informations selon le sujet, le contexte. L'information est un message d'un niveau de signification plus important. Elle nécessite un support, un émetteur et un récepteur. Elle est aussi un objet susceptible de traitements, de maniements, de manipulations très divers au travers des supports multiples. L'information est d'un usage personnel : il doit y avoir un intérêt pour le récepteur du message, une interprétation de la donnée à travers un modèle : Information = Données + modèle d'interprétation. L'information est comprise comme une donnée signifiante pour un individu et ne peut plus être définie indépendamment de son utilisateur. La pertinence ( ou niveau d'intérêt de l'information) dépend du sens qui émerge des relations entre les données et le modèle des utilisateurs, au regard d'une discipline particulière. L'information est nécessaire à la construction des connaissances. La connaissance est l'extension de l'information à laquelle on ajoute de valeur et de croyance car la connaissance repose sur l'intention. A ce titre, elle est un phénomène spécifiquement humain qui concerne la pensée dans ses cadres relationnels actifs et contextuels : chaque connaissance s'inscrit dans un processus dans lequel d'autres connaissances sont déjà présentes. La connaissance tire son origine du cerveau des individus et se construit à partir de l'information qui est transformée et enrichie par l'expérience personnelle, les croyances et les valeurs. La connaissance à l'inverse de l'information doit être incarnée dans quelque chose : avant d'être collective, elle est individuelle. La connaissance est une croyance justifiée, produite et soutenue par l'information vue sous l'angle syntaxique (volume) ou des contenus (sémantique, plus important pour la connaissance car centré sur le sens). L'information est un flot de messages alors que la connaissance est créée par ce même flot d'informations ancrées dans le système des croyances de l'utilisateur. Elle est l'appropriation, l'intériorisation de l'information. Dans la même logique, G. Dosi (1995) fait la distinction ci-après entre l'information et la connaissance: l'information est une forme codifiée de propositions correspondant à différents états du monde, de propriétés, d'algorithmes explicites exprimant le mode d'emploi pour réaliser certaines choses. La connaissance, quant à elle, inclut un aspect cognitif, un code d'interprétation de l'information, un savoir-faire tacite, une élaboration d'algorithmes et une résolution de problèmes qui confère un sens heuristique dans la compréhension des phénomènes. Gilles Balmisse (2003), pour sa part, propose une autre distinction entre donnée, information et connaissance à travers le schéma ci-dessous : Schéma n°3 : Distinction entre donnée,
information et connaissance" Modèle". Selon lui, une donnée est un élément brut qui n'a pas été interprété, c'est-à-dire mis en contexte. L'information, pour sa part, est une donnée interprétée. Elle met en relation différentes données pour obtenir un fait. La connaissance quant à elle est basée sur une information assimilée et utilisée pour aboutir à une action. Balmisse poursuit en soutenant que la connaissance permet la généralisation des problèmes alors que l'information ne permet de prendre que des décisions. Davenork et Prusak (1998), de leur part, définissent la
connaissance d'expertises qui assure un cadre pour évaluer et incorporer de nouvelles expériences et informations " [12]. Ils poursuivent en soutenant que la connaissance est une information valorisable provenant de l'esprit humain qui inclut de la réflexion, de la synthèse et un contexte particulier. Cette approche rejoint l'équation proposée par Manfred Mach (1995) : Connaissance = Information + Interprétation humaine. Cette définition un peu simpliste en apparence fait apparaître clairement la dimension explicite de l'information et tacite de la connaissance. Elle permet de voir la part de subjectivité présente dans la connaissance qui permet de donner du sens à l'information, de la situer dans un contexte d'après Belmondo (2001). Enfin, pour Baumard (1999), la connaissance est subjective car elle est liée à l'individu ou au groupe d'individus qui la génère. |
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