1.3 - La période de 1980 à la fin des
années 90 : Le désengagement de l'État avec les politiques
d'ajustement structurel et le début de la responsabilisation des
producteurs
Les années 80 resteront véritablement la phase
radicale dans l'application des Politiques d'Ajustement Structurel (PAS) en
Afrique et, en particulier au Sénégal avec une série de
conditionnalités. En effet, suite à l'influence des bailleurs de
fonds et au changement politique avec l'arrivée de Abdou Diouf à
la tête du gouvernement, cette période restera marquée par
les PAS. En cherchant à réaliser ce que les bailleurs appellent
l'efficience de l'Etat, le Sénégal a mis en pratique le slogan
« Moins d'État, mieux d'État » en mettant en
exécution plusieurs réformes. Selon Mbodj, les PAS reposent sur
une sorte de triangle dont les sommets sont respectivement constitués
par : A) une politique monétaire de resserrement et d'aggravation des
conditions d'accès au crédit ; B) un assainissement des finances
publiques par la réduction de la masse salariale dans la fonction
publique, des dépenses sociales et des subventions publiques ; C) la
vérité des prix par la dévaluation locale. Cette phase des
PAS, caractérisée par une série de réformes
structurelles importantes avait pour finalité une réduction
sensible de l'intervention de l'État dans l'activité
économique (Mbodj,
1992). Une telle rupture est synonyme de remaniement des
principes du socialisme au profit d'une approche conforme au cadrage
macroéconomique et financier et à l'option d'une stratégie
de développement socio-économique fondé sur le respect
intégral du libéralisme. Cette nouvelle politique, comme le
remarque Mbodj est marquée par trois principales phases : d'abord «
dissolution de l'ONCAD (1972-1980) », ensuite « la réforme des
structures d'encadrement (1980-1985) » et enfin « la mise en place
d'une Nouvelle Politique Agricole (1984) », (Mbodj, 1992, p112). Cependant
dans le cadre de ce travail, nous insisteront sur deux aspects majeurs
concernant ces programmes d'ajustement structurel : d'abord la dissolution de
l'ONCAD et ensuite la mise en oeuvre de la Nouvelle Politique Agricole.
1.3-1 - La dissolution de l'ONCAD :
L'existence des nombreuses structures, dans le fonctionnement
de l'économie sénégalaise, a plutôt contribué
à paralyser le secteur agricole au lieu d'y impulser un dynamisme.
L'illustration peut etre donnée à travers l'ONCAD tel qu'il a
été ménagé pendant deux décennies. En effet
si les objectifs assignés à l'ONCAD consistaient à
moderniser l'agriculture, à commercialiser des produits de rente et
à stabiliser les prix d'achat aux productions pour conjurer les
fluctuations des prix du marché mondial, les résultats auxquels
elle a abouti n'ont pas du tout traduit ces attentes. A ce titre, Caswell a
montré dans une étude que : « L'ONCAD a plutôt
servi à enrichir une caste politico-affairiste que d'induire des
mutations profondes dans les campagnes sénégalaises La gestion de
cette société nationale a plutôt permis de
transférer les revenus agricoles dans les caisses de l'État,
favoriser des détournements, des malversations au détriment des
producteurs, rendre confus des comptes financiers concernant l'endettement
auprès de la BNDS par favoritisme, corruption et clientélisme,
constituer un réseau de clientélisme au bénéfice du
parti au pouvoir, avec les gros producteurs (marabouts ou responsables du parti
socialiste) » (1984, p38).
C'est plutôt une situation de régression à
laquelle l'ONCAD a fini par installer le secteur agricole
sénégalais avec des centaines de milliards de déficit et
une destruction des structures organisationnelles sur lesquelles reposait le
système d'organisation et d'encadrement du monde paysan. Ainsi ces
réformes ne sont pas, selon Mamadou Diouf, une volonté de
l'État « .de faire participer mais de serrer le maillage
administratif sur la société pour accroître
l'efficacité de la politique de développement dont l'extension du
domaine étatique était l'élément moteur
», (M. Diouf, 1992, p253). Il fallait dès lors réduire les
énormes déficits consentis par cet organisme
considéré comme budgétivore et sans réelle
efficacité dans le développement du monde rural.
S'en expliquant sur la liquidation de l'ONCAD, le Président Abdou Diouf
affirmait « l'Office ne parvenait plus à accomplir ses
missions. De plus, les coopératives ne pouvaient plus coexister avec un
organisme aussi lourd et omniprésent ; sauf à se transformer en
simples points de collecte d'arachide, ce qu'elle tendait effectivement
à devenir Notre objectif reste la libéralisation du monde rural
du carcan bureaucratique et des tutelles surabondantes qui l'entravent
»1
Confronté depuis longtemps à une production
agricole en déclin et un déficit persistant des finances
publiques, le Sénégal a ainsi, sous la pression de bailleurs de
fonds internationaux, procédé à l'application de ces PAS
dans le domaine de l'agriculture aussi. L'ajustement s'est traduit au niveau de
ce secteur par le désengagement, la privatisation et la restructuration
des entreprises publiques chargées du développement rural et
agricole, la responsabilisation des agriculteurs avec un transfert de certaines
fonctions anciennement dévolues aux organismes publics,
l'élimination des subventions sur les intrants et le crédit
agricole, la libéralisation des prix, des marchés et du commerce
des produits agricoles. En un mot, face à cette situation inconvenante,
il se posait la nécessité urgente et renouvelée de la
redéfinition d'une véritable politique agricole intégrant
tous les aspects du secteur rural dans un cadre cohérent avec les
orientations du pays.
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