I.1.2. Supprimer ou réduire les risques
microéconomiques
L'éradication des risques microéconomiques
suppose d'améliorer la gouvernance économique et politique
assortie de la prévisibilité des politiques et des règles
de droit en vigueur, de faire respecter la force de la loi et de créer
les conditions d'une économie formelle de marché. En vue de
l'atteinte de tels objectifs, les pouvoirs publics doivent prendre les mesures
suivantes.
a) Garantir la sécurité des biens et
des personnes
Il est impérieux de parachever le processus de
désarmement, de démobilisation et de réinsertion des
ex-combattants et milices, afin d'accroître l'efficacité de la
lutte contre la criminalité, la prolifération et la circulation
illicite d'armes dans le pays et de juguler ainsi le grand banditisme
permettant de rassurer les populations en général et les
investisseurs en particulier. Au besoin, il faut réexaminer les textes
en vigueur en matière de lutte contre la criminalité afin de les
adapter au contexte post-conflit.
Aussi, convient-il d'instaurer une meilleure collaboration
entre les institutions d'intégration régionale et internationale
telles que l'Organisation Internationale de Police Criminelle (INTERPOL). Ces
dispositions doivent être appuyées par une vaste campagne de
sensibilisation de la population.
b) Renforcer la lutte contre la corruption et
l'enrichissement illicite
Les effets pervers de la corruption sur l'activité
économique sont pluriels. La Banque Mondiale estime que la corruption
peut réduire le taux de croissance des pays de 0,5 à 1 point. La
corruption a également pour effet d'induire des distorsions de prix et
de marché, et de s'opposer au jeu de la concurrence libre et
équitable. Dès lors, pour garantir une relance optimale de
l'économie ivoirienne au sortir de la crise, la lutte contre ce
phénomène - que ce soit la petite ou la grande corruption, la
corruption banalisée (discrète) ou non - doit être le
leitmotiv de tous les acteurs de la vie économique du pays : pouvoirs
publics, secteur privé et communauté.
Pour y arriver, l'Etat de Côte d'Ivoire doit mettre en
place un cadre réglementaire et institutionnel conforme aux normes et
standards internationaux de lutte. Il est donc indispensable de ratifier de
façon diligente la Convention de Mérida (2003) des Nations Unies
contre la Corruption, signée le 10 décembre 2003 par l'Etat de
Côte d'Ivoire. Conformément à cette convention des Nations
Unies, le Gouvernement devra impérativement mettre en place un organe
anti-corruption par le biais d'une loi votée par le législateur
ivoirien, lequel organe devra bénéficier de l'indépendance
institutionnelle et de l'autonomie financière vis-à-vis des
pouvoirs publics. Il faut par ailleurs renforcer le dispositif
réglementaire et institutionnel de lutte contre le blanchiment d'argent
et le financement du terrorisme, en ratifiant la Convention de Vienne (2000)
contre la criminalité transfrontalière organisée et en
renforçant les conditions de l'efficacité des structures
nationales de lutte anti-blanchiment existantes.
Une fois que le cadre réglementaire et institutionnel
est bien défini, il convient de renforcer les contrôles à
tous les niveaux et de procéder à la répression par des
sanctions exemplaires et non discriminatoires. Dans ce cadre, le CTCFR doit
renforcer ses actions de sensibilisation et de contrôle sur l'ensemble du
territoire national afin de mettre un terme définitif au racket et aux
tracasseries routières.
Par ailleurs, pour garantir l'efficacité de
l'Administration, il faut en finir avec l'enchâssement de la corruption
dans les pratiques administratives et son corollaire de pesanteurs
bureaucratiques dans les services publics. Cela suppose que chaque service
public se dote d'un code de déontologie et une charte de bonne conduite
qui favorisent et récompensent l'intégrité et le
professionnalisme.
De plus, la mise en oeuvre de politiques de management des
services de l'Etat basées sur des processus clairement
élaborés, et non plus sur des fonctions ou postes, est aussi
souhaitable : c'est la recommandation de l'adoption du Management par
activité ou "Management Based on Activity" dans l'Administration
publique ivoirienne. A ce titre, il est préconisé que les
services publics adoptent la démarche qualité en vue de la
certification à la norme ISO de leurs activités respectives
décrites dorénavant sous forme de processus. Quant au secteur
privé, il lui revient de développer et de promouvoir la culture
d'entreprise orientée vers l'éthique et le civisme. Dans ce
cadre, les entreprises nationales sont fortement invitées à
adopter les politiques RSE dans leur système de management.
