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Analyse de la logique et de la portée de l'intervention de l'Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural (ANCAR) auprès des organisations de producteurs dans la communauté rurale de Gandon:l'exemple de l'ANCAR de Saint-Louis en partenariat avec le foyer de Sanar

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par Mamadou DIAKHO
Université Gaston Berger de Saint-Louis Sénégal - Master 2 2009
  

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PREMIERE PARTIE :

Contextualisation sociohistorique et

cadre théorique

La démarche première de tout sociologue, fut-il apprenti, est de définir son objet afin que l'on sache ce dont il est question dans son travail d'investigation. C'et dans cette maxime de Durkheim que nous situons la première partie de notre travail de recherche. Cette partie est ainsi consacrée à la contextualisation socio-historique où il sera question de faire par de la problématique d'ensemble dans laquelle s'intègre notre thème ou objet d'étude, mais aussi et surtout de décrire sa trajectoire socio-historique et ensuite, à la présentation de l'arsenal théorique que nous avons mis en oeuvre pour accéder à l'intelligibilité de notre objet.

Chapitre I : Histoire de la politique de développement agricole du Sénégal

Cette étude se propose d'analyser l'évolution des politiques agricoles du Sénégal, de passer en revue les différentes interventions des structures étatiques mises en place afin de s'interroger sur la pertinence et l'efficacité des solutions nationales adoptées par le gouvernement selon les recommandations des institutions internationales.

L'hypothèse qui sous-tend cette partie est que le développement de l'agriculture suppose un consensus politique national autour d'objectifs nationaux, un pilotage non bureaucratique pour satisfaire les besoins du marché intérieur et maîtriser l'ouverture sur le marché extérieur. Il est évident que l'histoire a montré l'échec des systèmes politiques qui concentrent la gestion des affaires publiques entre les mains d'un pouvoir central et affaiblissent les pouvoirs locaux ruraux, mais le désengagement des États qui s'en est suivi a très vite montré ses limites car il a conduit á un vide institutionnel, une stagnation de la production agricole, l'aggravation de l'insécurité alimentaire, le développement des conflits pour le contrôle des ressources de base. Il semble ainsi étonnant comme le constate Ibrahima Dia : « Avec quelle légèreté les décideurs politiques et les experts locaux acceptent que les politiques dans le domaine de l'agriculture soient uniquement basées sur les schémas économistes et simplistes prônés par les institutions financières sur la base d'une certaine doctrine, « le libéralisme du marché » (I. Dia, 2000, p111).

Certes les politiques dirigistes mises en oeuvre dans le secteur agricole depuis 1960 ont échoué, mais est- ce une raison pour accepter le « laisser faire » et la soumission au marché mondial qui condamne les pays africains á se soumettre aux normes de la compétitivité ?

Les fondements théoriques de ces institutions internationales repose sur le principal postulat qui consiste à dire que le vide que va provoquer le retrait de l'État sera naturellement comblé par le secteur privé. Cependant, ce postulat n'est basé sur aucune expérience de développement agricole dans les pays d'Asie ou d'Europe. En effet la Révolution Verte ne s'est pas produite en Asie par le dynamisme du marché (Gilbert Etienne, 1995), mais bien par une forte intervention volontariste de l'État qui a apporté un soutien à la recherche et à la vulgarisation agricole et mis en place des réseaux de distribution de semences améliorées et d'engrais. A ce titre, Bertrand Hervieu repris par I. Dia tire ainsi les principaux enseignements de la révolution verte : « Les succès de la révolution verte, liés à partir des années 1963-1964 et jusqu'en 1970 à la diffusion de nouvelles semences céréalières concernant surtout celle blé, permettent une augmentation significative de la production de céréales en Inde, En

Chine, en Indonésie, au Pakistan, au Bangladesh. Bon nombre de ces pays ont cessé d'tre des importateurs de céréales. Le Viêt-nam s'est hissé au troisième rang mondial pour les exportations de riz. Le premier enseignement de ces résultats réside dans le rôle capital joué par la recherche (~) La seconde leçon à en tirer est que le fruit de cette recherche particulièrement bien adapté aux structures sociales et aux savoir-faire locaux (~) Surtout, ces innovations n'ont nécessité ni mécanisation, ni exode paysan pour leur mise en oeuvre» (I. Dia, 2000, p 112).

L'adoption d'une politique commune au sein de l'Union européenne montre bien la volonté que manifestent les États de ce continent pour orienter le développement de leur agriculture à travers d'une part, la fixation des prix et d'autre part, l'établissement de quotas de production et l'octroi de subventions. Dans la même logique, les États- Unis d'Amérique avaient mis en oeuvre des politiques agricoles souples et évolutives.

