1.3-2- La création de la NPA :
La Nouvelle Politique Agricole (NPA) a été
lancée en 1984 en vue de créer les conditions de la relance de la
production dans un cadre qui favorise la participation effective et la
responsabilisation poussée des populations rurales à chacune des
étapes du processus de développement et, en conséquence,
réduit l'intervention de l'État à un rôle catalyseur
et d'impulsion. A travers la NPA, l'État voulait rompre avec le
jacobinisme dont il avait toujours fait part en responsabilisant
désormais les paysans. La teneur de cette politique agricole selon M.
Mbodj « tourne autour de l'idée que le secteur agricole doit
désormais etre régi par les règles du marché en
général, et par celles du profit au niveau du paysan en
particulier. Cela se traduit par la nécessaire réorganisation du
monde rural, marquée par le désengagement de l'État
» (M. Mbodj, 1992 :117). Les buts avoués de la NPA tournent en
principe essentiellement vers une meilleure réorganisation du monde
rural qui favoriserait une plus grande responsabilisation du paysan. Cela
suppose donc une intervention moins marquée
1 - Abdou Diouf, « Discours devant le Conseil
économique et social », cité par M. Mbodj, 1990 : 115.
de l'État dans le secteur et un nouveau mode
d'encadrement des sociétés de développement rural plus
souple et léger. En d'autres termes, les dispositifs de la NPA tournent
autour de la restructuration des sociétés d'intervention par le
désengagement de l'État et l'allègement de l'encadrement,
la réorganisation des producteurs autour des sections villageoises.
C'est donc dire que la NPA doit aboutir à une
restructuration sociopolitique avec l'État chargé de l'animation
et de la coordination, les paysans chargés des actions de
développement et l'apparition de nouveaux partenaires comme les ONG, les
bailleurs de fonds etc. C'est dans ce cadre que les mesures de réforme
entreprises, dans le cadre de la NPA, ont porté essentiellement sur : la
responsabilisation des producteurs ruraux, la redéfinition des missions
des organismes d'encadrement, la promotion de nouvelles formes d'organisations
paysannes, l'application d'une politique de prix incitative, la mise en place
d'une politique de gestion et de distribution des facteurs de production, la
poursuite de la réalisation d'un taux d'autosuffisance vivrière
de 80% en l'an 2000, et enfin la mise en place de la Caisse Nationale de
Crédit Agricole (CNCA).
Cependant, après plusieurs années de pratique de
la NPA, on a constaté qu'il y a eu un renforcement du malaise paysan
puisque le producteur tarde toujours à émerger. En plus, ce sont
toujours les contraintes économiques qui déterminent non
seulement les choix techniques des paysans, l'inaccessibilité de
l'engrais, des semences, du matériel agricole mais aussi la baissent
sensible de la productivité et le désordre institutionnel
à la suite du désengagement brusque des sociétés
d'encadrement qui sont insuffisamment remplacées par les Organisations
de Producteurs (OP). A ce sujet, François Boye, repris par Sambou Ndiaye
affirme que : « Contrairement à ses objectifs, la NPA en
pratique décourage la production agricole (~), encourage la
dépendance alimentaire (E) et creuse le déficit de la
filière arachidière (~) », (S. Ndiaye, 1995-1996),
p39).
C'est dire que certes cette alternative avait produit quelques
évolutions pratiques pertinentes, mais il reste que l'absence de
consensus dès le départ autour de la conception même de la
NPA avait manqué pour parfaire sa réussite. M. Kassé en
est bien conscient lorsqu'il note que : « La NPA n'a donc pu ~tre
qu'un compromis, et comme tel, cumule des demi-mesures qui ont fini par
produire beaucoup d'inconvénients et de contradictions » (M.
Kassé, 1996 :119 ).
En conséquence, à la faillite presque certaine
de la NPA, le Sénégal signait avec les bailleurs de fonds un
nouveau programme baptisé Programme d'Ajustement Structurel du Secteur
Agricole (PASA). Dans ses grandes lignes, le PASA n'est rien d'autre que la
poursuite des réformes initiées avec la NPA et porte notamment
sur l'accélération de l'État
des activités de production et de commercialisation, la
suppression des distorsion entre les prix et les subventions, la promotion des
céréales locales pour remplacer le riz, l'adoption d'une
politique d'irrigation moins coateuse et plus soutenue (M. Kassé, 1996).
En termes de bilan de l'exécution du PASA, Eliot Berg, cité par
Kassé constate qu' « il y a un plus grand nombre de preuves de
stagnation continuelle que de signes de changement » (M.
Kassé, 1996 : 20). Manifestement, on était plus proche de
l'échec du programme que de sa réussite espérée au
regard de la situation du monde rural qui ne s'améliorait
guère.
En somme, le résultat bénéfique des PAS
résiderait au niveau sociopolitique, car induisant une révision
des modalités de gestion publique, et ouvrant un espace ouvert à
une intervention plus importante des acteurs privés et sociaux. En ce
sens, les elles constituent une des composantes de la structure
d'opportunité politique ayant favorisé le repositionnement des
différents acteurs, à travers notamment la reconfiguration du
rôle de l'État, la promotion de l'intervention du secteur
privé et d'acteurs intermédiaires et enfin, le renforcement de
l'implication de la «société civile» comme contre
pouvoir des institutions publique.
Cependant, le repositionnement des acteurs locaux, pour
reprendre Sambou Ndiaye, « semble être plus une
conséquence de l'ajustement qu'un objectif préalablement
défini », (S. Ndiaye, 2007, p37). En lieu et place de la
responsabilisation des populations, c'était plutôt la
réduction du rôle de l'Etat dans le développement
économique en vue d'assurer le libre jeu du marché et la
privatisation du social qui était visée. D'autres
conséquences des PAS peuvent etre appréciées à
travers l'abolition de la gratuité de l'accès aux soins de
santé, l'enchérissement des prix des denrées de
premières nécessités, la détérioration des
conditions de vie des populations, la fragilisation du tissu agricole local
avec la suppression des subventions accordées aux paysans. Toutefois,
les effets combinés de la crise économique et des PAS conduisent
à l'affirmation de nouveaux groupes stratégiques, à savoir
les collectivités locales et les organisations de producteurs. En outre,
les exigences en matière d'auto-promotion des acteurs sociaux,
d'équité et de bonne gouvernance sont désormais mises de
l'avant.
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