I.1.2. Analyse des rendements sociaux des facteurs de
production
L'analyse des rendements sociaux des facteurs de production
revient à explorer la situation géographique du pays, le
rendement de l'éducation ou les investissements dans le capital humain,
la qualité des infrastructures socioéconomiques et les facteurs
de compétitivité interne et externe.
La situation géographique de la Côte d'Ivoire,
telle que décrite dans la première partie de l'étude, est
favorable à la pratique des affaires car très stratégique
à l'instar de beaucoup de pays non enclavés d'Afrique
Subsaharienne. La géographie offre au pays des avantages certains
permettant de rendre très dynamiques les activités
économiques en période de stabilité, en raison notamment
de la disponibilité de plusieurs infrastructures modernes
réalisées pour la plupart dans les années 70 lors du boom
économique. C'est donc à juste titre qu'environ 70% des
entreprises interrogées lors de l'enquête du GTN ont
confirmé le rôle déterminant de la qualité et de
l'importance des infrastructures en Côte d'Ivoire dans leurs
décisions initiales d'investissement entre 2006 et 2007.
Cependant, il convient de noter que la persistance de la crise
militaro-politique a occasionné la destruction de plusieurs
infrastructures et la surexploitation des équipements
existants13. Il s'ensuit inéluctablement des surcoûts
supportés par les opérateurs économiques sur les facteurs
de production ou d'installation. Selon l'enquête du GTN de mars 2009, les
coûts relativement élevés de l'eau, de
l'électricité, du carburant ainsi que l'inefficacité des
services postaux et l'absence de réglementation en matière de
fixation des loyers immobiliers ou de terrains industriels agissent
négativement sur la rentabilité des entreprises en Côte
d'Ivoire. Par ailleurs, le secteur informel a pris de l'ampleur à la
faveur de la crise et celui-ci exerce de plus en plus une forte concurrence aux
entreprises légalement établies. Cette situation est
préjudiciable au secteur privé à cause de l'impact
négatif confirmé de ces surcoûts directs et indirects sur
la compétitivité-prix des entreprises nationales.
13 Selon le DRSP, 3 515 infrastructures et
édifices publics sont à réhabiliter ou à
reconstruire dans la zone CNO.
Par ailleurs, l'absence d'investissement dans le secteur de
l'électricité a conduit au délestage électrique
accentué à Abidjan entre fin 2009 et mi-2010.Les pertes y
afférentes ont représenté en 2009 environ 5% des pertes
totales de chiffre d'affaire des entreprises ivoiriennes (Banque Mondiale,
2009).
Concernant l'éducation, les autorités
ivoiriennes ont toujours considéré ce secteur comme prioritaire
dans la politique de développement du pays en lui allouant plus de 30%
du budget. De nombreuses infrastructures scolaires et universitaires ont
été réalisées par le passé et des efforts
considérables ont été déployés par l'Etat
pour assurer leur fonctionnement. Cependant, les résultats du
système éducatif ivoirien sont mitigés et de nombreux
défis restent à relever. En effet, hormis le taux d'inscription
au supérieur d'environ 7,8% sur la période 2000-2008 qui
constitue l'un des taux les plus élevés en Afrique Subsaharienne,
les taux de scolarisation dans le primaire (72,0%) et le secondaire (24,5%)
demeurent largement inférieurs aux performances de la plupart des pays
de la région (Annexe 14). En dépit de la persistance de la crise,
l'Etat ivoirien a consacré en moyenne sur la même période
4,6% de son PIB à l'éducation, essentiellement destinés au
fonctionnement du système éducatif. Ce qui constitue un effort
acceptable au regard de la part des dépenses publiques
d'éducation dans le PIB des pays comparables tels que le Ghana (5,4%),
le Cameroun (3,1%) et le Sénégal (4,4%).
En termes de rendement de l'éducation, il est
couramment reconnu que quatre types de marchés du travail coexistent
dans les pays en développement, à savoir le monde rural, le
secteur public, le secteur privé formel et l'informel, chaque
marché présentant des caractéristiques qui lui sont
propres en matière d'emploi. En Côte d'Ivoire, l'éducation,
si elle ne constitue pas toujours un rempart contre le chômage, permet
incontestablement d'obtenir des gains plus élevés sur le
marché du travail, en particulier dans les secteurs formels public et
privé. Le rendement marginal de l'éducation, mesurant le
supplément de gain salarial du travailleur généré
par une année d'études supplémentaire, est de 13 % dans le
secteur public, 6% dans le privé formel et 1,8% dans l'informel (Lettre
d'information de DIAL n° 25, juillet 2006). Il existe en effet une
convexité du rendement de l'éducation en fonction du niveau
scolaire atteint en Côte d'Ivoire, expliquant ainsi que
l'éducation influence de façon croissante la
rémunération du marché du travail et que le rendement
marginal augmente au fil de l'accumulation du capital humain.
Ces rendements assez élevés pourraient
suggérer l'épuisement de l'offre rare de personnes
qualifiées dans l'économie ivoirienne, mais l'analyse du taux de
chômage des diplômés en Côte d'Ivoire au cours des
dernières années nuancent cette thèse. Selon le DRSP
(2009), le taux de chômage des diplômés était de 13%
en 2002 au niveau national. Ce taux était relativement
élevé pour les titulaires du BAC (27%), de la Maîtrise
(25%) et du CEPE (22%). Pour ceux de la Licence et du BEPC, ils étaient
respectivement de 19% et de 16%. De même, dans l'enseignement technique
et la formation professionnelle, ces taux sont relativement
élevés pour les titulaires du BEP (53%) et du BTS (42%). Pour
ceux du BT et du CAP, ces taux s'établissaient à 12,5% et 12,7%.
Finalement, les considérations précédentes
suggèrent que la croissance économique en Côte d'Ivoire
n'est pas contrainte par le manque de disponibilité ou
l'inadéquation du capital humain.
S'agissant de la compétitivité externe et des
avantages comparatifs dynamiques de l'économie ivoirienne, il convient
de noter que malgré une part relativement importante des exportations
dans la demande mondiale de 1,7% entre 2000 et 2009 contre 0,9% pour le Ghana
et le Cameroun respectivement, la Côte d'Ivoire reste tributaire d'une
économie de rente basée essentiellement sur l'exportation de ses
ressources naturelles et des produits agricoles primaires. De manière
générale, le taux de transformation locale des principaux
produits d'exportation est très bas : il se situe à 1,5% pour le
cacao et environ 5% pour le café au cours des dernières
années. Cette faiblesse traduit l'absence d'innovations du secteur
privé ivoirien susceptibles de soutenir le monde agricole et donner
ainsi la valeur ajoutée aux biens échangeables du pays.
Par ailleurs, au cours de la dernière décennie,
l'économie ivoirienne a enregistré une dépréciation
réelle du taux de change de l'ordre de 1,5%, en raison d'un
différentiel d'inflation moins favorable aux principaux partenaires
commerciaux, et d'un euro fort et instable vis-à-vis du dollar
américain sur la période. Il en découle que des
problèmes d'avantages comparatifs dynamiques (absence d'innovations) et
de faible compétitivité interne et externe peuvent constituer des
contraintes réelles à la croissance économique en
Côte d'Ivoire.
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