A. Personnalité internationale de l'Etat
La genèse de l'Etat est parachevée par
l'éclosion de la personnalité juridique confirmée par la
reconnaissance des autres membres de la société
internationale37. La reconnaissance est, selon Charpentier, le type
d'actes par lesquels les Etats se créent unilatéralement des
obligations38.
L'Etat est une personne morale, c'est en cette qualité
que le droit international le contemple et le traite. Plus qu'un de ses
attributs légaux (car elle conditionne l'aptitude même à
son concept : l'Etat existe en tant que personne morale), et c'est à ce
titre que ces attributs lui sont attachés39.
Cette personnalité internationale de l'Etat comporte
deux aspects : l'existence Corporative et la qualité de sujet. Dire de
l'Etat qu'il est une « corporation », C'est affirmé deux
principes d'une portée considérée quant aux effets de sa
personnalité.
a. Imputabiité des comportements
d'organes
Le premier est le principe selon lequel l'Etat agit
légalement par l'intermédiaire de ses organes. Personne morale,
c'est-à-dire être artificiel construit par le droit, même si
c'est le plus souvent à partir d'une réalité de fait,
l'Etat est naturellement dépourvu des moyens de conception et d'action
dont disposent les individus, de qui le droit fait des « personnes
physiques »,comme toute personne
36 COMBACAU(J) et SUR(s), op.cit, p.225
37 BASUE BABU KAZADI(G), op.cit, p.35
38 Idem, p.35
39COMBACAU(J) et SUR(S), op.cit, p.225
20
21
morale, il veut et agit par la médiation des personnes
physiques ou des groupes de personnes, elles-mêmes envisagées
comme constituant des corps ;ce sont les « organes » qui la
représentent40.
b. Identité dans le temps
Le caractère corporatif de l'Etat explique d'autre
part, le principe selon lequel l'Etat est légalement identitaire
à lui-même, de sa fondation à sa dissolution.
Identité et continuité de l'Etat ont le même sens, ils
signifient, comme être légal, il n'est pas altéré
par les mutations qui affectent ses éléments corporatifs.
De cette logique, Jean Combacau ajoute que, de même les
mutations substantielles de l'Etat sont sans effet sur son identité
légale, la modification en plus ou moins de l'assise spatiale et de la
population de cette collectivité territoriale qu'est l'Etat ne fait que
dessiner autrement les contours de l'objet sur lequel des compétences
internationales lui sont reconnues et n'introduit aucune discontinuité
dans son existence 41.
Par ailleurs, reconnaitre que l'Etat est un sujet du droit
international, serait par ricochet, reconnaître qu'aucun acte n'est
nécessaire pour lui conférer une personnalité
internationale, alors qu'aujourd'hui, cette négation est remise en
cause, car si l'on s'en tenait à cette idée, les Etats tels que :
Kosovo, Sud-soudan n'auront pas vu le jour sur la vie internationale et que la
Palestine se verra directement admis au concert des nations sans obtenir l'aval
d'Israël et ses partenaires.
B. Attributs légaux de l'Etat
La personnalité n'est rien d'autre qu'une aptitude
abstraite à se voir conférer des attributs légaux par
l'ordre juridique qui érige ainsi un être en sujet de droit.
Aptitude vide d'un sujet passif à se voir destiner des
normes ; c'est aussi une aptitude grâce à quoi celles-ci peuvent
désormais conférer ou reconnaitre au sujet
40COMBACAU(J) et SUR(S), op.cit, p.226
41Idem, p.226
,l'Etat en l'occurrence, des attributs qui, en tant que sujet
de son ordre juridique propre, ne pouvaient pas lui être attachés
des droits et les obligations, des compétences et des pouvoirs, que le
droit international reconnait à tout être tenu pour un Etat et qui
constituent ainsi ses attributs statutaires42.
La compréhension de ces attributs passe par
l'étude de caractère d'ensemble, la capacité d'agir
internationalement et le plus haut qui se puisse concevoir dans le cadre du
droit.
a. Caractère d'ensemble
Entendue comme aptitude abstraite, la personnalité ne
comporte pas une panoplie déterminée de droits, de pouvoirs et
d'obligations ; ainsi, affirmer que l'Etat est sujet du D.I ne préjuge
en rien la liste de ceux qu'il lui reconnait.