Finalement, toutes ces dispositions doivent être
appuyées par la sensibilisation des acteurs à travers les masses
media et autres supports de communication : presse audiovisuelle et
écrite, affiches et panneaux publicitaires, slogan, musique, ateliers de
formation, etc. Le Gouvernement peut rigoureusement s'appuyer sur le plan
national de gouvernance et de lutte contre la corruption 2010-2014
élaboré en décembre 2009.
c) Renforcer la primauté du droit et la
prévisibilité des règles
La primauté du droit se rapporte à un
régime où les décisions des autorités nationales
sont prises conformément à un ensemble de textes de lois et de
règles écrites auquel doivent se conformer tous les citoyens du
pays, où ces règles sont appliquées de manière
cohérente sous la gestion d'une administration professionnelle et avec
l'intervention d'un pouvoir judiciaire équitable et transparent. En
Côte d'Ivoire, il existe plusieurs facteurs majeurs responsables de la
méfiance actuelle des populations et des opérateurs
économiques vis-à-vis de l'appareil juridique et judiciaire en
place : impunité, corruption du personnel judiciaire, absence
d'indépendance, complexité et longueur des procédures,
etc.
La corruption et la confusion qui règnent au niveau de
l'application des règles se traduisent souvent par des coûts
d'observation élevés. Les formalités administratives, les
décisions arbitraires, les diverses exigences particulièrement
lourdes et les pratiques inefficaces font ainsi obstacle à
l'activité privée. L'arbitraire ou la corruption au niveau de
l'application tournent les lois prévues comme protection, notamment pour
la sécurité du travail, la protection de l'environnement et la
sécurité des consommateurs et les détournent de leur but.
Par conséquent, outre les mesures relatives à la lutte contre la
corruption ci-dessus énumérées, les pouvoirs publics
doivent s'atteler à :
- adapter et consolider l'environnement juridique et judiciaire
national afin de favoriser et sécuriser les activités
économiques et financières ;
- faire la promotion du droit des affaires régional,
en l'occurrence les règles édictées par l'Organisation
pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) en vue de son
appropriation ;
- renforcer les moyens d'actions des juridictions suprêmes
de la République, notamment la Cour des Comptes ;
- créer des tribunaux de commerce et réformer le
registre du commerce, du crédit mobilier et du greffe pour le bon
fonctionnement de ces juridictions spécialisées ;
- renforcer les capacités de la Cour d'Arbitrage ;
- divulguer les règles de droit en vigueur et les rendre
facilement accessibles ;
- former et responsabiliser les experts judiciaires et
organiser un vaste programme de formation des magistrats
spécialisés au droit des affaires, bancaire, financier, des
assurances, anti- blanchiment des capitaux, etc.
d) Consolider la formalisation de l'économie
nationale
Le secteur privé formel est défavorisé
par les subventions implicites dont bénéficient les entrepreneurs
informels du fait de l'application inégale des règlements et
mécanismes inférieurs de protection des biens et des contrats.
« Ces deux facteurs exercent un effet de distorsion
sur la concurrence, faussent le terrain économique, réduisent
l'accès des entreprises formelles aux intrants et aux marchés
tout en les décourageant d'effectuer des investissements qui
accroîtraient leur productivité21 ». Le
Gouvernement doit ainsi s'évertuer à créer les conditions
qui réduisent l'informalité et modifient progressivement la
composition du secteur privé ivoirien dominé à plus de 80%
par le secteur informel. A ce titre, il doit prendre des mesures afin de
réduire la forte concurrence déloyale livrée au secteur
formel par les nombreux acteurs informels et restaurer ainsi la
compétitivité des entreprises nationales. Il importe
également que des efforts soient faits pour divulguer auprès de
tous les opérateurs économiques, les informations concernant le
système fiscal pour une meilleure connaissance de ce système,
afin d'optimiser les facilités qui leur sont offertes et permettre aux
entrepreneurs informels "ignorant les conditions légales d'exercice" de
procéder à la régularisation de leur situation.
Par ailleurs, le Gouvernement doit oeuvrer pour le
repositionnement de la Côte d'Ivoire au niveau des indicateurs Doing
Business de la Banque Mondiale, par la mise en oeuvre de réformes visant
à réduire le nombre d'autorisations requises, la longueur des
procédures administratives, les délais d'exécution des
contrats et les coûts associés à la création et
à la vie de l'entreprise notamment la PME/PMI en Côte d'Ivoire.
Pour ce faire, il est recommandé aux pouvoirs publics de procéder
notamment :
- au renforcement du rôle de guichet unique du CEPICI pour
accélérer les formalités de création des
entreprises ;
- à la révision du mode opératoire
d'attribution des lots industriels pour plus d'efficacité.
L'amélioration de l'appropriation privée et
subséquemment du rendement de l'activité économique passe
également par la levée des facteurs à l'origine des
déficiences des marchés en Côte d'Ivoire.
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