§2 : La conception démocratique du droit
international
Selon la conception démocratique du droit
international, pour que ce dernier soit légitime, il faut que les
destinataires de ces normes puissent se comprendre comme en étant en
même temps les auteurs.
92 HABERMAS(J),op.cit, p.48
93 Idem, p.62
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On pourrait comprendre cette définition d'une
manière restrictive, en se disant que les destinataires des normes du
droit international, ce sont les Etats. A partir du moment où il existe
des principes procéduraux qui permettent de faire en
sorte que les Etats puissent se penser comme étant les
auteurs des normes dont ils sont les destinataires, on pourra penser que
l'on a affaire à un droit « démocratique ».
Mais ce serait faire une mauvaise interprétation de la
conception démocratique du droit dont on parle.
Le droit, selon cette conception, a pour objet la conciliation
effective des libertés des personnes physiques, des individus, pas des
Etats, qui sont des sujets de droit fictifs. C'est l'être humain qui est
à la fois au fondement et à la fin de tout ordre juridique qui se
réclame de la démocratie.
Une conception démocratique du droit a valeur
prescriptible, elle constitue un programme d'action, et non une théorie
explicative de la réalité. Elle se fixe un objectif idéal,
qui constitue l'horizon de toute démocratie, à savoir la
réalisation pleine et permanente des droits de tous94.
Kant distingue à cet égard trois états du
phénomène juridique :
> Le droit privé : c'est le droit que forment des
sujets libres dans l'état de nature. L'instrument qu'ils utilisent pour
édicter des normes applicables entre eux est le contrat. Le
problème est que, dans l'état de nature, il n'existe aucune
règle objective, aucun droits des contrats ni, a fortiori, aucune
autorité pour faire garantir le respect de ces règles et, plus
généralement, de nature, le tien et le mien, c'est-à-dire
les droits subjectifs des individus, sont toujours mis en danger. Pour Kant,
comme pour Hobbes, l'état de nature est un état de guerre
permanent ;
> Kant considère que les hommes n'ont pas d'autres
alternatives que de conclure le contrat social pour sortir de l'état de
nature et rentrer dans l'état civil. Ce faisant, ils définissent
les limites réciproques qu'ils entendent fixer à leurs
libertés respectives. Sur le plan juridique, cela signifie qu'ils
instituent ce que Kant appelle « le droit public ». Sur le plan
politique, ils abandonnent l'état de guerre permanente
représenté par l'état de nature pour rechercher un
état de paix au moins provisoire.
> Provisoire, parce que la paix à l'intérieur
des Etats n'est jamais acquise si la paix internationale ne l'est pas
complètement. La réflexion de Kant s'appuie ici sur
94 VIRALLY(M),Droits de l'homme et théorie
générale du droit international, in Mélanges Cassin,
vol.4,Méthodologie des droits de l'homme, Pedone, Paris, 1972, p.275
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la philosophie de l'histoire : les guerres entre Etats
trouvent leur origine dans les guerres internes ; mais inversement, la guerre
entre Etats met constamment en danger la paix durement acquise sur le plan
interne.
Sur le plan juridique, cela signifie que le droit public n'est
jamais totalement « péremptoire », c'est-à-dire reste
dans une certaine mesure instable et imparfait tant que les Etats ne sont pas
eux-mêmes sortis de l'état de nature pour rentrer dans
l'état civil.
Pour Kant, de même que les individus n'ont pas eu d'autre
choix que de
sortir de l'état de nature pour instituer le droit
public, les Etats n'ont pas d'autre choix que d'instituer le droit «
cosmopolitique », c'est-à-dire droit public à
l'échelle des
Etats.
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