D'une part, ils résultent des engagements propres que
chacun souscrit en vertu de sa capacité d'agir ; ils sont donc variables
et n'intéressent pas un exposé consacré au statut objectif
d'Etat et à l'examen de la dotation initiale qui lui est attaché
; d'autre part, ils font partie des attributs statutaires originaires que le
D.I général attache objectivement à tout Etat dès
sa constitution et aussi longtemps qu'il n'a pas usé de sa
capacité pour en modifier la consistance43.
b. Capacité d'agir
internationalement
Se basant sur son sens de « capacité d'exercice
», le seul réellement utile par rapport à la notion de
personnalité, la capacité est l'aptitude donnée ou
reconnue à son sujet d'agir dans l'ordre juridique duquel il la tient
soit en produisant du droit (capacité substantielle), soit en usant des
voies légales destinées à le réaliser effectivement
(capacité processuelle)44.
A ce titre, l'Etat, sujet de droit a évidemment le
pouvoir de produire du droit et de mener des actions légales dans son
ordre dont il conviendra seulement de se demander s'il doit être pris en
compte par les autres Etats lorsqu'il entend en faire
42COMBACAU(J) et SUR(S), op.cit, p.227
43Idem, p228
44Ibidem, p.230
22
découler des effets à leur égard, mais il
n'en résulte pas une capacité internationale, comportant des
pouvoirs de création de droit international et des actions
légales dans l'ordre international.
c. La souveraineté
internationale
La souveraineté est un degré de la puissance et
de la liberté légale et ce degré est le plus haut.
Cependant cette définition dégage un sens très
diffèrent en droit interne et en droit international.
On notera d'une part, dans l'ordre interne, on dit de l'Etat
qu'il est souverain se référant à tous les degrés
inférieurs de l'échelle des personnes publiques et à ses
sujets eux-mêmes. L'Etat a d'abord une puissance plus grande qu'aucune
des collectivités qu'il englobe est là où la leur est
limitée et spécialisée, la sienne est totale et
générale, quant aux êtres sur qui s'exerce la puissance
étatique, ce sont des « sujets »,non pas ici en tant qu'ils se
voient accorder la personnalité juridique ;mais en ce qu'ils sont soumis
à la puissance de l'Etat, « assujettis » à son
imperium.
La puissance suprême de l'Etat se définit ainsi
en droit interne par son contenu positif de plénitude, comme le plus
grand degré possible de supériorité de son titulaire ceux
qui lui sont soumis, qui comporte le pouvoir de briser la résistance
aussi bien de ses sujets que ses rivaux en puissance, les uns et les autres
subordonnés.
Et d'autre part, dans l'ordre international au contraire, dire
de l'Etat qu'il est souverain sous-entend qu'on ne trouve au-dessus de lui
aucune autorité dotée à son égard d'une puissance
légale : la souveraineté internationale se définit
négativement à ce niveau, comme la non-soumission à une
autorité supérieure, le fait de n'être le sujet (au sens
d'assujettis) d'aucun sujet (au sens de personne juridique).
La souveraineté internationale ne comporte donc par
elle-même aucun pouvoir et pourrait même se concevoir dans le chef
d'un être qui en serait dépourvu, elle est une qualité,
purement privative, de la puissance de l'Etat.
Affirmer que l'Etat est internationalement souverain, c'est
qualifié ses droits, ses pouvoirs, ses compétences ..., en les
affectant d'un degré superlatif qui
23
exclut toute attribution à un tiers d'un titre quelconque
à l'exercice sur lui d'une puissance légale45.
§.2 : L'action de l'Etat en droit
international
En droit international, l'Etat est une entité abstraite
il se matérialise dans la vie internationale au travers ses organes. Un
statut abstrait est accordé à l'Etat par les relations
internationales qui doit lui être applicables même
indépendamment de toute reconnaissance, c'est le statut
originaire46. Des règles exigent des autres Etats le respect
et de ce point de vue, l'Etat dispose d'un statut privilégié par
rapport aux organismes internationaux. L'action de l'Etat en droit
international se conçoit par rapport à sa personnalité
internationale comme nous avons eu à le démontrer
précédemment.
Par ailleurs, cette qualité ne s'apprécie pas
dans l'abstrait mais par rapport aux références que constituent
les deux systèmes juridiques entre lesquels il opère la jonction
: l'ordre interne et l'ordre international. Quant au premier, chaque Etat a une
personnalité au regard de son propre droit et notamment, au regard du
droit de chacun de ses paires, au moins s'ils le reconnaissent pour tel. Quant
au second, qui tout Etat a la personnalité au regard du droit
international, dont il est le sujet immédiat(A) et de plein droit(B).
|