En réalité, les expériences asiatiques, européennes et américaines montrent que les progrès de l'agriculture ont été obtenus grace à un véritable engagement de l'État et non comme on le laisse entendre par un désengagement de l'État au profit du marché. Il s'agissait dans ces pays d'obtenir l'autosuffisance alimentaire inspirée par une idéologie nationaliste selon célèbre la formule du général De Gaulle : « un pays qui ne peut pas se nourrir n'est pas un grand pays », (I. Dia, 2000, p 113). Il apparaît donc que l'agriculture des pays industriels dont les gouvernements se déclarent partisans de l'économie de marché est encore soumise à de nombreuses interventions de l'État et on imagine mal pourquoi il devrait en etre autrement dans les pays du Tiers monde. Et depuis plus d'un siècle aujourd'hui, les conceptions du développement en Afrique de l'Ouest oscille entre deux modules : le modèle du volontarisme de l'administration, c'est-à-dire que l'État se présente comme l'organisateur omnipotent qui se trouve parfois lui-même engagé dans la production, et celui de l'accompagner les dynamiques économiques existantes dans une options libérale.

Le Sénégal présente ainsi une explication et une analyse plus spécifique de sa politique agricole tout au long de son histoire. En effet Mohamed Mbodj analyse les politiques de développement agricole mises en oeuvre par l'État sénégalais autour de trois périodes majeures :

1À D'abord de 1960 à 1971 marquée par la nationalisation de l'agriculture dans un contexte socialiste et de domination des rapports État /marabouts,

2- Ensuite la période de 1971 à 1979 qui se présente comme une période des calamités naturelles produisant un « malaise paysan » sur un fond de domination des marabouts et de changement de régime politique,

3- Enfin la période de 1979 à 1990 marquée par l'ajustement structurel avec le désengagement de l'Etat dans l'activité économique et la promotion du libre échange, (Mbodj, 1992, p 96).

Mais pour les besoins de cette étude, nous avons jugé nécessaire de proposer une nouvelle périodisation en situant cette politique agricole autour de trois étapes. D'abord des années 60 jusqu'en 1979 avec l'État interventionniste. Ensuite des années 80 à 1990 marquées par le désengagement de l'État et la responsabilisation des producteurs et, enfin de 1990 à la période actuelle dominée par la politique de lutte contre la pauvreté et la politique de la stratégie de croissance accélérée.

1.1 - La période d 1960 à 1962 : Mamadou DIA et la politique d'animation rurale et le mouvement coopératif

L'animation rurale se conçoit comme une modalité de la participation des communautés dans les processus de prise de décision. Elle est considérée comme une réponse à des besoins décisionnels plus judicieux et socialement plus acceptable que les choix qui émergent de politiques non décisionnels ou de type bureaucratiques. Elle participe d'une volonté de dialogue fortement affichée par les pouvoirs publics à travers les politiques de développement mises en place au lendemain des indépendances.

Cette période concerne en principe la politique de Mamadou DIA, partisan de la doctrine du socialisme africain. En effet, quand le Sénégal accède à l'indépendance en 1960, le gouvernement de Mamadou Dia adopte un plan de socialisation et de nationalisation de son économie. Ainsi, l'orientation du nouvel État indépendant prenait source dans cette doctrine socialiste basée sur ce qui est connu sous le nom de « communautarisme négro-africain » qui est une voie médiate alliant l'efficacité de la gestion capitaliste aux valeurs du socialisme. A cette époque, les bases idéologiques du mouvement coopératif étaient, dès 1950 avancées par M. Dia à savoir que la coopérative est l'institution clef du socialisme africain, et qu'elle doit combiner les traditions africaines et les valeurs démocratiques. L'hypothèse qui sous-tendait cette politique était qu'au sein des sociétés traditionnelles, il existe des valeurs qui peuvent et

doivent etre utilisées au service du développement. C'est ainsi que dans son discours du 04 Avril 1959, le Président du Conseil d'alors pose d'emblée la problématique du développement en ces termes : « J'ai déjà dit que, politiquement, nous devions choisir un socialisme original, authentique, prolongeant ses racines profondément dans le terroir, issu de l'Afrique et non de l'Europe, de l'Asie ou de l'Amérique. Pour construire ce socialisme nouveau, nous emprunterons la grande voie de l'économie humaine, qui peut se résumer dans la belle formule de François Perroux « l'économie de tout l'homme et de tout les hommes. » (Rapport national sur le développement humain au Sénégal, 2005 : p 33).

Alors dans ce cas précis, le développement est censé être un phénomène total, c'est-àdire qu'il doit s'appliquer à toutes les régions du pays, urbaines et rurales, à toutes les classes de la société, à tous les secteurs de l'économie, à tous les niveaux de vie individuelle et collective etc.

La méthode préconisée pour atteindre cet objectif est celle d'un dialogue ouvert qui bannit toute forme de contrainte. Donc l'instrument à travers lequel les éléments de conception de cette politique agricole vont se matérialiser est la coopérative. Il fut ainsi décidé la mise en place d'un important mouvement coopératif. Ce qui traduisait dans les faits, les orientations contenues dans la circulaire n° 32 du 21 Mai 1962 du Conseil intitulé Doctrine et problème de l'évolution du mouvement coopératif au Sénégal qui va promouvoir les coopératives comme instruments de mobilisation des populations et de réalisation du développement rural. Cette circulaire était l'expression la plus clairement élaborée des objectifs du gouvernement. Dans un tel contexte, le mouvement coopératif devrait servir de pierre angulaire pour la promotion socioéconomique des paysans. A ce propos, Il était écrit dans la circulaire que : « Le mouvement coopératif, au niveau des communautés humaines réelles constitue le mode d'organisation permettant de préserver les valeurs communautaires anciennes et de promouvoir un développement moderne susceptible de prendre place dans les courants d'évolution du monde actuel » (Rapport national sur le développement humain au Sénégal, 2005 : p 34).

Fondées sur l'éthique du socialisme africain, les coopératives vont avoir pour objectifs de démanteler l'économie de traite, assainir les circuits de commercialisation hérités de la colonisation, nationaliser le commerce de l'arachide et diversifier l'économie rurale etc. Le mouvement coopératif devient donc le cadre de promotion d'une approche communautaire du développement locale. Il s'agit en fait de promouvoir un système d'encadrement rapproché des paysans tant sur le plan de l'organisation, du financement mais aussi du contrôle des

coopératives agricoles. Mais un tel système est censé s'atténuer au fur et à mesure que les coopérateurs acquièrent les compétences nécessaires à la gestion de leur organisation.

Finalement la prédominance de la version communautaire promue par Dia ne suivra pas à son érection dans la scène politique consécutive aux fameux évènements de 1962. Depuis lors, l'approche institutionnelle du développement local semble prendre le pas sur celle communautaire dans les politiques de développement au Sénégal. Avec l'élimination de M. Dia, la situation devient encore beaucoup plus grave en 1963 avec une stagnation des stocks d'arachide dans les coopératives et, la tutelle, au lieu de dépérir connaît une accentuation : c'est l'État qui fixe les prix, distribue les semences, fournit le crédit, supervise la comptabilité des coopératives et détermine les priorités locales de développement. Ainsi pour gouverner des populations intégrées, l'État du Sénégal a procédé à la mise en place d'un relais de son pouvoir dans le milieu rural à la suite de la réforme administrative territoriale de 1972. A côté de l'organisation administrative, l'État va également mettre sur pied des structures de mobilisation populaire et de participation pour faire du monde rural « le pôle du développement de la société ». Cette phase réformiste se fondait sur la référence à l'idéologie du socialisme démocratique sous-tendue par l'option d'une planification rigoureuse, exhaustive et volontariste.

Toutefois, les coopératives vont très vite être transformées en instruments de prédation. Dès le début de leur mise en oeuvre, les elles seront d'abord confrontées à des problèmes structurels et à d'autres liés à l'environnement sociopolitique du pays, notamment le clientélisme politico-économique reliant les structures et fonctionnaires de l'État, les leaders du monde rural et la masse des paysans. Autrement dit, la politisation des coopératives, notamment avec l'avènement des Centres Régionaux pour l'Assistance au Développement (GRAD), va détourner les coopératives de leurs missions. Ensuite l'hétérogénéité des villages membres d'une méme coopérative posait des problèmes de cohésion sociale et de solidarité. Enfin la mauvaise gestion et la récupération du mouvement par les élites locales vont miner les coopératives. En outre, les elles vont se réduire à la gestion arachidière et se transformer en une structure politique de différenciation sociale en milieu rural. Ainsi elles apparaissent plus comme des instruments de contrôle social et politique de l'État et des politiciens sur les masses rurales qu'un outil au service des populations. L'État tentera de remédier à cette situation, mais l'aggravation des dérapages engendrent ce qu'on a appelé « un malaise paysan ». Geci entraîne un premier train de réformes qui aboutit à la création de l'Office National de Coopération et d'Assistance au Développement (ONGAD).

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault